Nous vous avons demandé de revivre pour nous votre 9 juin 1993, jour où le Canadien de Montréal a gagné sa dernière Coupe Stanley, il y a 30 ans. Merci de nous avoir raconté quelques-uns de vos plus beaux, et plus émouvants, souvenirs.

Le dernier match avec mon père

Mon père a toujours été un partisan du Canadien, je me souviens, quand j’étais enfant, de l’avoir vu en pyjama dans le salon devant la télé en noir et blanc avec un sac de jujubes et une Labatt 50 au temps d’Yvan Cournoyer, Guy Lafleur et les autres légendes. La maison tremblait quand le Canadien marquait un but, LE BUUUUT ! ! ! !

En mars 1993, on a reçu le diagnostic qu’il avait le cancer du pancréas. Le cancer était déjà avancé et incurable. Mon père avait 50 ans seulement. Mes sœurs et moi sommes maintenant ses aînés. Après une opération en avril et toutes les préparations pour que ma mère soit en sécurité après son départ, il n’avait pas vraiment suivi la saison, mais on avait suivi les séries ensemble.

J’avais deux jeunes enfants et ma dernière était née fin mai. J’essayais de passer le plus de temps possible avec lui. J’arrêtais souvent après le travail, aidais autour de la maison. On parlait des séries et d’un peu de tout.

Le 9 juin, je suis venu voir le match avec lui. Il avait perdu près de la moitié de son poids. Le cancer était en avantage numérique. Tôt dans le match, j’ai réalisé que ce serait le dernier match de hockey que je partagerais avec mon père. C’était un mélange d’émotions et j’essayais fort de garder le sourire. Depuis le diagnostic, j’avais mis toutes mes émotions de côté pour être fort pour la famille, j’étais en mode de combat.

Mon père est mort deux mois plus tard. Le Canadien n’a plus gagné la Coupe Stanley depuis.

Serge Viau

Seul à Virginia Beach

Je vivais à Virginia Beach depuis deux ans et je m’ennuyais énormément du hockey. À Montréal, je jouais au hockey cinq fois par semaine, alors inutile de dire que cela me manquait incroyablement. De plus, il n’y avait aucun aréna pour jouer à mon sport favori. Enfin, là-bas, le Canadien était inconnu de tout le monde. Finalement, j’ai pu dénicher un bar où on montrait la partie de la finale. Yaaay, j’étais le seul à se manifester, sans gêne et avec toute ma passion insatiable et jubilatoire. Après la partie, je suis retourné à la maison sur ma moto avec mon chandail du CH sur le dos en klaxonnant. Ça faisait étrange de célébrer seul alors que tout le monde s’en fichait. Enfin… quelle joie ce fut pour cette équipe cendrillon qu’on avait. Que de beaux et lointains souvenirs.

Alain Tétreault

Une télé fatiguée

Montréal, rue Cartier, au coin de Sherbrooke. Après un long et rude premier hiver sur le Plateau, le printemps s’annonçait fort bien pour mon coloc et moi-même avec ce fameux parcours de nos Glorieux.

Ce soir-là du 9 juin 1993, la vieille télé de 20 pouces donnée généreusement par un ami démontre des signes évidents de fatigue qui trahissent assurément son âge. Qu’à cela ne tienne, nous avons un plan de secours avec l’encore plus vieille et plus petite télé, en noir et blanc de surcroît. On croise les doigts que nous n’aurons pas à recourir à celle-ci. La partie débute, la télé débloque, quelques coups à droite du boîtier, un autre coup à gauche, voilà l’image qui cesse de sautiller et nous permet d’assister en toute quiétude, nous l’espérions, à la magie de cette ultime partie qui s’avéra être en fait la dernière de cette enlevante série.

Le souvenir est encore très présent, je me rappelle tous ces gens arrivant du stade par la rue Sherbrooke se dirigeant au centre-ville en célébrant et criant de joie. De notre balcon, mon coloc et moi-même étions en liesse dans cette soirée chaude et euphorique. Jamais nous ne nous serions doutés que le CH n’allait pas en remporter une autre après.

Patrice Lafarge

De bons samaritains

Le 11e match au Forum des séries éliminatoires était la victoire de la Coupe Stanley. Des billets debout à 15 $ ! J’avais 15 ans à l’époque, et avec mon ami, nous nous rendions au Forum deux heures avant le début des matchs afin d’être les premiers en ligne, puisque lorsque les grilles ouvraient, c’était la course pour se trouver une place debout en arrière de la section des rouges. Autrement, il fallait se rabattre sur des places en arrière des blancs, ou pire, tout en haut en arrière des bleus.

PHOTO FOURNIE PAR CHRISTOPHE BERTRAND

Billet pour le deuxième match contre les Kings

Nous sommes allés voir plusieurs matchs des séries cette année-là, dont la victoire de la Coupe Stanley qui demeure bien évidemment un impérissable souvenir. Mais mon plus beau souvenir est lors du match numéro 10 au Forum, le deuxième match contre les Kings. Ce soir-là, nous n’avions pas pu arriver tôt au match, nous avons dû assister aux deux premières périodes debout tout en haut en arrière de la section des bleus. La balustrade était d’ailleurs plus élevée à cet endroit, et j’étais à peine assez grand pour voir par-dessus, même sur la pointe des pieds.

À l’entracte entre la 2e et la 3e période, un couple de bons samaritains est apparu devant nous et nous a offert sa paire de billets assis, tout en bas dans la section des rouges ! Eux devaient partir, et vous pouvez être certains que je n’ai pas cherché à savoir pourquoi ! Nous avons ainsi pu assister de près au fameux but égalisateur d’Éric Desjardins en fin de 3e période (lors de la pénalité à Marty McSorley en vertu de son bâton illégal), puis au tour du chapeau du numéro 28, en prolongation, pour donner au CH sa première victoire en finale.

Christophe Bertrand

En avion

IMAGE FOURNIE PAR MICHEL LAPENSÉE

Peinture de Michel Lapensée

Je devais être présent au match, j’avais mes billets de saison, malheureusement, j’étais dans un avion en direction de Paris. Normalement j’aurais été dans le vestiaire après la rencontre pour fêter avec l’équipe, j’étais tellement malheureux… J’ai peint ce tableau de cette conquête de la Coupe Stanley et ce fut la carte de Noël du Canadien cette année-là.

Michel Lapensée, artiste peintre

Billet truqué

Printemps 1993, je reçois mes billets de séries numérotés de 1 à 16, car il y aurait un maximum de 16 matchs disputés à Montréal. Arrive donc la finale contre l’équipe de Wayne Gretzky, les Kings de Los Angeles… Petit détail, je partage mon billet avec mon frère Yvon et nous alternons les parties à Montréal.

Première partie à lui le billet, deuxième partie c’est mon tour, et la troisième partie fatidique, le CH peut gagner la Coupe au vieux Forum… mais je n’ai pas de billet ! Quoi faire pour assister au match de mes Glorieux ? Il est maintenant 17 h, je me risque à gratter le billet suivant, numéroté 14, que je gratte avec une lame de rasoir et j’arrondis avec un crayon gras pour faire un zéro pour assister à la partie debout entre les blancs et les rouges. J’arrive tôt à l’aréna pour avoir le temps de revenir à la maison au cas où mon plan diabolique ne fonctionne pas. Mon tour arrive à la porte, je tiens mon billet du bout des doigts, je regarde dans les yeux le guichetier et lui dis bien fort : « J’espère que l’on gagne à soirrrr. »

BINGO ! Je suis dans le sanctuaire pour voir MON club gagner la Coupe dans un Forum survolté dans les cinq dernières minutes. Je souhaite à une nouvelle génération de revivre une course aux séries aussi exaltante et un défilé dans les rues de la ville.

Bernard Janelle

Un doux souvenir de mon père

Pour moi, la dernière Coupe Stanley remportée par le Canadien de Montréal me rappelle un doux souvenir de mon père, tellement fier d’avoir été là, ce soir-là. Il était un fervent admirateur du Canadien, et ne manquait aucune occasion de voir un match, lorsqu’il était de passage à Montréal. Il était originaire du Lac-Saint-Jean et avait vécu sa vie active sur la Côte-Nord. Fier père de cinq enfants, il aimait suivre les matchs à la télévision avec toute la famille, avec toute la fougue et les emportements que nous faisaient vivre les Canadiens de Montréal à la télévision, en direct.

Cette année-là, il était au début de sa jeune retraite bien méritée. Et cette année-là aussi, quelques mois plus tard, la vie a voulu qu’il meure subitement d’un arrêt cardiaque, un 2 décembre.

Nous gardons un souvenir précieux de cette victoire du Canadien, car elle nous rappelle le doux souvenir d’un père aimant et aimé de tous.

Suzanne Hamel

Un beau cadeau

PHOTO FOURNIE PAR MARIE-CLAUDE ET FRÉDÉRIC JÉRÔME

Brique achetée par Marie-Claude et Frédéric Jérôme et billet pour le dernier match de la finale de la Coupe Stanley en 1993

Notre père travaillait pour une grosse entreprise qui avait des abonnements de saison pour les Canadiens. Toute l’entreprise était en réunion annuelle dans la ville de Québec le 9 juin. Donc, notre père nous téléphone dans la journée, pour nous offrir des billets de hockey pour le 5e match de la finale, dans les rouges ! À cette époque, nous avions seulement 16 et 19 ans !

L’ambiance au Forum était complètement folle. On sentait que ça se passerait ce soir. Nous avions une coupe Stanley en carton avec nous. Les cinq dernières minutes du match, tout le monde était debout, c’était l’euphorie totale. Les gens derrière nous nous offraient des verres de bière. À la sortie dehors, tous les gens se faisaient des « high-five » et des accolades. C’était le party et la joie ! En revenant à la maison, en métro, le chauffeur chantait : « Na na na na, Na na na na, hé hé hé Goooodbye ! » Quinze ans plus tard, au centenaire des Canadiens, nous nous sommes acheté une brique pour immortaliser cette soirée. Ça reste à ce jour un de nos plus beaux souvenirs familiaux.

Merci, papa !

Marie-Claude et Frédéric Jérôme

À l’hôpital

Mes souvenirs de la conquête ultime de la Coupe Stanley au mois de juin 1993 sont teintés de grandes joies, mais de profonde tristesse aussi. À cette époque, on m’avait diagnostiqué une tumeur cancéreuse au sein droit. Ç’a été évidemment une épreuve très difficile à vivre pour moi et ma famille. Le hasard a voulu que je sois précisément hospitalisée pendant la semaine où les Canadiens ont mis la main sur le précieux trophée. Je me souviens d’avoir écouté la partie finale sur un petit écran noir et blanc d’une télé portative. Je me souviens également d’avoir vu défiler tous les joueurs autour de la patinoire, surtout Patrick Roy avec toute la fierté qu’on lui connaît.

Au même moment, j’ai entendu les voitures défiler le long du boulevard Rosemont en klaxonnant. Quelle grande émotion !

Depuis ce temps, les Glorieux n’ont pas réussi à remettre la main sur l’ultime trophée. Mais le beau de l’affaire, c’est que le cancer n’est jamais revenu.

Odette Royer

Un moment avec fiston

Le 9 juin 1993 au matin, mon patron me donne deux billets dans les rouges pour le match du soir et me demande de trouver un client pour m’accompagner. Après quelques tentatives infructueuses (disons que je n’ai pas trop forcé la note…), j’ai trouvé la personne parfaite pour aller au match, mon garçon de 10 ans, joueur de hockey et fan des Canadiens.

Tout au long de la partie, nous savions que la série finirait ce soir-là et l’ambiance était électrique. Les spectateurs ont passé les cinq dernières minutes debout à applaudir notre équipe. Lorsque Patrick Roy a soulevé la Coupe, j’ai dit à mon garçon : “Regarde bien cette scène, car on ne reverra pas ça de sitôt à Montréal.” Je ne pensais pas que la disette durerait aussi longtemps…

Jacques Racicot