Le breaking fera son entrée au programme olympique en tant que sport additionnel aux Jeux de Paris, l’été prochain. Question d’en apprendre un peu plus sur cet art issu de l’underground, La Presse a rencontré le directeur national de Breaking Canada, l’OBNL responsable du sport au pays, Eric Martel, dit Zig, ainsi que le B-Boy québécois Samuel Mass Cyr.

Une culture underground

Le breaking est né à New York, dans le Bronx, il y a de cela une quarantaine d’années. À l’époque, « c’était plus hardcore », explique Eric Zig Martel, qui baigne dans le milieu du breaking au Québec depuis 30 ans. Au fil des années, celui qui a autrefois dirigé son propre studio de danse a vu la scène évoluer, changer.

Aujourd’hui, c’est gentil. Dans le temps, c’était plus violent. Ça venait de la rue et c’était vraiment de la rue. Je ne veux pas vraiment te donner d’exemple par rapport à ça, mais disons que ce n’était pas rose. C’était ton crew contre un autre crew. On ne s’aimait pas.

Eric Zig Martel, directeur national de Breaking Canada

Montréal avait son style. Toronto et New York, par exemple, avaient le leur.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK D’ERIC MARTEL

Le directeur national de Breaking Canada, Eric Martel, dit Zig

Avec le temps, l’internet a changé les choses ; tous ont accès aux mouvements et peuvent s’entraîner à la maison. Il demeure que chaque danseur a son style, influencé par son vécu.

« Une B-Girl qui vient du Bronx n’a pas la même énergie qu’une femme qui vient de Saint-Sauveur. Elle est plus hardcore, plus street. Quand elle fait son break, il y a un côté plus rough. Une personne qui vient d’un milieu défavorisé va transmettre son vécu dans sa danse. »

Mouvements, acrobaties, rythme…

Le breaking, « c’est infiniment dur », dixit Samuel Mass Cyr. Les danseurs doivent non seulement faire des mouvements et acrobaties, mais aussi les improviser sur de la musique… en affrontant un adversaire.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Samuel Mass Cyr

« On ne connaît jamais la musique à l’avance, explique Mass. Des fois, ce sont des classiques, d’autres fois, ça peut être un classique, mais le DJ va le remixer. »

Il faut que tu reconnaisses les patterns, les mathématiques de la musique, que tu sois capable d’anticiper les sons. Avoir le rythme, c’est une chose. Après ça, il faut que je sois capable de tourner ma tête et savoir quand tomber sur un coude dans une pause.

B-Boy québécois Samuel Mass Cyr

Tout ça, en étant original, différent des autres. Un danseur peut d’ailleurs décider d’inventer ses propres mouvements. « Il y a des mouvements de fondation que tu dois utiliser pour comprendre l’esthétique du break en général. Mais après ça, il n’y a pas de règle. »

Entre les toprocks (les mouvements debout), le footwork (les mouvements au sol), les freezes (positions sans mouvement) et les power moves (acrobaties), il n’y a pas de limites au breaking.

« Plus tu apprends, plus tu réalises que, oui, c’est technique, mais l’objectif, c’est d’être original, note Mass. C’est de découvrir qui tu es, d’avoir ton propre style. Ce n’est pas comme s’il y avait un modèle (blueprint). […] On ne veut pas quelqu’un qui est juste bon techniquement. On veut quelqu’un qui va être original, dont la danse veut dire quelque chose. Quelqu’un qui est différent. Ça, c’est dur. C’est là que l’art embarque. »

L’entrée aux Jeux olympiques

Quand il a été annoncé que le breaking ferait son entrée dans le programme des Jeux olympiques de Paris – il ne sera cependant pas à ceux de Los Angeles, en 2028 –, Zig et plusieurs « anciens » se sont regroupés. « On devait faire quelque chose au niveau canadien, prendre en charge notre propre scène avant que quelqu’un d’autre ne le fasse », explique-t-il.

Le breaking a souvent été un mouton noir, rappelle l’homme de 46 ans. Alors que les portes s’ouvraient soudainement, il importait à la communauté que la « vraie » image et la culture du breaking soient préservées, respectées. La grande question allait comme suit : « Comment minimiser les impacts d’avoir ça très mainstream maintenant, mais garder la culture intacte ? »

C’est là, en fait, que quelques personnes se sont installées ensemble et ont poussé ce couloir-là pour l’amener du côté mainstream en gardant l’aspect culturel. C’est ça, le plus important. Oui, c’est correct que ce soit aux Jeux olympiques, mais gardons la culture en vie.

Eric Zig Martel, directeur national de Breaking Canada

PHOTO LUCAS BARIOULET, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

L’arrivée du breaking aux Jeux olympiques a créé un engouement. Autrefois dans l’underground, les B-Boys et B-Girls sont aujourd’hui beaucoup plus vus.

Pour les danseurs, « c’est bien clair que [le breaking] est un art avant d’être un sport », dit Samuel Mass Cyr. Le contexte de compétition, où il y a un perdant et un gagnant, en fait également une discipline sportive. Mais tout B-Boy ou toute B-Girl n’est pas tenu de faire des compétitions.

« Il y a tellement de voies que tu peux suivre, évoque Mass. Tu peux en faire plusieurs ou juste une, ça reste du break. Ce n’est pas parce qu’il y en a une nouvelle plus athlétique et plus professionnelle que ça invalide toutes les autres, que celle-là n’est pas bonne. »

L’arrivée du breaking aux Jeux olympiques a créé un engouement. Autrefois dans l’underground, les B-Boys et B-Girls sont aujourd’hui beaucoup plus vus. Et c’est voulu.

« Je pense qu’on est rendus là aujourd’hui. On est prêts à le montrer à tout le monde, dit Zig. Surtout au Québec, avec des émissions comme Révolution, ça vient montrer notre art au grand jour. Les gens qui y participent, en break entre autres, ce sont de vrais représentants de l’underground qui gagnent des compétitions et qui sont vrais dans ce qu’ils font. Ce n’est pas n’importe qui. »

Et le Québec ? Et le Canada ?

Alors, où se situent le Québec et le Canada sur la scène internationale du breaking ? « On est vraiment bons », résume Zig, qui fait partie de ceux qui donnent beaucoup à la communauté de différentes façons. Il est, notamment, le directeur du festival Distrix.

Toujours est-il que le breaking demeure subjectif, rappelle-t-il. « Avec Breaking Canada, ma vision de ce que je vois de la scène et ce que j’essaie d’impliquer, j’aime la direction canadienne et ce qu’on fait, nous autres. »

« Est-ce que l’aspect comme il est aujourd’hui m’intéresse ? Généralement, dans le monde, non. Ce que nous, on fait ici, oui. Dans le monde, c’est un break qui ne m’intéresse pas, mais qui peut intéresser n’importe qui. Un Coréen qui vole partout, qui tourne sur un doigt et fait 18 tours, les gens vont gueuler, mais pour moi c’est quelque chose d’autre. C’est une approche artistique… »

Notons que le Canada compte sur B-Boy Phil Wizard, de Vancouver, qui vient d’obtenir son billet pour les Jeux de Paris grâce à sa médaille d’or aux Jeux panaméricains. « C’est le dude à battre au monde. »

Phil Wizard en action
  • Phil Wizard, de Vancouver, a obtenu sa place aux Jeux olympiques de Paris en vertu de sa médaille d'or aux Jeux panaméricains, à Santiago.

    PHOTO GUILLERMO SALGADO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Phil Wizard, de Vancouver, a obtenu sa place aux Jeux olympiques de Paris en vertu de sa médaille d'or aux Jeux panaméricains, à Santiago.

  • Phil Wizard

    PHOTO GUILLERMO SALGADO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Phil Wizard

  • Phil Wizard

    PHOTO FRANK GUNN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

    Phil Wizard

  • Phil Wizard

    PHOTO GUILLERMO SALGADO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Phil Wizard

  • Phil Wizard

    PHOTO FRANK GUNN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

    Phil Wizard

  • Phil Wizard

    PHOTO FRANK GUNN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

    Phil Wizard

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