Jesperi Kotkaniemi a été rayé de la formation des Hurricanes jeudi soir, une première depuis son arrivée en Caroline il y a deux ans et demi.

Le premier choix du Canadien, troisième au total, en 2018, avait pourtant commencé la saison en force, avec douze points à ses douze premiers matchs, après une saison encourageante de 43 points au centre du deuxième trio l’an dernier, mais l’entraîneur Rod Brind’Amour l’a rétrogradé au sein du quatrième trio quelque part en décembre après une vilaine séquence de deux aides en vingt matchs. Il jouait rarement plus de onze minutes par rencontre depuis.

L’entrée en scène de Kotkaniemi à Montréal en 2018 ne laissait pas entrevoir pareille dégringolade, à l’aube de ses 24 ans.

À la surprise générale, Kotkaniemi a mérité un poste quelques mois après avoir été repêché au troisième rang par le Canadien en juin 2018. Il était pourtant l’un des plus jeunes joueurs de cette cuvée, ayant fêté ses 18 ans en juillet.

Non seulement a-t-il maintenu sa place, mais il a réussi à le faire dans un contexte où cette surprenante équipe luttait pour une place dans les séries éliminatoires.

À moins de s’appeler Crosby, Bedard ou McDavid, obtenir 34 points en 79 matchs à sa première saison dans la LNH à 18 ans demeure digne de mention.

Premier choix au total en 2019, Jack Hughes en a amassé 21 en 61 matchs à sa première saison. Un autre premier choix au total, en 2020, Alexis Lafrenière, en a obtenu 21 en 56 matchs. Ramené sur une saison de 82 matchs, c’est 28 points pour Hughes et 30 pour Lafrenière, qui en revanche a disputé sa première saison à 19 ans en raison de sa date d’anniversaire en octobre.

En 2018-2019, Kotkaniemi a terminé à seulement trois points d’Andrei Svechnikov, deuxième choix au total, désormais une star incontestée en Caroline.

Si l’on compare leur première saison dans la Ligue nationale de hockey, Kotkaniemi a d’ailleurs éclipsé Juraj Slafkovsky. Le Slovaque repêché au premier rang en 2022 a obtenu 10 points en 39 matchs, 21  points seulement sur une saison de 82 matchs.

Mais là où Svechnikov et Slafkovsky ont pris leur envol, à leur deuxième saison, Kotkaniemi a piqué du nez. Seulement huit points en 36 matchs, un renvoi à Laval en deuxième moitié de saison et des questions sur son ardeur au travail à l’entraînement. Il y a été question d’une séance où il aurait refusé de faire des heures supplémentaires pour améliorer son taux de succès lors des mises en jeu.

Son année a pris fin avant l’arrivée de la pandémie, avec une blessure à la rate dans la Ligue américaine. Au retour des activités, cet été-là, l’organisation aurait été déçue par son entraînement dans les mois précédents. Il a néanmoins marqué des buts importants en séries.

Sa troisième saison n’a guère été plus concluante avec 20 points en 56 matchs, les mêmes problèmes d’équilibre sur patins, mais il s’est racheté en séries éliminatoires, avec cinq buts, dont le but gagnant en prolongation dans le sixième match contre Toronto.

Les Hurricanes de la Caroline, une sommité en matière de détection et de développement de talent, ont pris la chance d’en faire un solide centre d’avenir en lui présentant une offre hostile de 6,1 millions pour un an.

Le directeur général Marc Bergevin, après y avoir réfléchi une semaine, a préféré recevoir un choix de premier tour (27e) et de troisième tour (92e) en 2022. Un prix moins élevé pour les Hurricanes que celui payé par Kent Hughes pour Alex Newhook (31e et 37e choix en 2023).

Les Hurricanes semblaient avoir gagné leur pari l’an dernier, après lui avoir offert une prolongation de contrat de huit ans à un salaire annuel de 4,8 millions.

Au centre du deuxième trio de l’un des meilleurs clubs de la LNH, Kotkaniemi a amassé 43 points, dont 18 buts. On était encore loin de lui conférer un statut de joueur de premier plan, mais une telle production pour un jeune centre de 22 ans ne constituait pas une récolte banale. Son début de saison en 2023 semblait confirmer une ascension. La chute, en avril, est désormais brutale.

L’erreur, pour Marc Bergevin, aura été d’utiliser le choix de premier tour en 2022 pour acquérir en panique Christian Dvorak des Coyotes de l’Arizona pour pallier la perte simultanée de Kotkaniemi et Phillip Danault.

Dvorak, désormais âgé de 28 ans, a été miné par les blessures chaque saison depuis son arrivée. Il demeure au mieux un centre de troisième trio, payé 4,5 millions annuellement, et joueur autonome sans compensation en juillet 2025.

Le CH a aussi cédé son choix de deuxième tour en 2024 pour l’obtenir. Ce choix se situe au 38e rang à l’heure actuelle. Montréal a donc payé plus cher pour Dvorak que les Hurricanes pour Kotkaniemi.

Dvorak devrait revenir au jeu prochainement. On verra si Kent Hughes parvient à obtenir quelque chose pour lui d’ici la date limite des transactions l’an prochain, mais compte tenu de son historique de blessures, de sa production et de son salaire, il est permis d’en douter.

Le Canadien s’est repris avec un choix surprenant, Alexander Romanov au 38e rang du second tour. Romanov aura permis d’acquérir Kirby Dach. Jesse Ylönen et Jordan Harris, repêchés aux deuxième et troisième tours, sont avec le Canadien, mais dans des rôles de soutien. Ylönen en est peut-être à ses derniers matchs dans l’organisation.

Avec un troisième choix au total, trois choix de deuxième tour et deux choix de troisième tour, il s’agit d’une cuvée décevante pour le Canadien au final.

Quinn Hughes aurait représenté un choix extraordinaire pour le Canadien. En coulisses, Trevor Timmins craignait qu’il ne soit vulnérable défensivement. Après des saisons de 68 et 76 points, Hughes, un défenseur gaucher de 5 pieds 10 pouces repêché au septième rang par Vancouver, en compte 86 jusqu’ici. Avec une fiche de… +39. Le trophée Norris est à sa portée.

CAPTURE D'ÉCRAN DU COMPTE X DE MATHIAS BRUNET

Le choix de Mathias Brunet dans un tweet de juin 2018, avant le repêchage.

Une part de l’odieux revient au Canadien dans ce dossier. Une part aussi aux Hurricanes. Mais on omet souvent d’octroyer une part d’imputabilité au principal intéressé. Il faudrait le faire dans ce cas-ci.

La renaissance d’Armia

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Joel Armia

Peu auraient parié sur une saison de 16 buts en 59 matchs de Joel Armia après sa rétrogradation dans la Ligue américaine, à 30 ans, avant le début de la saison. Ce timide attaquant pourtant doté d’un physique avantageux à 6 pieds 3 pouces et 216 livres a eu recours aux services d’un psychologue pour soigner ses pannes de confiance.

À la surprise générale, il se retrouve au troisième rang des buteurs de l’équipe, sur un pied d’égalité avec Juraj Slafkovsky, mais en ayant disputé seize matchs de moins et sans participer aux supériorités numériques. Il s’agit d’un sommet en carrière pour lui.

Il s’agirait d’une saison de 22 buts au prorata d’un calendrier de 82 matchs. Avec deux buts jeudi, il en était à un cinquième but à ses cinq derniers matchs. Au-delà des buts, il joue un rôle essentiel en infériorité numérique et donne des ailes au deuxième centre Alex Newhook, 16  points à ses 23 derniers matchs.

Sans surprise, Joel Armia sera le candidat du Canadien pour le trophée Bill-Masterton remis au joueur ayant démontré le plus de persévérance, d’esprit sportif et d’engagement envers le hockey.

Le collègue Simon-Olivier Lorange nous en dit plus long ici.