C’est un William Trudeau à la mine basse qui s’est présenté devant les micros mercredi soir devant son casier, dans le silencieux vestiaire du Rocket.

Trois quarts d’heure plus tôt, les Lavallois menaient 3-2 face aux Comets d’Utica. Trudeau s’est retrouvé coincé derrière le jeu et a dû retenir son rival. L’arbitre a levé le bras pour signaler une infraction. Dépité, Trudeau s’est défoulé sur la rondelle, qu’il a expédiée à l’autre bout de la patinoire avant de se diriger vers le banc des pénalités.

« C’est juste de travailler pendant 60 minutes, de la bonne façon, a laissé tomber le Varennois. On peut travailler, mais il faut le faire intelligemment, être aux bons endroits. Les punitions… ma punition n’a pas aidé en début de troisième. C’est de valeur. »

Trudeau n’est évidemment pas le seul fautif dans cette troisième défaite de suite. Il était d’ailleurs tout feu tout flamme en première moitié de match, auteur de quelques beaux flashs offensifs, dont un qui a provoqué une pénalité à Michael Vukojevic. Mais l’avantage numérique du Rocket n’a généré aucun rythme, et l’indiscipline a coulé l’équipe.

Un mercredi à oublier pour Trudeau et ses coéquipiers.

Il s’est ressaisi

Cela dit, si on exclut cette pénalité mal avisée, Trudeau est généralement sur la bonne voie en cette deuxième moitié de saison. Une progression qu’il faut remettre en contexte.

Tous les espoirs étaient permis pour lui au camp. Le jeune défenseur venait de connaître une première saison au-delà des attentes dans la Ligue américaine.

Puis au tournoi des recrues à Buffalo, sa tenue a été telle qu’elle a fait dire à Jean-François Houle que Trudeau « runnait la patente ». Quatre mois plus tard, le sens exact de l’expression demeure toujours incertain ; présumons que c’était positif.

Ce ne sont pas tous les jeunes qui peuvent gérer de façon adéquate les propos qui circulent à leur sujet. Trudeau tente cependant d’en prendre et d’en laisser.

Tu vas en entendre et en voir, des affaires. Ça peut être positif ou négatif, c’est un couteau à double tranchant. Il ne faut juste pas que tu regardes trop, que tu restes concentré sur ton jeu.

William Trudeau

Sauf qu’à ce même camp, Houle avait aussi prédit un début de saison « rock’n’roll » jusqu’à Noël. Il avait vu juste, et ce n’était pas seulement le fait de recrues qui arrivaient dans les rangs professionnels et qui s’ajustaient.

Trudeau vivait ses propres problèmes. Le 9 décembre, il terminait un cinquième match de suite avec une fiche de - 1. Il comptait alors 7 points en 21 matchs, avec un rendement de - 7. C’était certes mieux que celui de - 15 de son collègue défenseur Mattias Norlinder, mais néanmoins en deçà des attentes pour un espoir qui montrait des signes prometteurs jusque-là.

« C’était plus difficile au début, a convenu Trudeau, après l’entraînement matinal. Maintenant, ça va super bien. Je devais juste retrouver ma confiance et garder ça simple, ne pas trop chercher à joindre l’attaque. Le jeu va venir à toi, sois patient et fais des jeux simples », a-t-il ajouté, comme s’il répétait les conseils qui lui avaient été offerts.

Sa fiche des plus et des moins (un sujet populaire mercredi, on y reviendra) s’en est d’ailleurs ressentie. Après ladite séquence de 21 matchs, le voici à 9 points en 18 sorties et une fiche de + 7.

« Beaucoup plus de constance, a commencé à énumérer Houle. Il joue beaucoup mieux, il est moins erratique et se porte plus à l’attaque. Il est plus calme. J’aime beaucoup le jeu de Trudeau présentement. C’est une des raisons pour lesquelles il est retourné dans les plus. »

Une hiérarchie qui bouge

Tout ça survient pendant une saison où l’organigramme à la ligne bleue est bouleversé. L’agent du chaos est de plus en plus connu : Jayden Struble.

Struble a grimpé à une vitesse folle. Le potentiel de Logan Mailloux était connu, mais de là à ce qu’il soit deuxième compteur chez les défenseurs de première année de l’AHL, il y a un pas à franchir. En revanche, Arber Xhekaj et Jordan Harris ont perdu des plumes.

Cette mobilité, tant vers le haut que vers le bas, est une bonne nouvelle pour Jean-François Houle.

« C’est une bonne chose de voir que des gars peuvent être ici huit ou dix matchs et être rappelés. Ça donne espoir au reste des défenseurs, ils se disent que ça peut être eux aussi, ils peuvent se comparer à Jayden. Trudeau n’est pas si loin que ça. Il s’en va dans la bonne direction. »

On le disait : le différentiel était un sujet à la mode mercredi matin. C’est que le confrère Stéphane Leroux a posé la question qui tue : comment expliquer la présence, dans la même équipe, d’un défenseur à - 22 et d’un autre à + 11 ? Et surtout, comment expliquer que celui à -22 conserve sa place dans la formation ?

Le défenseur à - 22, c’est Mattias Norlinder, espoir exagérément attendu par certains observateurs, dont la carrière en Amérique du Nord ne décolle pas. « C’est vrai qu’il est souvent sur la patinoire pour les buts accordés, a concédé Houle. Ça fait partie du jeu d’équipe. Ce n’est pas juste sa faute à lui, il y a cinq gars sur la patinoire et un gardien. Mais il faut qu’il se regarde dans le miroir lui aussi. Il faut qu’il joue mieux. »

Celui à + 11 (+ 12 après le match de mercredi), c’est Tobie Bisson. Mais la réelle intrigue derrière le dossier Norlinder, c’est que Nicolas Beaudin, incapable de conserver sa place dans la formation, a carrément demandé que son contrat soit résilié et il finira la saison à Prague.

Tout amateur de lutte des années 1950 et 1960 qui se respecte se souvient de Wladek « Killer » Kowalski, un géant au look terrifiant. La jeune génération peut maintenant vénérer Riley « Killer » Kidney.

Le surnom est évidemment une taquinerie. Kidney, 20 ans, est répertorié à 5 pi 11 po et 181 lb, et son début de barbe peine à cacher ses traits d’ado. Cet ancien choix de fin de 2e tour du CH (63e en 2021) est bien plus reconnu pour ses habiletés offensives que pour son côté rugueux.

Son surnom de « Killer », c’est l’entraîneur adjoint Kelly Buchberger qui l’a utilisé en premier. « Il l’a dit dans une de nos réunions, et JF a adoré ça et tout le monde a suivi, explique Kidney, l’air amusé. C’est un drôle de surnom. C’était complètement aléatoire. Je ne suis pas le plus gros gars, évidemment. Il blaguait, il l’a dit et c’est juste resté. J’aime ça, c’est drôle. »

Kidney est visiblement une source de surnoms divertissants. « À 16 ans, dans le junior, c’était Harry, car les coachs disaient que je ressemblais à Harry Potter ! »

Ça riait moins après le match, puisque le Rocket a maintenant subi trois défaites de suite, les trois contre des rivaux de division. Tout ça fait suite à une embellie de 9-0-1 dans les 10 matchs précédents, qui a permis aux Lavallois de revenir dans la course aux séries.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Le Rocket de Laval vient de subir trois défaites de suite.

Mercredi, le Rocket a bousillé des avances de 2-0 et de 3-1. « Quand tu ne respectes pas la game, c’est ça qui arrive. Tu ne peux pas te présenter et jouer juste une période. À 2-0, on pensait que ça serait facile », a pesté Houle, avant d’en rajouter.

« McKay-Mysak-Cederqvist, ça a été notre meilleur trio. Quand ton quatrième trio est ton meilleur, ça se peut que tu sois dans le trouble. On cherche d’autres joueurs, on aimerait ça les voir. » Un constat dur, mais juste.