Vu l’importante disparité entre les équipes dans la qualité de leurs programmes de développement, les grands rendez-vous de hockey féminin international présentent généralement des matchs à haut pointage.

Aux Jeux olympiques de Pékin, en 2022, le Canada a inscrit 33 buts en 4 matchs préliminaires. Au plus récent Championnat du monde, les États-Unis ont marqué 25 fois, aussi en 4 rencontres.

Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour réaliser que la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) montre un visage complètement différent. Chaque but s’y vend chèrement.

Depuis le début de la saison, dans la LPHF, les équipes inscrivent en moyenne 2,39 buts par match. C’est presque un demi-but de moins que dans les défuntes PHF (2,88) et LCHF (2,87) à leurs deux dernières saisons d’existence (2021-2023 et 2017-2019, respectivement).

Maureen Murphy, attaquante évoluant pour l’équipe de Montréal, n’a pas hésité, jeudi, lorsqu’on lui a demandé d’expliquer le phénomène.

Ça témoigne de la qualité des gardiennes. Elles sont seulement 18 dans la ligue, en provenance de partout dans le monde. Alors elles sont toutes bonnes.

Maureen Murphy, attaquante de l’équipe de Montréal

« Si elles sont moindrement capables de voir la rondelle, elles vont faire les arrêts », a abondé Ann-Sophie Bettez.

Les gardiennes, de fait, sont les grandes étoiles de la ligue jusqu’ici. Parmi les dix qui ont disputé au moins un match, huit affichent un taux d’efficacité de ,913 ou supérieur. Les Montréalaises Ann-Renée Desbiens et Elaine Chuli, ensemble, présentent un taux de ,941. À titre indicatif, le taux de succès moyen d’un gardien de la LNH, en 2023-2024, est de ,904.

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La gardienne de l’équipe de Montréal Elaine Chuli

« Plusieurs choses »

L’entraîneuse-chef Kori Cheverie, bien qu’elle reconnaisse les performances « remarquables » des gardiennes, pointe un phénomène plus structurel. « Une combinaison de plusieurs choses », précise-t-elle. Chaque rondelle est férocement disputée et le jeu est très physique ; malgré tout, peu de punitions sont imposées, si bien que les occasions de jouer en avantage numérique sont rares.

Et encore, même lorsqu’une joueuse est chassée, il se marque peu de buts : quatre des six équipes ont converti moins de 10 % de leurs chances en avantage numérique.

Bettez souligne quant à elle que l’échec avant agressif raréfie les sorties de zone en surnombre. Elle rappelle à quel point « le talent est réparti dans la ligue », ce qui confère une évidente « parité ». De fait, après 8 à 10 matchs, aucune formation n’a un différentiel de buts supérieur à +3 ou inférieur à -4. Pour des fins de comparaison, après neuf matchs cette saison, les Canucks de Vancouver étaient à +15, et les Sharks de San Jose, à -25.

« Ça fait des matchs serrés et un bon spectacle », a résumé l’attaquante.

Il ne faut pas perdre de vue non plus que la saison est à peine vieille d’un mois et demi, ce qui inclut deux pauses complètes de cinq et dix jours, au cours desquelles des matchs internationaux ont été disputés.

« C’est bien d’avoir une pause, mais on se retrouve à jouer avec d’autres coéquipières dans d’autres systèmes, a souligné Maureen Murphy. On est encore en ajustement. Et avant que la saison commence, plusieurs d’entre nous n’avaient pas joué depuis six ou huit mois. »

Production concentrée

Avec 22 buts en 9 matchs, l’attaque montréalaise est essentiellement dans la moyenne de la ligue.

Or, elle se concentre principalement autour de deux joueuses. Marie-Philip Poulin (6) et Laura Stacey (5) ont en effet marqué la moitié des buts de leur club. Aucune autre attaquante n’en a inscrit plus qu’un. Chez les défenseures, seule Erin Ambrose (2) a trouvé le fond du filet.

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Marie-Philip Poulin (29) et Laura Stacey (7) ont marqué la moitié des buts de l’équipe montréalaise.

À ce constat, Kori Cheverie rétorque que l’équipe qu’elle dirige arrive au deuxième rang pour le nombre de joueuses ayant inscrit au moins un but. Ce n’est pas faux, mais avec 12 buteuses, Montréal se retrouve en réalité en triple égalité derrière Boston. Ottawa, aussi à 12, a disputé un match de moins.

Cheverie note également que ses ouailles mènent le circuit pour les buts à cinq contre cinq. C’est aussi vrai, et à ce chapitre, la tendance est plus nette. « Je ne suis pas inquiète », résume la pilote.

Parmi celles dont on pourrait croire qu’elles pourraient contribuer davantage, on pensera à Ann-Sophie Bettez.

Après avoir produit à un rythme d’au moins un point par match partout où elle est passée dans sa carrière, la Québécoise affiche un rendement relativement modeste jusqu’ici, avec trois points, dont deux buts, en sept matchs.

Personne ne souhaite que la pression repose « seulement sur deux ou trois joueuses », concède-t-elle. Ses propres statistiques ne l’empêchent toutefois pas de dormir.

« Si je vole une rondelle en repli ou que je coupe une passe et que ça empêche un but, ça ne paraît pas sur la feuille de pointage, mais c’est important pour moi, dit-elle. C’est comme ça que je vois la game. Mais c’est certain que si je peux avoir plus de points, je ne dirai pas non ! »

Direction Toronto

Immédiatement après leur entraînement de jeudi, les Montréalaises ont pris la route de Toronto où elles affronteront l’équipe locale vendredi soir au Scotiabank Arena, domicile des Maple Leafs. Ce duel, qui sera disputé à guichets fermés devant plus de 18 000 personnes, établira un record d’assistance pour un match de hockey féminin. Kori Cheverie s’attend à une ambiance délirante, possiblement plus que pour un match des Leafs – les spectateurs torontois savent se faire discrets à domicile. « Les partisans de notre ligue sont vraiment bruyants », a-t-elle salué en souriant. Le record de vendredi pourrait être battu si un match était présenté au Centre Bell, a fait remarquer un journaliste. « Si j’étais un membre de l’administration, je sais ce que je ferais ! », a répondu la gardienne Ann-Renée Desbiens. Notons ici que les séries éliminatoires de la ligue s’amorceront au début du mois de mai. Et comme on le sait, aucun locataire actuel du Centre Bell ne jouera encore au hockey passé la mi-avril.