Il y a 30 ans, le Canadien de Montréal remportait la 24e… et dernière Coupe Stanley de son histoire. Pour patienter un peu plus longtemps avant de revoir la prochaine, voici une incursion dans ce mois de juin 1993 qui a marqué les esprits de toute une génération.

Match 1 : la première aux Kings

1er juin 1993
Forum de Montréal
Pointage final : Kings 4-Canadien 1

PHOTO DENIS COURVILLE, ARCHIVES LA PRESSE

Luc Robitaille, auteur de deux buts durant le match, est félicité par Wayne Gretzky à la suite de l’un d’eux.

Sommaire du match

Première période

KINGS : Luc Robitaille (Zhitnik, Gretzky) – 3 : 03
CANADIEN : Ed Ronan (sans aide) – 18 : 09

Deuxième période

KINGS : Luc Robitaille (Blake, Gretzky) – 17 : 41

Troisième période

KINGS : Jari Kurri (Gretzky, Granato) – 1 : 51
KINGS : Wayne Gretzky (Sandstrom) – 18 : 02

Gardiens

Kelly Hrudey : 31 arrêts
Patrick Roy : 34 arrêts

L’analyse de Ronald King dans La Presse

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

La une des Sports de La Presse du 2 juin 1993

Les deux équipes n’ont pas très bien joué, mais les Kings ont gagné 4-1 et il faudra revoir vos prédictions. En quatre, aviez-vous dit ? En cinq, peut-être ? Pensons plutôt à six ou sept, avec l’identité du gagnant toujours à déterminer. La défense légère et mobile du Canadien a trouvé à qui parler hier. Quand on laisse Gretzky – il en a endormi plus d’un hier – et sa bande patiner à l’aise, il faut que Patrick Roy fasse des miracles, ce qu’il a fait pendant un bon moment. Mais à près de 40 lancers… Luc Robitaille avait dit la veille que les Québécois francophones en donnaient toujours un peu plus au Forum. Lui si discret pendant la série contre les Maple Leafs, Robitaille a marqué deux fois en avantage numérique hier et semblait bien content. Il est habile, le jeune homme. Si la série se joue entre unités spéciales, comme ce fut le cas longtemps hier, le Canadien risque de trouver le temps long. L’attaque à cinq des Kings a étourdi Patrick Roy et ses défenseurs. Tandis que celle du Canadien, pressée comme elle l’a été, ne réagit pas très bien. En désavantage numérique, les Kings foncent et défient l’adversaire. Et lorsqu’on voit Scan Hill, un joueur sans expérience, contrôler la rondelle à la pointe devant Gretzky et Kurri, il faut s’attendre à des dégâts.

Ils ont dit

Wayne Gretzky :

« Dans nos réunions, nous nous sommes dit qu’il fallait utiliser l’émotion des deux derniers matchs contre les Maple Leafs. Je crois aussi que le Canadien était un peu rouillé. Les longues périodes d’inactivité sont toujours dangereuses. Je pense aussi que nous les avons surpris avec notre style de jeu. Ils n’affrontent jamais d’équipes comme la nôtre dans leur division. Mais connaissant Jacques Demers, son équipe sera de retour en force pour le prochain match. Ceux qui croient que ce sera facile seront surpris. »

Jean-Jacques Daigneault :

« Si on ne joue pas notre style, celui qui nous a valu du succès depuis le début des séries éliminatoires, on sera dans le trouble comme on l’a été ce soir. Ce n’est pas compliqué : il faut travailler avec plus d’intensité. On a accordé trop d’attaques en surnombre aux Kings, on ne les a pas assez frappés et on a manqué de mordant en échec avant. »

Guy Carbonneau :

« On a laissé les Kings jouer leur match. On doit réaliser qu’on est en finale de la Coupe Stanley. On ne peut pas se permettre d’avoir des passagers dans l’équipe… On a laissé à Wayne Gretzky tout l’espace dont il rêvait. J’ignore si la nervosité en est la cause, mais je sais qu’il faut se réveiller. On avait parlé avant le match de la nécessité de frapper Gretzky. Mais on ne l’a pas fait. »

Match 2 : le bâton de Marty McSorley

3 juin 1993
Forum de Montréal
Pointage final : Kings 2-Canadien 3 (prol.)

PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE

Marty McSorley tente d’empêcher Kirk Muller d’obstruer la vue du gardien Kelly Hrudey.

Sommaire du match

Première période

CANADIEN : Éric Desjardins (Damphousse, Lebeau) – 18 : 31

Deuxième période

KINGS : Dave Taylor (sans aide) – 5 : 12

Troisième période

KINGS : Pat Conacher (Taylor, Granato) – 8 : 32
CANADIEN : Éric Desjardins (Damphousse, Schneider) – 18 : 47

Prolongation

CANADIEN : Éric Desjardins (Brunet, Ronan) – 0 : 51

Gardiens

Kelly Hrudey : 38 arrêts
Patrick Roy : 22 arrêts

L’analyse de Pierre Ladouceur dans La Presse :

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

La une des Sports de La Presse du 4 juin 1993

Qui a incité l’entraîneur du Canadien à [faire] son geste à l’endroit de Marty McSorley en fin de match pour prendre ce dernier en défaut avec un bâton non réglementaire ? « Certains joueurs [Guy Carbonneau] m’ont alerté sur le fait que des Kings avaient des bâtons avec une courbe trop prononcée. Mais je ne veux pas nommer les joueurs qui m’ont mis la puce à l’oreille. Restait à trouver le moment opportun. C’est faux qu’on ait ramassé certains bâtons des Kings au terme de leur entraînement. On n’agit pas de cette façon-là. » Par contre, chez le Canadien, on est sévère sur le sujet des bâtons. Un joueur qui se ferait prendre écoperait d’une forte amende. L’entraîneur du Canadien a ensuite parlé de la forte performance des siens dans ce match. « Kelly Hrudey a été la grande vedette de la rencontre pour les Kings. On n’aurait pas eu besoin de prolongation s’il n’avait pas été aussi solide. Je comprends pourquoi les Kings sont en finale. Ce gars-là joue de la même façon que Patrick Roy. Il fallait gagner ce match. On ne pouvait pas quitter Montréal avec un recul de 0-2 », de dire Demers. Au sujet de sa tirade avec Brian Bellows, sur le banc du Canadien en deuxième période, Demers a dit : « Je vais tout simplement répondre que Bellows ne jouait pas à la hauteur de son talent et je lui ai fait savoir. »

Ils ont dit

Barry Melrose, entraîneur des Kings :

« Je ne crois pas qu’on doive [faire] un tel geste pour gagner un match. Je n’en veux pas à Jacques Demers. Nous sommes de bons amis. Mais il y a beaucoup de pression à Montréal et l’on sait ce que la pression peut provoquer. »

Éric Desjardins :

« Pour moi, c’est une soirée exceptionnelle. Mais l’important, c’est notre victoire. Marquer trois buts dans un match aussi important, dont celui de la victoire en prolongation, c’est quelque chose à quoi tu ne rêves même pas… Mais je ne me laisse pas emporter. Autant il ne faut pas être trop abattu après un revers, autant il ne faut pas être trop survolté après un match comme celui-là ! »

Marty McSorley :

« Il faut tout essayer pour gagner. Si je savais ? Pensez-vous que j’aurais joué avec un bâton illégal ? Je croyais qu’il était correct. Il y a encore beaucoup de hockey à jouer. J’ai commis une erreur, mais je serai encore là pour le prochain match. »

Match 3 : « presque ridicule »

5 juin 1993
Great Western Forum
Pointage final : Canadien 4-Kings 3 (prol.)

PHOTO TIRÉE D’UNE VIDÉO

John LeClair (au centre) vient d’inscrire le but gagnant en prolongation lors du 3e match de la série.

Sommaire du match

Première période

CANADIEN : Brian Bellows (Haller, Muller) – 10 : 26

Deuxième période

CANADIEN : Gilbert Dionne (Keane, Lebeau) – 2 : 41
CANADIEN : Mathieu Schneider (Carbonneau) – 3 : 02
KINGS : Luc Robitaille (Gretzky, Sandstrom) – 7 : 52
KINGS : Tony Granato (sans aide) – 11 : 02
KINGS : Wayne Gretzky (Donnelly, Hardy) – 17 : 07

Prolongation

CANADIEN : John LeCair (Muller, Bellows) – 0 : 34

Gardiens

Kelly Hrudey : 32 arrêts
Patrick Roy : 30 arrêts

L’analyse de Réjean Tremblay dans La Presse :

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

La une des Sports de La Presse du 6 juin 1993

C’en est rendu presque ridicule. Les Glorieux se rendent de peine et de misère jusqu’à la fin de la troisième période. D’habitude, c’est 3-3. La situation parfaite pour que débute la prolongation. Et neuf fois de suite, neuf incroyables fois de suite, le Canadien a gagné. Et le pire, c’est que ça semble de plus en plus facile. Ça ne peut pas être du hasard, prenez une pièce de monnaie, lancez-la et essayez d’obtenir neuf faces ou neuf piles de suite. C’est un record de tous les temps, un record qui ne sera jamais battu. Celui-là, il est déjà dans le coffre-fort. Hier, John LeClair a marqué après 34 secondes de la première période de prolongation. Mardi, Éric Desjardins a compté après 51 secondes. Lundi soir, pour le quatrième match, le record à battre sera donc de 33 secondes. Et voilà que les Glorieux, toujours chanceux quand il le faut et méritants quand il le faut également, mènent la finale deux victoires à une.

Match 4 : et de 10 !

7 juin 1993
Great Western Forum
Pointage final : Canadien 3-Kings 2 (prol.)

PHOTO TIRÉE D’UNE VIDÉO

Durant le quatrième match, la caméra capte le clin d’œil que Patrick Roy adresse à Tomas Sandstrom après l’avoir privé d’un but.

Sommaire du match

Première période

CANADIEN : Kirk Muller (sans aide) – 10 : 57

Deuxième période

CANADIEN : Vincent Damphousse (Keane, Desjardins) – 5 : 24
KINGS : Mike Donnelly (Granato) – 6 : 33
KINGS : Marty McSorley (Gretzky, Robitaille) – 19 : 55

Prolongation

CANADIEN : John LeClair (sans aide) – 14 : 37

Gardiens

Kelly Hrudey : 36 arrêts
Patrick Roy : 40 arrêts

L’analyse de Guy Robillard de La Presse Canadienne :

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

La une des Sports de La Presse du 8 juin 1993

Un but de John LeClair à 14 : 37 de la prolongation a permis au Canadien de l’emporter 3-2, hier soir à Inglewood, et de prendre une avance de 3-1 dans la série finale de la Coupe Stanley. Le Canadien pourrait s’assurer la fameuse coupe demain soir devant ses partisans au Forum. Le Canadien a signé un 10e match de suite en prolongation et un 12e par un but. L’allure de ce quatrième match de la finale de la Coupe Stanley a ressemblé à celle du troisième, le Canadien ayant pris une avance de deux buts avant d’être rattrapé par ses adversaires à la deuxième période.

Ils ont dit :

Denis Savard :

« Je n’ai jamais été égoïste de ma vie. Dans 10 ou 15 ans, si on gagne la Coupe, les gens ne demanderont pas combien de matchs j’ai joués en finale. Mon nom sera gravé sur le gros trophée et ce sera très beau. » (Savard était de la formation du Canadien lors du match initial contre les Kings. Mais une blessure à un pied, subie en bloquant un lancer dans le quatrième affrontement de la série contre les Islanders de New York, l’empêche de patiner à son goût.) « Je suis rétabli à 80 %. Si la série se prolonge, je pourrai peut-être revenir. Mais je souhaite tellement qu’elle prenne fin vite… »

Luc Robitaille :

« Leurs défenseurs sont moins gros que ceux qu’on avait affrontés avant, mais ils sont plus jeunes et plus mobiles ; ils aiment appuyer l’attaque et ils me font penser à nous. Éric Desjardins est probablement leur meilleur et Jean-Jacques Daigneault joue aussi très bien. Il ne faut pas les laisser contrôler comme on l’a fait avec Desjardins lors du deuxième match. »

Match 5 : la conquête

9 juin 1993
Forum de Montréal
Pointage final : Kings 1-Canadien 4

PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE

Les joueurs du Canadien célèbrent leur victoire devant leurs partisans le 9 juin 1993.

Sommaire du match

Première période

CANADIEN : Paul DiPietro (Leeman, LeClair) – 15 : 10

Deuxième période

KINGS : Marty McSorley (Carson, Robitaille) – 2 : 40
CANADIEN : Kirk Muller (Damphousse, Odelein) – 3 : 51
CANADIEN : Stéphan Lebeau (Keane, LeClair) – 11 : 31

Troisième période

CANADIEN : Paul DiPietro (Dionne, Odelein) – 12 : 06

Gardiens

Kelly Hrudey : 25 arrêts
Patrick Roy : 18 arrêts

L’analyse de Ronald King dans La Presse :

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

La une des Sports de La Presse du 10 juin 1993

Vingt-quatre, donc. Vingt-quatre Coupes Stanley et celle d’hier a provoqué autant de frénésie que les autres. Et le Canadien a remporté le dernier match de façon tout à fait traditionnelle, avec une défense impeccable et un effort collectif. Le score final est typique : 4-1. Quatre trios, six défenseurs… les no-names, comme on les appelle en Californie, ont offert leur meilleure performance de la série hier soir devant leurs partisans et la puissante machine offensive des Kings a été tenue à bien peu de chances de marquer. Du travail presque parfait, au point où Patrick Roy n’a pas eu à se fendre en quatre. Le gros John LeClair, par contre, a bulldozé plusieurs Kings, surtout les plus robustes, et il a préparé deux buts, en plus d’épuiser les défenseurs en noir, il est possible que le bonhomme a enfin compris combien de dégâts il pouvait causer dans l’équipe adverse. Paul DiPietro n’est pas encore une star lui non plus, mais il a mis Wayne Gretzky dans sa petite poche, comme on dit. Étonnant, non ? Et il y a un escadron de jeunes et légers défenseurs, la faiblesse de l’équipe selon les dépisteurs, qui a fermé toutes les portes devant les Kings. Tous ces garçons sont champions de la Coupe Stanley ce matin et si vous leur aviez fait cette prédiction en septembre dernier, ils ne vous auraient pas cru.

Ils ont dit :

Patrick Roy :

« Jacques Demers a été l’homme-clé de cette série. Sa décision de faire mesurer le bâton de Marty McSorley et de me retirer du but lors de la deuxième rencontre face aux Nordiques a fait toute la différence. […] Ce trophée, je le dédie à tous ceux qui ont cru en moi. Pendant la saison, au lendemain d’un sondage qui m’échangeait, il y en a qui ont continué à croire en moi. Si on avait perdu face aux Nordiques, mon association avec le Canadien aurait sûrement pris fin. J’aurais été échangé. Mais c’est à Montréal et nulle part ailleurs que j’ai toujours voulu jouer au hockey. »

Jacques Demers :

« On a qualifié notre défense d’une défense sans nom. On était petits à l’arrière, mais on n’a jamais abandonné. Cette défense a travaillé avec le meilleur gardien de la LNH pour nous mener à la conquête de la Coupe Stanley. Le mot d’ordre était de frapper nos défenseurs, mais ils étaient comme des boxeurs qui refusent d’aller au tapis. Je ne voudrais pas oublier également l’apport de notre capitaine. Guy Carbonneau a fait un travail exceptionnel face à Wayne Gretzky dans cette série. »

Wayne Gretzky :

« Je ne sais pas si je vais jouer l’an prochain… Ce n’est pas une question de contrat. M. McNall m’offre tout ce que je veux. J’ai toujours dit que je voulais quitter le hockey en pleine gloire, je ne veux pas attendre qu’on me montre la porte. Je pense avoir assez bien joué… même si ce n’était pas assez. »