(Calgary) C’est une des phrases fétiches de Martin St-Louis : « La ligue s’en fout. » Il l’utilise généralement en anglais. The league doesn’t care.

C’est sa façon de dire que dans une ligue où les équipes jouent un jour sur deux, la vie continue, quoi qu’il arrive, et le défi consiste à continuer à gagner même quand les conditions sont défavorables.

À l’amorce d’un voyage de cinq matchs, le Tricolore vit un de ces moments d’adversité. La nouvelle a été annoncée samedi après-midi, une heure avant le duel Canadien-Flames, mais c’est vendredi soir que l’équipe a appris que St-Louis devait s’absenter pour une durée indéterminée « pour des raisons familiales ». C’est un de ses adjoints, Trevor Letowski, qui assurera la relève.

Officiellement, rien d’autre n’a été communiqué. En entrevue à TVA Sports au premier entracte du match, le défenseur David Savard a laissé entendre que la situation était liée à un des trois fils de St-Louis. « Ce ne sont jamais des choses qui sont le fun à apprendre. Nos pensées sont avec la famille de Martin. J’ai aimé comment les gars ont réagi. On va essayer d’aller chercher une victoire pour son gars. On va essayer de continuer », a dit Savard.

PHOTO SERGEI BELSKI, USA TODAY SPORTS

Cayden Primeau arrête un tir de Nazem Kadri.

Mais la ligue n’a effectivement pas arrêté. Les Flames n’ont pas levé le pied face à un adversaire pris dans une situation inhabituelle ; ils l’ont emporté 5-2.

La ligue ne s’est pas arrêtée, et ça commençait par les joueurs du Canadien eux-mêmes. Avant le match, ils ont observé leur routine. Ils étaient une douzaine à jouer avec un ballon de soccer dans les entrailles du Saddledome, dans les hurlements de joie habituels pendant cet exercice. Cayden Primeau, le gardien partant du CH, faisait quant à lui ses exercices habituels de jonglerie avec des balles dans un corridor.

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Nick Suzuki se fait plaquer par Martin Pospisil.

« C’était différent sans Martin. Mais on a un très bon groupe ici, de bons entraîneurs, donc c’était une journée de travail comme une autre, a souligné le capitaine de l’équipe, Nick Suzuki, après le match. Il nous manque, évidemment, et on lui souhaite du bien. »

Mike Matheson, lui, a été plus direct. « C’est sûr qu’il y a des émotions qui ne sont pas toujours faciles. Mais c’est encore ta job d’arriver prêt et de t’assurer de faire la job », a commenté le défenseur, avant d’y aller d’un rappel plus ferme, à mesure que de nouveaux micros se massaient autour de lui.

C’est une situation difficile, mais on veut respecter sa vie privée et parler du match. […] Je comprends que vous avez un travail à faire, mais on va respecter sa vie privée.

Mike Matheson

Une autre preuve que la ligue ne s’arrête pas ? Ryan Huska, entraîneur-chef des Flames, n’avait pas même eu vent de la situation que vivait St-Louis. Le Canadien en a fait l’annonce peu avant le match, au moment où les entraîneurs ont mieux à faire que de lire les sites d’information, et on devine qu’à moins de se colletailler avec son rival, comme l’ont déjà fait Patrick Roy et Bruce Boudreau, un entraîneur-chef peut très bien ne pas remarquer qui gère le banc adverse.

Après son point de presse, au cours duquel il a été questionné sur St-Louis et ne semblait manifestement pas au fait de la situation, il est venu s’excuser à l’auteur de ces lignes. Il ne souhaitait visiblement pas paraître insensible à ce que vit son rival, même s’il le connaît très peu personnellement.

Letowski en relève

St-Louis et l’équipe sont arrivés à Calgary vendredi après-midi. Les joueurs devaient s’y entraîner en arrivant, selon l’horaire communiqué jeudi soir, mais la séance a été subitement annulée vendredi matin. On ignore si cette décision était liée à la situation de l’entraîneur-chef.

Aucun entraînement n’était prévu samedi matin, mais St-Louis et quelques joueurs devaient rencontrer les médias à l’hôtel de l’équipe, selon l’horaire communiqué en début de soirée vendredi. C’est finalement l’adjoint Stéphane Robidas qui a rencontré les médias à la place de St-Louis, sans que l’on sache alors pourquoi.

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Cole Caufield

Au bout du compte, c’est Letowski, le plus expérimenté des trois adjoints, qui a été appelé en relève. Ni Alex Burrows ni Robidas n’ont déjà occupé un poste d’entraîneur-chef à un haut niveau. Letowski, lui, l’a fait pendant cinq saisons complètes dans la ligue junior de l’Ontario (OHL), soit deux ans à Sarnia (2013 à 2015) et trois ans à Windsor (2017 à 2020).

Après le match, Letowski a dit s’être entretenu avec St-Louis vendredi soir, puis « quelques fois » samedi.

« Il s’informait de ce qui se passait. On a nos rencontres du matin, nos trucs de jours de match. Il voulait s’assurer que tout se déroule bien. Il est très respectueux. Donc il voulait savoir comment ça allait, quel était le message et dans quelle direction ça allait », a-t-il résumé.

Il a néanmoins parlé de « 24 heures émotives ». « C’est une histoire privée, mais c’est un des leaders de notre groupe, donc c’est un moment émotif. Il faut s’en sortir en groupe », a plaidé Letowski.

« On parle beaucoup de la culture qu’on bâtit. Les entraîneurs, on est fiers de voir comment les joueurs ont à cœur le bien des autres. On a vu dans les 24 dernières heures à quel point ils ont Martin à cœur. Si on a perdu, ce n’était pas par manque d’effort. »

Les victoires et les défaites peuvent sembler bien secondaires dans de telles circonstances. Mais le Tricolore poursuit néanmoins sa route et on devine que le meilleur joueur de la LNH, mardi à Edmonton, ne lèvera pas le pied.

En hausse : Rafaël Harvey-Pinard

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Rafaël Harvey-Pinard

Au cœur d’une saison difficile, il a livré une de ses bonnes performances et a aidé David Savard à marquer en se pointant le nez devant le filet.

En baisse : Josh Anderson

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Josh Anderson et Oliver Kylington entrent en collision.

Ça ne se replace pas pour lui. Il a raté la cible sur une chance en or en début de match. Son temps d’utilisation est d’ailleurs à la baisse, sous les 14 minutes pour un cinquième match de suite.

Le chiffre du match : -30

Mike Matheson a conclu le match avec un différentiel de -3, ce qui lui donne une fiche de -30 depuis le début de la saison. Le « record » d’équipe du Canadien en une saison est de -31, partagé par Alex Galchenyuk (2017-2018) et Patrice Brisebois (2000-2001).

Dans le détail

Ça débloque pour Caufield

La plus longue léthargie sans buts de la saison de Cole Caufield est terminée. Le vif ailier a touché la cible en deuxième période pour interrompre à 12 sa série de matchs sans avoir marqué. Il n’avait pas nécessairement été tenu en échec pendant cette séquence, amassant tout de même 7 passes. Mais son tir demeure sa qualité première et il était moins efficace ces dernières semaines. Cette fois, il est parti à deux contre un avec Nick Suzuki, qui l’a rejoint, permettant à Caufield d’y aller d’un puissant tir sur réception. C’était d’ailleurs la troisième descente à deux contre un pour Caufield dans ce match ; les deux premières fois, Suzuki puis Matheson avaient préféré tirer plutôt que de tenter la passe. Toutefois, Caufield arrivait sur le flanc droit sur ces deux jeux, tandis que sur son but, il était à gauche, donc bien positionné pour tirer. Notons que Caufield a amorcé cette séquence derrière son but, à aider ses coéquipiers à récupérer une rondelle. Cela dit, malgré son but et ses sept tirs, Caufield n’a pas nécessairement connu un grand match et a cafouillé sur quelques séquences cruciales en zone offensive.

Le désavantage n’est plus parfait

Parlant de séquences qui ont pris fin, le Canadien n’avait rien accordé en désavantage numérique à ses six derniers matchs (18 en 18). Samedi matin, lors de sa rencontre avec les médias, Stéphane Robidas, l’adjoint responsable de cette phase du jeu, avait d’ailleurs été interrogé sur le sujet et avait notamment vanté la pression exercée par les attaquants. La séquence a pris fin dès la première pénalité au CH. Kaiden Guhle, un des membres permanents de ces unités, était au banc des pénalités, forçant Montréal à employer Arber Xhekaj, rarement sollicité en infériorité numérique. C’est ce même Xhekaj qui a été incapable de neutraliser le bâton de Mikael Backlund, qui a marqué sur un tir dévié en fin de première période. Puis, au troisième vingt, Nazem Kadri a lui aussi inscrit un but en avantage numérique. Une rare soirée fructueuse pour les Flames à cinq contre quatre, eux qui étaient, avant ce match, 31e dans la LNH en supériorité numérique.

La réconciliation du jour

Drôle de moment en deuxième période. Martin Pospisil, dont les talents d’agitateur s’affirment de plus en plus, s’offre un tête-à-tête – littéralement – avec Nick Suzuki. Arrive alors à la rescousse Juraj Slafkovsky, qui se trouve à venir de Slovaquie, comme Pospisil. Le grand ailier du Canadien a donc renversé son compatriote, une mêlée a suivi, au terme de laquelle Pospisil a écopé d’une pénalité mineure double. « Martin a cette énergie en lui, mais il doit faire attention de ne pas trop franchir la ligne », a d’ailleurs noté l’entraîneur-chef des Flames, Ryan Huska. Là où ça devient rigolo, c’est après le match, à la sortie du vestiaire du Canadien. Slafkovsky y était, en train de se bourrer la face, au côté de Pospisil, sans animosité aucune pendant que les journalistes slovaques attendaient de leur parler. Un conflit réglé.