Étienne Morin était assis dans la zone des entrevues, samedi dernier, au camp d’évaluation de la Ligue nationale, à faire la causette avec une poignée de journalistes québécois. Il semblait détendu dans ses réponses, mais sa jambe gauche tremblait de façon incessante.

Jusqu’à ce que Dan Marr, vice-président de la Centrale de recrutement de la LNH, vienne poser sa main sur son genou gauche, l’air amusé. « Le meilleur défenseur du repêchage ! », lance Marr.

« Je suis hyperactif, je ne peux pas m’en empêcher ! », lui répond Morin.

Le nom de ce défenseur québécois est devenu populaire la fin de semaine dernière à Buffalo. La veille de l’anecdote racontée ci-dessus, Marr s’était fait demander qui était le meilleur espoir parmi les défenseurs du repêchage de 2023.

« Je ne peux pas dire qui sera le premier défenseur à partir. Ça pourrait être David Reinbacher ou Axel Sandin Pellikka », a-t-il d’abord lancé.

En Amérique du Nord, notre personnel a vraiment aimé Étienne Morin. Il serait mon premier choix parmi les défenseurs de cette année.

Dan Marr, vice-président de la Centrale de recrutement de la LNH

Réaction de Morin : « Si on m’avait dit ça il y a trois ou quatre ans, je n’y aurais pas cru ! C’est incroyable, je ne le réalise pas. »

Le Campivallensien a été bien vu toute l’année. Du 24e rang des patineurs nord-américains selon la Centrale de la LNH à la mi-saison, il a grimpé au 19e rang au classement final, un rang derrière Lukas Dragicevic (18e), le seul mieux classé que lui parmi les défenseurs, et un rang devant Oliver Bonk.

Avec 21 buts et 51 passes en 67 matchs, Morin s’est classé troisième parmi les arrières de la LHJMQ pour les points (72).

De bons Européens

Marr et la Centrale de recrutement de la LNH sont ceux qui valorisent le plus Morin. Et ils n’ont pas la science infuse ; ils ne forment qu’un groupe de recruteurs parmi tant d’autres. Le confrère de TSN Craig Button, par exemple, classe Morin au 54e rang des espoirs, 11e parmi les défenseurs.

« Autant je l’adore, autant je ne peux pas le mettre dans le même groupe que les Européens, nous lance un recruteur de la LNH sous le couvert de l’anonymat. Et je suis sûr que plusieurs autres équipes ont la même chose. Morin lui-même dit qu’il n’a jamais été un quart-arrière offensif. »

Les principaux analystes le voient plutôt comme un choix de deuxième tour ou de fin de premier tour, au mieux, dans une année où les meilleurs défenseurs se produisent en Europe.

Reinbacher est l’un d’eux. Cet Autrichien au bon gabarit (6 pi 2 po, 194 lb) évolue en Suisse depuis des années et a passé la dernière saison en première division suisse, à affronter des hommes. En 46 matchs, il a amassé 22 points. Il a beau avoir eu 18 ans en octobre (un late, dans le jargon), la valeur de ce qu’il a accompli n’est pas banale. En prime, il est droitier.

PHOTO PAVEL GOLOVKIN, ASSOCIATED PRESS

Le défenseur autrichien David Reinbacher

Entraîneur-chef des Lions de Zurich, Marc Crawford a vu Reinbacher de près. « Comme tout joueur de 18 ans, il avait de la difficulté dans les batailles individuelles, mais ça ne restera pas longtemps comme ça, estime le dernier pilote des Nordiques. On a eu Jonas Siegenthaler à 17 ans et ils sont semblables, mais David est plus offensif. Je ne pense pas qu’il devienne un défenseur numéro 1, mais il pourrait devenir un numéro 2 ou 3. »

En point de presse jeudi, Kent Hughes a qualifié David Reinbacher de « meilleur défenseur du repêchage ». « Il est gros et son jeu défensif est très mature. Souvent, on voit l’inverse, c’est le dernier aspect qui se développe », a détaillé le directeur général du Canadien.

Reinbacher n’a pas que des admirateurs. Les limites de son potentiel sont incertaines et, sans avoir été mauvais en entrevue avec les équipes, il n’a pas non plus épaté la galerie comme Sandin Pellikka, vanté par plusieurs. Ils ont toutefois des styles bien différents, Sandin Pellikka étant nettement plus porté vers l’attaque, comme en font foi ses 11 points en 7 matchs au Championnat du monde des moins de 18 ans.

Le Suédois Tom Willander en est un autre qui pourrait connaître son sort rapidement. Et comme Matvei Michkov chez les avants, Dmitriy Simashev occupe le rôle du joker, dans une moindre mesure. Ce colosse de 6 pi 4 po est vu comme possible choix du top 10 par certaines publications spécialisées (HockeyProspect, The Athletic), mais comme il joue en Russie, seuls des recruteurs régionaux ont pu le voir à l’œuvre en personne.

Les leçons de 2018

Comment les équipes en mal de défenseurs géreront-elles la situation ?

Il y a un parallèle intéressant à tirer avec le repêchage de 2018. En 2023, les défenseurs sont une denrée rare ; en 2018, c’était mince au centre. Et ceux qui étaient vus comme les deux meilleurs centres, Jesperi Kotkaniemi et Barrett Hayton, ont été réclamés respectivement au 3e et au 5e rang, par le Canadien et les Coyotes.

Ç’a été dit quelques fois, mais après 319 matchs dans la LNH, il semble clair que Kotkaniemi n’a pas été le choix le plus judicieux au 3e rang. Brady Tkachuk (4e), Quinn Hughes (7e), Evan Bouchard (10e), Noah Dobson (12e) et K’Andre Miller (22e) trouveraient assurément preneur avant lui si l’exercice était à refaire. Hayton n’a quant à lui que deux saisons derrière la cravate ; le jury délibère toujours.

« Des commandes trop spécifiques tôt au repêchage peuvent mener à des erreurs, prévient un recruteur de la LNH. Cette année, il y a si peu de défenseurs que dès que l’un sera repêché, les autres pourraient sortir vite, parce que la qualité va baisser rapidement. »

Un avertissement à retenir si votre équipe préférée se jette sur un défenseur le 28 juin.