La perte de Kirby Dach a fait mal au Canadien, tous s’entendent sur ce point. « Il y a rarement une soirée qui passe sans que je dise à Kent, à Martin ou à quelqu’un d’autre de l’équipe : “Ç’aurait été bien d’avoir Kirby ce soir, ou Alex Newhook” », a dit Jeff Gorton, lundi, à TSN Radio.

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Mardi était sans doute une de ces soirées, et ça explique en partie pourquoi le Canadien a offert une si timide opposition aux Sénateurs. Après 60 minutes de hockey pas toujours enivrant, la sirène s’est fait entendre, 4-1 Sénateurs. Et les Ottaviens « tournaient le fer dans l’injure » en festoyant au centre de la patinoire, saluant leurs mamans en extase dans une loge, au son de huées bien nourries.

Dach ou Newhook, donc, auraient pu aider le Canadien. En fait, un joueur de centre aurait aidé le Tricolore, point à la ligne, parce que l’équipe a été prise avec une inhabituelle formation à trois centres et neuf ailiers.

Entendons-nous d’emblée : le Canadien n’était pas à un Mitchell Stephens près de remporter ce match. Mais l’absence de Stephens, cédé au Rocket de Laval en après-midi, a débouché sur une multitude de situations inhabituelles.

D’abord, un quatrième centre aurait aidé bien plus que le pauvre Michael Pezzetta, qui n’a eu que quatre présences dans tout le match, les quatre en première période.

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Les mines étaient basses en fin de match au banc du Canadien.

Après le match, Martin St-Louis a rappelé que son équipe avait déjà joué avec trois centres, certains soirs où il a déployé des formations de 7 défenseurs et 11 attaquants. « J’aurais peut-être fait ça, mais je voulais avoir Pezz sur mon banc », a-t-il précisé, parce qu’« historiquement, ça peut brasser un peu plus » contre les Sénateurs.

St-Louis est-il en train de se transformer en Fred Shero des temps modernes, ou souhaitait-il simplement défendre élégamment Pezzetta, un coéquipier qui accepte son rôle ingrat ? Allez savoir. Là n’est pas la question.

C’est en fait une question de flexibilité qui a mené le coach dans cette situation. Cette flexibilité que tant d’employeurs valorisent, St-Louis ne l’avait pas. Aucun de ses neuf ailiers en uniforme n’a joué au centre dans les dernières années, de mémoire d’homme. Idem pour son unique réserviste à l’avant, Jesse Ylönen.

Résultat : l’entraîneur-chef a dû jongler avec ses combinaisons toute la soirée. Ça a donné des situations parfois incongrues, par exemple sa deuxième unité d’avantage numérique qui était composée de quatre ailiers et un défenseur. Une telle formation peut très bien fonctionner une fois le jeu établi en zone offensive, car des ailiers peuvent s’acquitter du travail le long de la rampe, devant le gardien ou dans le haut de l’enclave.

Mais il était particulier de voir Brendan Gallagher se présenter pour la mise en jeu initiale d’une attaque à cinq en milieu de match, au moment où le CH tentait de revenir dans le coup. Gallagher a perdu la mise en jeu – son taux de succès depuis trois ans est de 36 % –, ce fut l’unique mise en jeu de cet avantage numérique et le Tricolore n’a obtenu aucun tir pendant les 120 secondes.

Après le match, Nick Suzuki et Josh Anderson ont rejeté l’excuse des trois centres. « C’est à nous de trouver des façons de nous en sortir, a dit Anderson. On doit travailler plus fort, de façon plus intelligente, savoir qui est sur la patinoire, des choses comme ça. »

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Nick Suzuki

« Je pense que la direction essaie d’envoyer les meilleurs joueurs, a ajouté Suzuki. Moi, j’aime bien jouer à trois centres, car ça me donne plus de minutes de jeu [il a joué 21 min 47 s, légèrement plus que sa moyenne de 21 min 6 s]. C’est différent de jouer sans centre en avantage numérique, mais Anderson et Gallagher ont un assez bon taux de succès. »

« Est-ce que c’est plus facile de rouler quatre trios ? Oui, mais jouer à trois centres, ça peut aussi amener quelque chose », a estimé St-Louis.

Suzuki s’est toutefois dit surpris d’avoir vu, lundi, le nom de Stephens au ballottage (il devait y passer avant d’être rétrogradé à Laval). « Ç’a été un choc parce qu’on n’avait plus de quatrième centre, donc je me suis demandé ce qu’on allait faire. Ce n’est pas notre décision, évidemment. On doit faire notre possible. On a déjà joué à trois centres. »

S’il n’y avait plus de place pour Stephens, c’est parce que Tanner Pearson quittait la liste des blessés et revenait dans la formation des 23 joueurs. À 23 joueurs, une équipe peut compter sur 3 surnuméraires. Or, un des postes excédentaires est occupé, depuis le début de la saison, par un gardien, résultat d’un certain ménage à trois dont vous avez peut-être entendu parler.

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Tanner Pearson était de retour dans la formation du Canadien contre les Sénateurs.

Ménage à trois qui servait plutôt bien le Canadien jusqu’à tout récemment. Mais les trois gardiens viennent d’offrir coup sur coup sur coup des performances ordinaires. Celle d’Allen, mardi, survenait huit jours après une sortie éclatante face à l’Avalanche du Colorado. Huit jours à attendre, plutôt que de pouvoir enchaîner sur ses succès.

Ça fait donc plusieurs accommodements, que l’on qualifiera de « raisonnables » parce que ça donne un titre punché, afin de gérer la présence des trois gardiens.

Kent Hughes a été historiquement bien servi par sa patience, dans les dossiers où il était « pris » pour échanger un joueur. Mais il sera intéressant de voir jusqu’où ira sa patience, maintenant que la situation devient de plus en plus contraignante.

En hausse 

Jayden Struble

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Jayden Struble a été solide face aux Sénateurs.

Après une très rare contre-performance samedi à Boston, la recrue a rebondi. Struble a freiné de nombreuses attaques des Sénateurs.

En baisse

Jake Allen

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Jake Allen est déjoué par Ridley Greig.

Il a amorcé le match en accordant un mauvais but à Ridly Greig. Le contrôle de ses retours a été problématique toute la soirée.

Le chiffre du match

4-9-2

C’est la fiche du Canadien face à ses rivaux de la Division atlantique. « On a qui dans notre division ? Ce n’est pas une division facile », a répondu Martin St-Louis lorsque la statistique lui a été présentée.

Dans le détail

Rien d’avantageux à cinq contre quatre

Les Sénateurs n’ayant pas disputé un match particulièrement discipliné, le Tricolore a profité de 7 min 46 s d’avantage numérique. « Profité » est ici un grand mot. Illustration simple : pendant que les locaux évoluaient à cinq contre quatre, les tirs cadrés ont été de trois pour le Canadien et de trois pour les visiteurs, qui ont même inscrit leur premier but avec un homme en moins. Pour tout dire, ces sept minutes et trois quarts n’ont pas même été le théâtre d’une seule occasion de marquer des hommes de Martin St-Louis. « On a eu de la misère à gagner des batailles, a justement dit l’entraîneur-chef à ce sujet. On n’a pas passé assez de temps en contrôle de la rondelle, on n’a pas exécuté en entrée de zone… C’est dur d’avoir des lancers quand on ne possède pas la rondelle. » Aux yeux de Nick Suzuki, ça ne « cliquait pas » pour cette unité. « Quand tu obtiens autant d’occasions, tu dois en profiter », a-t-il estimé, clairvoyant.

Giroux le quart-arrière

Claude Giroux aurait aussi bien pu enfiler des crampons et un casque grillagé, mardi soir. D’abord, en deuxième période, depuis le fond de son territoire, il a servi une longue et savante passe qui a frappé la bande avant d’aboutir sur le bâton de Shane Pinto. Celui-ci avait flairé l’aubaine en détalant à toute vitesse derrière les défenseurs du Tricolore avant de déjouer Jake Allen. On aurait cru voir un receveur éloigné qui exécute son tracé à la perfection. « Je ne serais jamais capable de faire cette passe moi-même ! », s’est exclamé Pinto après coup. Puis, en troisième période, en avantage numérique, le même Giroux, alors que la rondelle était sur son bâton, a tapoté le dessus de son casque, à la manière d’un quart-arrière qui dicte un jeu sur la ligne de mêlée. Sur-le-champ, ses coéquipiers se sont activés, et trois passes plus tard, les Sénateurs avaient obtenu une chance de marquer. « Peut-être que c’était une stratégie, peut-être pas », a répondu Pinto lorsqu’interrogé sur cette séquence. « C’est un petit secret », a renchéri Giroux, en souriant.

Des Sénateurs au cœur léger

Moribonds depuis le début du calendrier, les Sénateurs traversent enfin des moments heureux. Grâce notamment à deux victoires contre le Tricolore, ils présentent une fiche de 4-1-1 à leurs six plus récents matchs. La semaine dernière, dans le vestiaire des Sens, on soulignait à quel point on peinait à disputer des matchs complets, à achever ses adversaires. Or, contre le CH, mardi, tout le monde a gardé son calme en troisième période après que Johnathan Kovacevic a réduit l’écart à 3-1. « C’est un pas dans la bonne direction sur le côté mental, a analysé l’entraîneur-chef Jacques Martin. On a été capables de faire face à une certaine adversité et de soutenir des moments où l’équipe adverse dominait. On s’est regroupés, on s’est pris en main, on a pris possession de nos habiletés et on a contrôlé le match. » Cette rencontre était aussi la deuxième du « voyage des mamans » des joueurs des Sénateurs, qui ont offert deux victoires en cadeaux à la première femme de leur vie. L’atmosphère est résolument légère autour de l’équipe, a noté Martin. « Les gars sont plus joyeux, plus expressifs. C’est très bien, ils doivent apprendre à apprécier la vie. » Comme pour lui donner raison, le vétéran entraîneur a dû hausser le ton pour prononcer ces paroles afin de couvrir tant bien que mal les pièces d’ABBA qui jouaient à tue-tête près du vestiaire. Juste à côté, lesdites mamans dansaient ensemble, comme si leurs fils venaient de gagner la Coupe Stanley. Notre collègue Marc-André Perreault, de TVA Sports, a immortalisé la scène.

Simon-Olivier Lorange, La Presse