Le vestiaire d’une équipe qui vient de subir un cinquième revers en six matchs peut être lourd. On devine que personne chez le Canadien n’était particulièrement heureux de s’être incliné 3-2, mercredi, devant les Sabres de Buffalo.

Sauf qu’après quelques minutes devant les caméras, Arber Xhekaj n’a pas pu s’empêcher de pousser un petit rire, après qu’un collègue lui eut demandé s’il sentait qu’il avait davantage une mentalité de tireur dernièrement.

« Je tente plus de tirs frappés, assurément. Avant mon but l’autre soir [samedi], je n’avais jamais réalisé que je pouvais tirer aussi fort ! J’ai revu le but et je me suis dit : wow, ce n’est pas si mal ! »

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Xhekaj parlait ainsi parce que dans un deuxième match d’affilée, il a touché la cible, les deux fois sur des tirs frappés dignes d’Al Iafrate, qui est ainsi nommé dans nos pages pour la deuxième journée de suite, le chanceux.

Mais Xhekaj a fait bien plus que marquer, et c’est pourquoi il a été l’un des meilleurs éléments du CH dans la défaite. Il a commencé sa soirée en renversant Dylan Cozens derrière son filet. Casey Mittelstadt et Zemgus Girgensons ont eux aussi rencontré le colosse de 240 lb.

Du reste, il a bien calculé les risques, un aspect de son jeu qui le trahit parfois. Il a fait sa manœuvre la plus audacieuse en milieu de troisième période, quand son équipe tentait de créer l’égalité, soit un bon moment pour jouer de façon plus agressive. Il s’est donc avancé en zone offensive pour empêcher Tage Thompson de relancer l’attaque. Et comme c’était ce genre de soirée pour lui, il a gagné la course et la rondelle est restée en territoire des Sabres.

C’était probablement son match le plus complet, parce qu’il a utilisé tous ses atouts. C’est un joueur robuste, on l’a vu. Il a de bons instincts offensifs et on l’a vu. La partie la plus difficile pour un jeune est de défendre, comment lire les montées. Et je sens qu’il s’améliore dans cet aspect du jeu. On sait qu’il est capable de jouer ce genre de match, mais comme tous les jeunes, la constance est le défi.

Martin St-Louis, à propos d’Arber Xhekaj

« C’était peut-être son meilleur match dans la LNH. Il faisait tout : il créait des jeux, il utilisait son tir et il nettoyait l’enclave », a ajouté le capitaine de l’équipe, Nick Suzuki.

Au-delà de son but, c’est plutôt son rendement dans les autres aspects qui devrait encourager le CH. Dans l’état actuel des choses, l’avantage numérique est réservé à Mike Matheson à moyen terme, tandis que les très offensifs Logan Mailloux et Lane Hutson poussent dans le système. Dans cette défense de demain que tous s’amusent à projeter, Xhekaj a intérêt à se démarquer par sa présence physique et, éventuellement, son jeu en désavantage numérique. Il mesure 6 pi 4 po, pèse 240 lb, deux caractéristiques qui ne s’enseignent pas.

St-Louis a d’ailleurs souligné le rôle qu’a pu avoir sa mise en échec contre Cozens dans ses succès. « Il a bâti son match dès le départ. Tu ne sais jamais à quoi ressemblera ta première présence. Si tu es alerte dès le départ, tu peux bâtir ton jeu. Il a eu une chance d’être robuste dès le départ et a continué toute la soirée », a analysé l’entraîneur-chef.

C’est, finalement, le genre de soirée où son surnom de « Shérif » semblait plus approprié, surtout lorsqu’il est venu défendre Jake Evans. « Le Shérif, c’est votre expression. Je ne pense pas que personne ici ne l’appelle le Shérif, a tempéré St-Louis. Mais il a très bien joué. »

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Jake Evans (71)

On peut comprendre la réaction du coach. Xhekaj jouait mercredi son 76match dans la LNH, un total un brin bas pour un surnom si présomptueux. On devine que peu de gens parlaient de Dominik Hasek comme du « Dominator » lorsqu’il était l’auxiliaire d’Ed Belfour à Chicago en 1991.

Une erreur coûteuse

Xhekaj a rebondi à ses deux derniers matchs, qui ont suivi un jeudi soir difficile au Madison Square Garden.

À l’inverse, Jordan Harris et Jayden Struble, qui tentent eux aussi de se placer les pieds dans la future brigade du Canadien, ont été moins brillants mercredi. Struble a d’ailleurs semblé hypnotisé par la rondelle sur le seul but des Sabres à cinq contre cinq, tant et si bien que Harris était seul face à deux rivaux dans l’enclave. Girgensons n’a eu aucun mal à faire dévier la rondelle pour marquer.

« Le seul but, c’était une erreur défensive. Mais à cinq contre cinq, tu ne joueras jamais un match parfait », a fait valoir St-Louis.

Struble a inscrit l’autre filet du Tricolore, mais comme Xhekaj, ce n’est pas non plus par son attaque qu’il prouvera sa pertinence dans la formation.

En hausse : Nick Suzuki

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Nick Suzuki

Ironique de le placer ici le soir où sa séquence de matchs avec un point s’arrête à 10. Mais il a livré une performance stellaire dans tous les aspects du jeu. Dans les mots de Martin St-Louis : « Il était partout sur la glace. »

En baisse : Cole Caufield

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Cole Caufield (22) et Rasmus Dahlin (26)

L’ailier gauche de Suzuki en avait une moins bonne dans le corps. Plusieurs tirs sans réelle chance de marquer, et une passe molle qui a mené au but vainqueur d’Alex Tuch.

Le chiffre du match : 23,9 %

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Josh Anderson (17)

C’est la part des buts marqués par les défenseurs du Canadien cette saison, un sommet dans la LNH, selon Sportsnet. Évidemment, la production famélique des Josh Anderson, Brendan Gallagher et Jake Evans explique aussi cette statistique.

Dans le détail

Faire beaucoup avec peu

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Joshua Roy

Joshua Roy a récolté une mention d’aide sur les deux buts du Canadien, malgré un temps de glace limité à 11 min 27 s. En première période, son deuxième effort derrière le but d’Ukko-Pekka Luukkonen lui a permis de refiler la rondelle dans l’enclave en tombant ; celle-ci a miraculeusement glissé entre deux adversaires avant qu’Arber Xhekaj ne décoche un puissant tir frappé dans la lucarne. Martin St-Louis a récompensé le jeune homme en l’envoyant sur la patinoire en fin de match, alors que l’équipe tentait d’égaliser la marque. En point de presse, St-Louis a admis qu’il aurait « aimé lui donner plus de temps de glace, mais c’est une question de circonstances ». « Ce qu’il nous a donné à cinq contre cinq, c’était excellent. Il était sur la glace à la fin et c’était mérité. Il a de bonnes touches offensives, on sait ce qu’il est capable de faire, donc on a confiance. » Roy, dont il ne s’agissait que du 11match dans la Ligue nationale, a quant à lui affirmé jouer « avec plus de confiance ». « Match après match, je trouve mes repères. Ça va bien et je m’habitue au jeu. »

Trois visites au cachot

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Juraj Slafkovsky

C’est ici que s’arrête la séquence de huit matchs consécutifs avec au moins un point de Juraj Slafkovsky. Le jeune Slovaque n’a pas nécessairement connu un mauvais match, mais il a visité le cachot à trois reprises pendant la rencontre, ce qui n’est pas dans ses habitudes. Sa première pénalité, en milieu de deuxième période, a permis à Jeff Skinner d’égaliser à 2-2. Slafkovsky a été pris en défaut à nouveau moins de cinq minutes plus tard, sans conséquence cette fois. En fin de match, alors qu’il restait moins d’une minute à écouler, l’attaquant de 19 ans a accroché Dylan Cozens ; c’était ça ou Cozens marquait dans un filet désert. St-Louis a décrit cette rencontre comme « de l’apprentissage » pour son jeune attaquant, soulignant qu’il ne s’agissait pas de punitions « paresseuses » ou dues à un mauvais positionnement. « La dernière punition est plate, c’est sûr, mais la ligne est fine, a-t-il noté. Tu veux que tes joueurs jouent avec combativité. Je ne veux pas les faire jouer sur les talons. En tant que jeune joueur, tu apprends quelle est la ligne. C’est sûr que c’est une game d’émotions. C’est de se corriger. »

Jeff Skinner, évidemment

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Jeff Skinner

Jeff Skinner a l’habitude de s’amuser contre le Canadien. Avant le match de mercredi, il comptabilisait 46 points en 41 matchs en carrière contre le Tricolore, dont 14 lors de ses quatre dernières visites au Centre Bell. Si l’attaquant affirmait mercredi matin, après l’entraînement, que « c’est parfois juste une question de chance », force est de croire qu’il se passe réellement quelque chose quand il affronte le CH. Il a d’abord passé tout près de marquer en fin de première période, quand il a été laissé complètement seul devant le filet ; il a tout tenté, mais Mike Matheson a joué les sauveurs du bout du bâton. Skinner a finalement fait honneur à sa réputation en marquant en milieu de deuxième tiers, sur un retour de tir de Cozens dans une montée à trois contre un avec Tage Thompson. Ce but devrait faire le plus grand bien à l’attaquant de 31 ans, qui traverse des moments difficiles depuis son retour de blessure à la fin de janvier. Il n’avait inscrit qu’une aide à ses neuf dernières rencontres avant le match de mercredi.