Il y a dix ans, ils se faisaient des passes sur la patinoire aménagée par leur père dans la cour arrière. Aujourd’hui, ils évoluent ensemble dans les amphithéâtres de la LHJMQ, au sein de la même équipe et du même trio. Si le niveau et l’enjeu sont différents, la complicité entre Jules et Raoul Boilard demeure la même.

Jules vient d’avoir 19 ans, Raoul en a 17. Ils ne sont pas jumeaux, de toute évidence, mais leur lien de sang est évident, constate-t-on en les rejoignant dans le hall d’un hôtel de Boisbriand. Leur équipe, le Drakkar de Baie-Comeau, est en ville pour affronter l’Armada de Blainville-Boisbriand.

Les frangins se sont joints au Drakkar cette saison, après une année en Colombie-Britannique. Ils ont décidé de changer leurs plans initiaux de jouer dans une université américaine – on y reviendra.

Deux frères au sein d’une même équipe junior majeur, ce n’est pas exactement chose commune. Surtout que Jules et Raoul Boilard n’étaient pas prédestinés à devenir des joueurs de hockey.

Leur père était un skieur alpin de talent dans sa jeunesse. Leur mère était une joueuse de basket. Leur oncle ? Il a gagné la Coupe Vanier avec le Rouge et Or de l’Université Laval, au football. Le sport fait donc partie de la famille ; le hockey, pas tout à fait.

« Le plan, c’était qu’on soit des skieurs », dit Jules.

« Notre père nous a initiés au ski quand on était petits, raconte Raoul. C’était ça, notre sport numéro 1. Pour se préparer pour la saison de ski – il y a un temps mort avant que la neige tombe –, on a fait du hockey dans le but d’être meilleurs au ski, la glisse et tout ça. Finalement, on a eu un petit meeting avec nos parents ! »

Les frères préféraient le hockey, et les parents Boilard ont embarqué dans le projet « à 100 % », dixit Jules. Rapidement, leur père s’est mis à leur aménager, chaque hiver, une petite patinoire dans la cour arrière de la demeure familiale, à Sherbrooke.

« On était ensemble sur la glace, donc notre chimie est peut-être partie de là ! », lâche Jules.

PHOTO FOURNIE PAR LE DRAKKAR DE BAIE-COMEAU

Jules et Raoul Boilard sur la patinoire aménagée dans la cour arrière de leur demeure familiale

Rats d’aréna

À l’époque, Jules et Raoul évoluaient au sein de l’école Grégoire Hockey. Jean-François Grégoire est un de ceux qui leur ont appris les bases du sport. Ce même Jean-François Grégoire qui est actuellement leur entraîneur-chef au Drakkar.

« C’étaient des rats d’aréna », nous révèle l’entraîneur.

« Il y a une année où je suis resté à Sherbrooke, je donnais des cours privés, continue-t-il. J’embarquais avec eux sur la patinoire le dimanche matin à 7 h. […] On faisait les exercices, je leur donnais des défis. Après ça, je recevais des vidéos ; ils étaient chez eux, ils lançaient des rondelles l’après-midi. »

Jules et Raoul se sont toujours poussés l’un et l’autre, plus souvent inconsciemment que l’inverse.

« Je me rappelle, des fois, Jules allait prendre des tirs en arrière sur la patinoire, et moi, je me disais : finalement, peut-être que je vais y aller, moi aussi ! », lâche Raoul en riant.

« Pas le choix ! Quand l’autre y va, il faut que tu y ailles ! », ajoute Jules dans un sourire.

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Jules et Raoul Boilard

Deux routes, une décision

Les frères Boilard ont toujours été bons à l’école, une priorité pour la famille. Raoul a même sauté une année scolaire à l’école primaire. « J’avais quand même de la facilité à l’école, et ça permettait de sauter une année au hockey », explique-t-il.

Il s’est donc retrouvé dans la même classe, et la même équipe, que Jules. Inséparables, vous dites ?

En 2021-2022, Jules et Raoul ont fait leur place dans l’alignement des Cantonniers de Magog, dans la Ligue de hockey M18 AAA du Québec. Cette année-là, ils se sont engagés auprès de l’Université du Nebraska, signifiant du même coup leur désintérêt de poursuivre leur parcours dans la LHJMQ. Raoul a néanmoins été sélectionné par les Olympiques de Gatineau au quatrième tour à la fin de la saison. Jules avait aussi été sélectionné au quatrième tour l’année précédente, par l’Océanic de Rimouski.

En 2022, les deux frères ont donc pris la direction de la Colombie-Britannique, pour jouer dans la Ligue de hockey de la Colombie-Britannique (BCHL) avant leur entrée à l’université ; « une bonne année d’apprentissage », note Jules.

De retour au Québec pour l’été, les Boilard ont repris l’entraînement ensemble, comme d’habitude. Mais à la veille du repêchage de la LHJMQ, ils ont reçu un appel inattendu de Jean-François Grégoire.

« Il nous a dit : “On a échangé vos droits à Baie-Comeau.” Il nous a pris par surprise », relate Jules.

Ont suivi de nombreuses discussions familiales. Et de longues conversations avec Grégoire. Ce dernier voulait convaincre les deux frères que le Drakkar était la meilleure option pour eux.

« Je ne voulais pas que ce soit juste une décision basée sur le fait qu’on se connaît bien, évoque l’entraîneur. Je ne voulais pas jouer cette carte-là. Je voulais qu’ils se sentent à l’aise de venir chez nous, qu’ils n’aient jamais de regrets. »

À écouter les frères parler, après leurs deux premiers mois dans la LHJMQ, c’est mission accomplie…

« C’était une grosse décision, mais on ne le regrette pas pantoute », lâche Raoul.

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Jules Boilard

« Une force ensemble »

Après 22 rencontres, le Drakkar trône au sommet du classement du circuit Cecchini. Jules comptabilise 22 points et Raoul, 21. Les frères habitent dans la même famille de pension, s’entraînent ensemble, étudient ensemble et jouent ensemble sur le même trio.

« On s’entend bien hors glace, et ça se transpose bien sur la glace, note Raoul. On a une bonne chimie. On se trouve bien. »

« Moi, je sais comment Raoul pense. Raoul sait comment je pense », ajoute Jules.

Les deux attaquants font parler d’eux en ce début de saison. Raoul en est à sa première année d’admissibilité au repêchage de la Ligue nationale ; il est d’ailleurs considéré comme un des meilleurs espoirs québécois.

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Raoul Boilard

« Au Québec, les dépisteurs ne les connaissaient pas, indique Jean-François Grégoire. C’est comme l’élément de surprise et de curiosité en même temps. Ils veulent en voir beaucoup. »

L’objectif des deux frangins est, naturellement, d’atteindre les rangs professionnels. Même si cela implique d’être un jour séparés…

« On est une force ensemble, dit Raoul. Si ça peut se poursuivre, tant mieux, mais sinon, ce n’est pas la fin du monde. »

« Tant qu’on peut, on va s’aider, ajoute son frère. On s’aime et on va s’aider. »