À l’arrivée de Marc Bergevin chez le Canadien en 2012, la défense de l’équipe était constituée de P. K. Subban, Andrei Markov, Raphael Diaz, Alex Emelin, Josh Gorges et Francis Bouillon. Quand il a quitté, un peu moins de dix ans plus tard, ils avaient tous quitté depuis de nombreuses saisons. Lors des séries, en 2021, Shea Weber, Jeff Petry, Ben Chiarot, Chris Wideman, Brett Kulak, Joel Edmundson et Alexander Romanov étaient chargés de défendre Carey Price.

Entre 2010 et 2019, pourtant, l’organisation a repêché 27 défenseurs, dont huit dans les deux premiers tours. On s’est imaginé à un moment une défense constituée de Jarred Tinordi, Nathan Beaulieu, Magnus Nygren et Noah Juulsen.

Au moment où leur étoile commençait à pâlir, Mikhail Sergachev a été repêché au 9e rang en 2016. Il devait constituer le partenaire d’avenir de Weber. Puis le défenseur droitier Josh Brook, repêché au deuxième tour l’année suivante, a commencé à faire rêver, après une saison de 75 points en 59 matchs à sa dernière année dans la Ligue junior de l’Ouest. Sergachev a été échangé pour Jonathan Drouin et Brooks était le mirage d’un grand défenseur offensif.

Parmi ces 27 espoirs, un seul s’est accroché à Montréal pendant quelques saisons, celui qu’on n’attendait pas au départ, puisque sa sélection avait provoqué la surprise dans le milieu : Alexander Romanov.

Depuis l’entrée en poste de la nouvelle administration en 2022, il ne reste personne du groupe de défenseurs (costauds) des séries de 2021. Par contre Jeff Gorton et Kent Hughes ont maximisé le retour pour leurs services, outre Shea Weber, incapable de poursuivre sa carrière en raison de blessures.

En retour de Chiarot, Petry, Kulak, Romanov et Edmundson, Hughes et Gorton ont obtenu Mike Matheson, Kirby Dach, un choix de premier tour (échangé pour Alex Newhook), deux choix de deuxième tour (Lane Hutson avec celui pour Kulak, un choix en 2024 en récupérant Petry) et des choix de troisième et quatrième tours.

Le Canadien vit donc une période de transition en défense. Quatre recrues, Jordan Harris, Kaiden Guhle, Arber Xhekaj et Johnathan Kovacevic, suivi de Justin Barron, puis de Jayden Struble, ont été envoyés dans la gueule du loup depuis un an.

On est souvent tenté d’imaginer la défense d’avenir du Canadien. Exercice périlleux s’il en est un. Arber Xhekaj, la révélation l’an dernier, revient d’un stage dans la Ligue américaine. Barron, qui semblait vouloir s’accrocher à une place sur le top quatre, vient d’y être rétrogradé. Jordan Harris a été rayé de la formation contre les Sénateurs mardi. Un régulier l’an dernier, Kovacevic a été relégué à la tribune de la presse huit fois cet hiver. On s’emballe pour Struble, avec raison d’ailleurs, mais l’échantillon est encore mince, seulement 29 matchs. Les attentes étaient néanmoins basses dans son cas. Il les surpasse largement.

Qui seront les six défenseurs du Canadien en 2026-2027 ? Outre Kaiden Guhle, 22 ans depuis une semaine, le défenseur le plus utilisé chez le Canadien après Mike Matheson (20 : 44), il n’y a pas encore de valeur sûre.

David Savard, 33 ans, dont le contrat arrive à échéance à la fin de la prochaine saison, aura sans doute été échangé à la date limite des transactions l’an prochain. Mike Matheson aura 33 ans dans trois ans. Il deviendra joueur autonome sans compensation à la fin de la saison 2025-2026. Kent Hughes pourra lui offrir une prolongation de contrat (de trois ans ou moins idéalement) ou l’échanger d’ici deux ans puisqu’il devrait encore posséder une valeur fort intéressante.

En raison de son rang de sélection et des promesses qu’il laisse entrevoir, on peut imaginer David Reinbacher, cinquième choix au total en 2023, devenir un régulier en défense au sein du top quatre du CH dans les prochaines saisons. Le Canadien n’a jamais repêché un défenseur aussi tôt depuis Petr Svoboda… en 1984.

Après Guhle et Reinbacher ? Difficile à prédire. Xhekaj réussira-t-il à corriger ses failles en défense ? Si c’est le cas, il deviendra un élément important puisqu’il amène aussi une dimension rare en raison de son gabarit, sa robustesse et ses talents pugilistiques. S’il ne progresse pas au plan défensif, il pourrait être échangé si l’équipe reçoit une offre exceptionnelle.

Jordan Harris devra se trouver une identité. Il n’est pas vilain, mais pas très offensif, pas robuste, pas spécialiste défensif. Un peu bon dans tous les domaines, pas grandiose nulle part. Struble doit maintenir le rythme, mais a-t-il l’étoffe d’un défenseur de top quatre au sein d’une équipe aspirante ? À suivre. Barron devra être plus constant. Encore beaucoup de lacunes dans son territoire.

Logan Mailloux, 20 ans, a un potentiel offensif intéressant et un bon gabarit à 6 pieds 3 pouces et 220 livres. Il a amassé 24 points en 37 matchs à Laval et on le dit plus efficace défensivement. Il a encore du travail de peaufinage à faire avant de le consacrer au sein d’un top quatre.

Lane Hutson domine offensivement comme rarement un jeune défenseur l’a fait dans la NCAA. Davantage encore que Quinn Hughes, Cale Makar et Adam Fox. Mais il a un petit gabarit comme eux, sans leur explosivité sur patins. Les avis sont partagés. Certains voient en lui l’émule de Hughes, d’autres lui prédisent au mieux le rôle de spécialiste offensif dans la LNH. On en saura plus long à la fin de la saison le temps de quelques matchs.

Le Suédois Adam Engström, 20 ans, un gaucher, choix de troisième tour en 2022, intrigue. La direction l’aime beaucoup. Avec le départ du vétéran Thomas Grégoire de Rögle, il vient d’être promu au sein de la première paire. Il a amassé 15 points en 36 matchs jusqu’ici, une production fort intéressante pour un jeune de son âge. Mais, son jeu est nettement plus achevé que celui de Mattias Norlinder au même âge, on ne sait jamais comment un défenseur européen s’adaptera au jeu nord-américain. Il pourrait rejoindre le Rocket d’ici la fin de la saison.

Bogdan Konyushkov, 21 ans, choix de quatrième tour en 2023, défenseur droitier de 5 pieds 11 pouces et 176 livres, connaît une saison impressionnante dans la KHL avec 23 points en 53 matchs avec le Torpedo de l’ancienne gloire Igor Larionov. Mais il est encore sous contrat en Russie jusqu’en 2026. Traversera-t-il l’Atlantique et si oui, quand ? Sera-t-il aussi brillant contre des adversaires de la LNH ? Encore trop tôt pour répondre.

En bref, l’histoire récente du Canadien nous suggère la prudence. À part Kaiden Guhle, peut-être David Reinbacher, qui est prêt à parier sa fortune sur les autres ? Et tant mieux, évidemment, si Hutson devient la vedette offensive espérée, si le conte de fées de Struble se poursuit, si Xhekaj et Mailloux assurent au CH une défense costaude et intimidante.

La citation du jour

J’aime beaucoup Patrick. C’est un vrai champion et il sait comment gagner. Je regrette un peu de ne pas l’avoir embauché. J’aurais aimé évaluer la situation derrière le banc à la fin de l’année. Patrick aurait été un candidat pour nous. Autant sur la glace qu’à l’extérieur.

Le propriétaire des Sénateurs, Michael Andlauer

On félicite Andlauer pour sa franchise. On se demande néanmoins comment ont réagi les entraîneurs actuels Jacques Martin et Daniel Alfredsson.