Ce contrat de trois ans, c’est un peu (beaucoup) la consécration, justement, de tous les efforts investis et de la persévérance qui lui a été nécessaire.

Ses débuts chez les professionnels, sans lui faire vivre l’enfer, n’ont pas été un fleuve tranquille. Choix de troisième tour des Panthers de la Floride en 2015, il a fait le saut du junior à la Ligue américaine en 2017-2018 en se joignant aux Thunderbirds de Springfield, club de fond de classement dont il a été le principal gardien à 21 ans.

Pour la première fois de sa vie, il s’éloignait sérieusement de la maison pour jouer au hockey. Ses parents ont toutefois tiré profit d’une situation malheureuse – l’usine où travaillait son père était en lock-out – pour aller le visiter régulièrement.

À ses deux saisons suivantes, il a trouvé ses aises, prenant même part au match des Étoiles de la Ligue américaine en 2019. Il a aussi obtenu ses premiers rappels dans la LNH. Malgré une fiche positive de 9-8-3 à Sunrise, son taux d’arrêts de ,892 laissait croire qu’il lui restait encore des aspects de son jeu à peaufiner.

Sa situation chez les Panthers lui laissait toutefois peu d’espoirs de décrocher un poste à temps plein. Coincé derrière Sergei Bobrovsky et Chris Driedger, il a passé toute la campagne 2020-2021 dans les ligues mineures, cette fois avec le Crunch de Syracuse. Et avec l’éclosion de Spencer Knight la saison suivante, il était l’homme en trop.

Le 1er octobre 2021, son nom a été soumis au ballottage. Le lendemain après-midi, passé l’échéance de 14 h, Montembeault n’avait toujours aucune nouvelle. Son agent et lui échangeaient des textos : la rétrogradation semblait imminente.

Cette fois, le cœur n’y était pas, sinon si peu. Le club-école des Panthers était désormais situé à Charlotte et partagé avec le Kraken de Seattle. Un engorgement se profilait devant le filet. Il était question que Montembeault soit prêté à une autre formation de la Ligue américaine, peut-être même le Rocket de Laval.

Or, son cellulaire a sonné. Sur l’afficheur : l’indicatif 514. C’était Marc Bergevin, alors directeur général du Canadien, qui lui annonçait que le club de son enfance l’avait réclamé.

« Je ne m’attendais pas à ça. Je sautais de joie ! », affirme-t-il. Ses parents se sont spontanément inquiétés de la pression médiatique, à plus forte raison pour un Québécois.

« Il m’a dit : ça va être en français. Amenez-en, des journalistes ! », rapporte sa mère.

Ce n’étaient pas des paroles en l’air. Dans la victoire comme dans la défaite, Montembeault s’entretient patiemment avec les reporters, en français comme en anglais, avec l’essoufflant débit qui est le sien. Il ne se formalise pas de répondre à quelques questions le matin d’une rencontre, une idée impensable pour plusieurs gardiens.

« Que ce soit un bon ou un mauvais match, c’est important de faire face à la musique et de répondre de ce qui est arrivé, croit-il. On le voit à la télé : tout le monde parle du Canadien. C’est important de donner l’information et de parler. Ça ne me dérange pas du tout. »

Porte-parole

Par la force des choses, il est ainsi devenu l’un des principaux porte-parole dans le vestiaire. Malgré des statistiques peu flatteuses au cours de ses deux premières saisons à Montréal, il a gagné la sympathie du public.

Le voilà, avec David Desharnais, Phillip Danault, Jonathan Drouin, et plus récemment David Savard et Mike Matheson, dans la courte liste des Québécois francophones qui ont eu un impact important chez le CH depuis 2010. Pour trouver son équivalent chez les gardiens, il faut remonter à José Théodore, au milieu des années 2000.

Samuel Montembeault est pleinement conscient, à ce titre, de son unicité.

Un concours de circonstances a fait en sorte que la prise de photos, en vue de la publication de ce reportage, s’est déroulée sur l’avenue des Canadiens-de-Montréal, près de la grande œuvre murale qui orne la façade nord-est du Centre Bell.

Derrière le natif de Bécancour, on pouvait apercevoir Patrick Roy brandir la coupe Stanley. Un plan rapproché de Carey Price. Ken Dryden, dans sa pose classique, debout, accoudé sur son bâton.

S’il demeure avec le CH pour toute la durée de son nouveau contrat, Montembeault s’approchera du top 10 de l’histoire du club pour le nombre de matchs joués et le nombre de victoires. Peut-être ne reproduira-t-il pas les prouesses des géants passés avant lui. Mais il en devient un incontournable héritier.

« C’est un peu fou », admet Montembeault, qui évoque aussi le nom de Jacques Plante, dont l’image décore son masque.

« C’est de grosses chaussures à porter, mais c’est vraiment le fun », ajoute-t-il.

Il attend avec impatience le retour de son équipe en séries éliminatoires. Son passage au plus récent Championnat du monde, où il a remporté la médaille d’or avec l’équipe canadienne, lui a redonné le goût des « matchs sans lendemain ».

J’aimerais vraiment ça, vivre l’expérience des séries, ici, au Centre Bell. Ça doit tellement être bruyant…

Samuel Montembeault

Il est encore trop tôt pour prédire le type de carrière qu’il connaîtra. Son destin sera inévitablement lié à celui de l’organisation, dont les succès risquent de devoir attendre encore.

Ce dont on peut présumer, toutefois, c’est que le gardien affrontera les tempêtes avec tout le calme et la bonne humeur qui le caractérisent.

Un mandat infiniment complexe dans un marché comme Montréal. Mais qu’il tentera de faire paraître le plus simple possible.

Simple comme Samuel, finalement.