« Moi, je ne suis pas bon », lâche Samuel Cyr avec le plus grand sérieux.

Bien sûr, celui qui est l’un des meilleurs B-Boys au pays n’est pas en train de remettre en doute tout son talent. Il parle ici de naturel. Celui que l’on surnomme Mass n’est pas naturellement bon.

« La première année où j’ai commencé à danser, c’était clair pour tout le monde dans mon cours de break que moi, je ne serais jamais bon. J’étais le pire ! »

Il a travaillé. Fort. Et il est devenu bon. Très bon. Si bien qu’il est aujourd’hui bien connu dans le monde du breaking international et en train de lutter pour une place aux Jeux olympiques de Paris.

Estime de soi renouvelée

Enfant, Samuel Cyr était introverti, il ne parlait à personne. Vers l’âge de 13 ans, il a été initié au breaking. « De là, je me suis comme ouvert », raconte-t-il à La Presse, attablé dans un Second Cup de Montréal étonnamment achalandé en ce frisquet jeudi après-midi de novembre.

Le natif de Terrebonne a carrément eu un coup de foudre pour la danse et la culture du breaking. Rapidement, son estime de soi s’est accrue. Après sa première année de danse, il a passé un été entier à s’entraîner « comme un enragé » dans son sous-sol.

« Je suis revenu l’année d’après et tout le monde était comme : “Wow, qu’est-ce qui s’est passé ?” »

Pendant cinq ans, de 18 à 23 ans, Mass a travaillé comme électricien tout en faisant du breaking dans ses temps libres. Puis, un bon jour, il n’en pouvait plus. Il a décidé de laisser tomber son emploi. Au revoir, les mégawatts, bonjour, les mouvements à temps plein.

Je l’ai fait premièrement parce que je n’étais pas heureux. Deuxièmement, parce que je veux atteindre le maximum de mon potentiel en tant qu’artiste et danseur. Je savais que le meilleur moyen pour moi d’atteindre ce niveau-là, c’était d’y aller all in.

Samuel Mass Cyr

Eric Zig Martel, directeur national de Breaking Canada, OBNL responsable du breaking au pays, et « légende du break montréalais », dixit Samuel Cyr, se souvient du Mass d’il y a quelques années.

« Au départ, je l’ai connu avec un de ses amis. Je feelais plus son ami que lui. Il avait des bons flips, de bonnes affaires, tu voyais qu’il avait un potentiel incroyable physiquement… Mais il ne dansait pas », laisse-t-il tomber.

À côté de lui, Mass esquisse un sourire en hochant la tête, signe qu’il savait très bien ce que son ami dirait.

« La force de Sam, c’est que c’est un travaillant, continue Zig. Il se fie toujours à son feeling. Il est très borné. […] C’est quelqu’un qui analyse beaucoup, qui répète, essaie et n’abandonne pas. C’est ce qui a fait qu’il a grandi incroyablement dans ce qu’il fait. Parce qu’il a compris la culture, il a commencé à s’installer. »

« C’est à partir du moment où j’ai rencontré Zig que mon style a changé, mon niveau a augmenté, note Mass. J’ai vraiment découvert c’était quoi, le vrai break, tout l’aspect autour, plutôt que juste la danse. »

« C’est idiot, combien c’est difficile »

Si Samuel Cyr pouvait mettre du breaking dans son assiette au dîner, il le ferait. Quand il parle de sa passion, ses yeux s’illuminent, son ton de voix change. « J’adore parler de break. C’est le seul sujet qui m’allume ! », lâche-t-il en souriant.

« Le break, selon moi, c’est la chose la plus dure. C’est idiot, combien c’est difficile. Tu peux t’améliorer, t’amuser et te challenger à n’importe quel niveau, mais mettons que tu veux être le meilleur, c’est tellement dur. »

Mass est athlétique et créatif. Il se nourrit de défis. « [En break], tu as tout le temps quelque chose à améliorer. C’est ça qui est cool. Vu que tu ne vois jamais la fin, tu le fais juste parce que tu aimes ça. »

Moi, parfois, j’ai de la misère à me coucher le soir parce que je pense à des mouvements, j’en invente dans ma tête. Ça, c’est dangereux, parce que je peux scrapper ma nuit.

Samuel Cyr, dit Mass

Pendant la pandémie de COVID-19, en 2020, le B-Boy a arrêté les duels pendant quelques mois. Il se remettait au même moment d’une importante blessure à une épaule. Quand il est revenu à la danse, il avait envie de faire du bruit, d’être remarqué. Il voulait atteindre les plus hauts sommets possibles.

« Je veux voir jusqu’où je suis capable de me rendre. Les gens que j’ai regardés sur YouTube et qui m’ont inspiré quand j’étais plus jeune, je veux me mesurer à eux dans des battles. »

Comme il le dit bien, en empruntant la citation à un autre B-Boy, « le break, c’est comme une autoroute à plusieurs voies ». Ça peut être pratiqué seul ou en crew, en évènement ou en compétition, ou simplement pour l’esprit de communauté.

Samuel a décidé d’adopter la voie de la compétition. Par année, il fait entre 20 et 30 compétitions. Son objectif, depuis l’annonce de l’arrivée du breaking aux Jeux olympiques, est de participer au grand rendez-vous.

Au moment de notre entrevue, au début de novembre, Mass est 60e au monde chez les hommes. Lors d’une prochaine compétition à Hong Kong, il devra finir dans le top 16 pour accéder au top 30 masculin mondial, « ce qui est très réaliste », croit-il.

À la fin de décembre, seuls les membres du top 30 seront toujours dans la course aux Jeux. De ceux-là, 10 iront aux JO. Et six autres s’ajouteront selon les résultats d’autres compétitions. Seuls 16 hommes iront donc aux Jeux. Vous avez suivi ?

Voyons voir, donc, si Mass y arrivera. Mais comme il le dit bien lui-même : « Généralement, quand je me fixe des objectifs par rapport au break, ça va vraiment bien. »