En réalité, y a-t-il quelque chose qui stresse le numéro 35 du Tricolore ? La question mérite d’être posée. Et malgré l’énergie investie dans nos recherches, il semble que la réponse soit non.

Toutes les personnes à qui nous avons parlé dans le cadre de ce reportage s’entendent sur au moins une chose à son sujet : il faudra se lever tôt pour le déstabiliser ou lui faire perdre sa contenance. Unanimement, on décrit un être placide, dont le pouls ne semble jamais s’accélérer. « C’en est stressant pour nous à quel point il n’est pas stressé dans la vie », illustre sa mère.

Cette imperméabilité aux irritations semble le suivre devant son filet. Chaque fois qu’ils s’expriment à son sujet, ses coéquipiers et ses entraîneurs chez le Canadien vantent son calme et sa capacité à tourner la page sur un mauvais but ou un mauvais match. Un trait de caractère qui le suit pratiquement depuis qu’il a enfilé des jambières pour la première fois.

Steve Mongrain peut en témoigner. Entraîneur des gardiens de but chez les Estacades de Trois-Rivières, il a travaillé avec Montembeault pendant tout son secondaire, des rangs pee-wee jusqu’au midget AAA – aujourd’hui la ligue de développement M18 AAA.

« Son calme était légendaire, témoigne-t-il. On aurait dit qu’il n’avait pas de pression. Il jouait pour le plaisir. » Déjà à l’époque, « il avait des jambières très rapides, son bas du filet était très efficace », raconte l’entraîneur. Or, il était assez petit pour son âge, ce qui peut sembler surprenant pour quiconque a déjà croisé en personne le grand gaillard de 6 pi 3 po.

Selon Mongrain, c’est ce manque de maturité physique qui l’a empêché de jouer au niveau midget AAA à l’âge de 15 ans. Après une saison chez les midget Espoir, et à la suite d’une sérieuse poussée de croissance, il a toutefois été en mesure de faire sa place au sein du club principal des Estacades, où les choses sont devenues plus sérieuses pour lui. Dans tous les sens du terme.

D’une part, du point de vue de sa carrière. Quelques semaines après son arrivée, il a damé le pion à son partenaire Gabriel Forcier, un vétéran de troisième année. Il s’est ainsi retrouvé sur les écrans radars de la LHJMQ. Quelques mois plus tard, l’Armada de Blainville-Boisbriand en faisait un choix de troisième tour au repêchage.

D’autre part, sur le plan personnel. Car Montembeault, à l’adolescence, avait les défauts de ses qualités. Il avait toujours joué pour s’amuser, avec désinvolture. Or, « il avait des choses à améliorer sur le plan de l’éthique de travail ».

« Au début de la saison, dans le midget AAA, on rencontre tous les parents des joueurs, raconte Steve Mongrain. J’avais dit à ceux de Samuel : ses habitudes de travail ne sont pas toujours A1 dans les pratiques. Alors si vous êtes d’accord, on va le faire travailler vraiment fort. C’est ce qu’on a fait. Il avait besoin de beaucoup d’encadrement. On l’a pris par la main, un peu. […] Ç’a été une étape vers son cheminement actuel. »

Déclic

Chez l’Armada, il lui restait visiblement encore du chemin à parcourir à cet égard. Montembeault lui-même ne s’en cache pas : « Je n’étais pas assez mature à ce moment-là. J’arrivais à l’aréna juste pour avoir du fun, pour voir les gars. » On comprend que ça lui a valu des discussions les yeux dans les yeux avec son directeur général Joël Bouchard, qui a aussi été son entraîneur-chef à partir de sa deuxième saison.

C’est Jean-François Houle qui a été son premier entraîneur-chef à Boisbriand. Selon lui, un « déclic » a été nécessaire. « Il avait tout le package, rappelle celui qui dirige aujourd’hui le Rocket de Laval. Il est grand, il est athlétique. […] Ç’a été un très bon gardien de but pour nous, même à 16 ans. Il fallait juste qu’il apprenne à travailler. »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Samuel Montembeault avec l’Armada de Blainville-Boisbriand en mai 2017

Qu’à cela ne tienne, Maxime Vaillancourt, entraîneur des gardiens de l’Armada à l’époque, n’a jamais douté des chances de succès.

« Sa capacité à arrêter la rondelle a toujours été exceptionnelle », dit-il. Sa mitaine, son anticipation et son maniement de la rondelle étaient déjà de grands atouts à 17 ou 18 ans.

Jusqu’à l’an dernier, Montembeault et Vaillancourt ont continué à travailler ensemble l’été. Le spécialiste a donc été à même de voir l’évolution dans la technique de son poulain, qui se veut le reflet du travail accompli d’abord dans la Ligue américaine puis dans la LNH. Il rend ainsi hommage à Éric Raymond, entraîneur des gardiens du Tricolore.

« Il a fait toute une job, estime Vaillancourt. On peut voir qu’il est aujourd’hui beaucoup plus prêt à affronter les lancers que par le passé. La rondelle le frappe plus, il contrôle mieux ses retours, il lit mieux les jeux. J’ai vraiment remarqué la différence au Championnat du monde, le printemps dernier. »

Confiance

Il n’empêche que, malgré toutes ses qualités techniques et athlétiques, la force de sa concentration dans les moments clés revient encore et toujours dans la conversation. « Surtout lorsque les enjeux sont élevés », insiste Maxime Vaillancourt.

Ses coéquipiers voyaient la même chose. Pascal Corbeil, qui a côtoyé Montembeault pendant trois ans chez l’Armada, a le souvenir d’un gardien « qui donnait confiance à tout le monde dans l’équipe ».

« Les gros lancers ou les grosses chances de marquer, ça semblait facile pour lui tellement il était calme devant le filet, relate l’ex-défenseur. Ça fait en sorte que tout le monde joue mieux, joue plus gros, et a moins peur de faire des erreurs. »

Hors de la glace, des anciens de l’Armada parlent de lui comme d’un joueur « rassembleur » qui contribuait à intégrer positivement les nouveaux venus dans l’équipe… et qui laissait de côté les légumes dans son assiette. Le surnom « Snacks », qui lui a plus tard été attribué à Montréal, ne tient pas du hasard.

« Il n’avait pas une super alimentation, nous a dit un ex-coéquipier il y a quelques années. Il y a des fois où on était sans connaissance. On allait à l’épicerie et on lui disait : tu ne peux pas manger ça ! »

« Heille, ce n’était pas si pire que ça ! », se défend Montembeault en éclatant de rire.

« C’est vrai que je suis vraiment gourmand, que j’aime les desserts, le fast food, avoue-t-il. Les jours de match et la veille, je vais bien manger, mais les jours de congé, je me laisse aller un peu… »

Lui-même témoigne du chemin qu’il a parcouru sur le plan de la préparation sous toutes ses formes, au point d’en faire une seconde nature.

« Oui, ça demande un effort, parce que c’est une business, et il faut travailler tous les jours, dit-il. Mais j’ai tellement de plaisir quand je suis à l’aréna que ça se fait tout seul. Avec le travail, tu t’améliores, ça va mieux dans les matchs. Et quand tu gagnes, c’est le fun. »