La LNH et l'Association des joueurs sont de chaque côté d'une rivière qui n'est pas très large. Mais plutôt que de bâtir un pont, ils marchent en parallèle, chacun sur leur rive.

«Il me semble qu'on n'est pas si loin d'une entente», estime pourtant Michel Poitevin, directeur du Département de sciences économiques de l'Université de Montréal.

«Il y a quelques centaines de millions qui les séparent, ce qui est peu compte tenu de la taille de l'industrie.»

Les deux parties ont beau avoir tracé chacun des chemins vers un partage 50-50 des revenus, l'attitude derrière les micros décuple l'impression de mésentente. Même si l'écart en dollars - actuels ou projetés - se resserre, le fossé idéologique demeure.

Depuis le début des négociations, l'Association des joueurs a soumis cinq propositions à la ligue, mais aucune d'elle n'était une véritable contre-offre à ce que la LNH avait mis sur la table.

«On a l'impression qu'il y a une perte d'énergie de part et d'autre et ça semble contre-productif mais, en même temps, Donald Fehr est un négociateur chevronné, et cela doit faire partie d'une stratégie de négociation», estime Me Patrick Galizia, un avocat spécialisé en droit de l'emploi et du travail au cabinet Norton Rose.

Selon celui-ci, outre son aspect hyper-médiatisé, le lock-out dans la LNH présente un processus de négociations tout à fait usuel.

Ainsi, plus tôt dans le conflit, lorsque les deux parties ont constaté l'impasse sur la question de la répartition des revenus, ils ont décidé d'aborder d'autres sujets qui ne relevaient pas de l'économie pure.

«Plusieurs journalistes déploraient le fait que les deux parties n'abordaient pas LE sujet sauf qu'au minimum, il y a des contacts quotidiens qui ont gardé le dialogue ouvert et qui ont fait cheminer les gens, croit Me Galizia. Je comprends qu'il devait y avoir un éléphant dans la pièce, mais tant que les parties parlent, c'est positif.»

Visiblement, cela a fait son temps, car Gary Bettman ne veut plus de telles rencontres. Le commissaire veut désormais que les négociations se déroulent seulement sur son terrain.

Un calque de la NBA

La ligue a mis ses joueurs en lock-out en cherchant à diminuer la part de 57% des revenus qui revient aux joueurs. Elle a annulé ses camps d'entraînement, puis les premières semaines de la saison. Elle a présenté sa «meilleure offre» en établissant une date-butoir et a fait miroiter l'abolition d'un calendrier de 82 matchs.

De quelle ligue parle-t-on ici? De la NBA!

En effet, toutes les étapes à travers lesquelles la LNH passe dans le présent lock-out reprennent ce qui est arrivé dans la NBA la saison dernière.

Et ce n'est pas un hasard: c'est le cabinet d'avocats Proskauer - où pratiquait autrefois Gary Bettman - qui conseille maintenant les dirigeants des quatre sports majeurs aux États-Unis. Ce cabinet est réputé pour être l'un des plus férocement anti syndical aux États-Unis.

S'il y a une différence majeure dans la teneur des pourparlers dans la LNH et dans la NBA, c'est que la NBA avait eu recours à la médiation, un concept que la LNH n'a pas considéré lors du lock-out de 2004 et qui ne semble pas l'enticher davantage à l'heure actuelle.

Pourtant, cela pourrait aider à enfin «parler le même langage».

Dans ses propositions, l'Association des joueurs a dit anticiper une croissance des revenus d'environ 7%. La ligue, plus conservatrice, parle de 5%.

Dans cette guerre de chiffres, chacun refuse de couper la poire en deux.

Importante, la faveur populaire?

En attendant, plusieurs analysent le bras de fer actuel en parlant d'une bataille pour gagner l'opinion publique. Il est vrai que la LNH a embauché le gourou du marketing républicain Frank Luntz pour la conseiller et qu'elle a par la suite rendu publique sa proposition 50-50 aux joueurs.

Aux yeux des joueurs, elle chercherait maintenant à faire porter à l'AJLNH l'odieux de l'amincissement du calendrier.

Mais messieurs Poitevin et Galizia s'entendent pour dire que l'opinion publique ne pèse pas lourd dans la négociation.

«Ce qu'on a vu dans les autres conflits - je pense entre autres au football ou à la NBA - c'est que les fans revenaient parce qu'ils étaient plus en manque qu'en colère, indique Michel Poitevin. Ça aura peut-être un effet dans les marchés plus fragiles, mais à Montréal, les gens vont quand même aller au Centre Bell.»