(Buffalo) Ça grouille d’action dans le lobby de l’hôtel mardi midi. Nous voici en plein camp d’évaluation de la LNH. Agents, espoirs et dirigeants d’équipe se serrent la pince, prennent des nouvelles, cassent la croûte.

À une table, une demi-douzaine d’agents de Quartexx, l’ancienne firme de Kent Hughes, sont regroupés. À une autre, Pat Brisson et J.P. Barry, deux gros bonnets de la puissante agence CAA, règlent de gros dossiers, à moins qu’ils parlent du Canada qui brûle et de cette odeur de feu de camp qui envahit Buffalo sans s’arrêter aux douanes. Allez savoir.

Croisés au fil de la journée : Bill Armstrong, DG des Coyotes de [insérez le lieu de votre choix], Daniel Brière, l’homme qui a fait exploser Twitter en début d’après-midi en échangeant Ivan Provorov, Dave Nonis, nouvel adjoint au DG à Calgary, John Sedgwick, le major de promotion du Canadien pour tout ce qui touche la convention collective.

C’est dans cet environnement un brin intimidant qu’on s’attable avec Mathieu Cataford, un des bons espoirs de la LHJMQ en vue du repêchage 2023. Il nous retrouve avec ce qui ressemble au sandwich dinde et avocat du menu du midi, mais avec la salade en accompagnement, plutôt que les frites que les plus indisciplinés vont commander.

« Ça serait stupide qu’un directeur général arrive et me voie manger des frites ! », lance le jeune homme de Saint-Constant.

« Je fais attention. Des gars peuvent manger n’importe quoi et ça ne paraît pas. Moi, ça monte vite ! Je suis un gars qui aime manger en plus, donc des fois, c’est dur. »

Cataford est un des espoirs invités à ce camp d’évaluation, où les joueurs enchaînent les entrevues avec les équipes, vont parfois souper avec des DG, avant de se plier à des tests physiques lors du dernier jour, samedi.

À 18 ans, Cataford rêve à la LNH, comme ses 105 acolytes ici présents. Sa route à lui passe actuellement par les Mooseheads. Un heureux hasard pour un jeune dont l’idole est Sidney Crosby, originaire de la banlieue d’Halifax. « Plus jeune, c’était comme si les gens n’aimaient pas prendre pour le Canadien et prenaient pour une autre équipe, raconte-t-il. Moi, c’était les Penguins, ma chambre était peinturée aux couleurs des Penguins.

« J’habite à côté de Cole Harbour, et à l’entrée, il y a une pancarte qui dit ‟Home of Sidney Crosby”. J’ai ma photo devant la pancarte ! »

Le serveur revient au moment où il conclut son anecdote. « J’envoie l’addition à votre chambre ? » Cataford la lui demande. « Je ne ferai pas payer la Ligue nationale ! », lance-t-il en riant.

Jouer de la bonne façon

Cataford vient au 36rang des espoirs nord-américains, selon le palmarès de la Centrale de recrutement de la LNH. Au sein du circuit Cecchini, seuls Ethan Gauthier (16e) et Étienne Morin (19e) sont mieux classés.

« Tout le monde aimerait sortir au premier tour, reconnaît-il. Moi, je me vois en fin de premier tour, début de deuxième. Au pire, mon agent ne pense pas que je vais dépasser le deuxième tour, mais il n’y a rien d’assuré. Sauf que ce n’est pas où tu sors, c’est ce que tu fais après qui compte. Tristan Luneau est sorti au deuxième tour l’année passée et c’est le défenseur de l’année dans la LHJMQ. »

Pour l’amateur moyen, il n’a pas le profil le plus sexy. Ses 75 points en 68 matchs, cette saison, constituent une jolie récolte, mais bien loin des 140 points de Jordan Dumais, son coéquipier meilleur compteur de la ligue.

Mais les points ne seront pas nécessairement son pain et son beurre. « Du caractère », du « hockey sense », il ne triche pas, résume un éclaireur. « Le genre de joueur que tous les entraîneurs vont aimer coacher. »

Cataford se reconnaît dans cette description.

J’ai toujours aimé marquer des buts, je ne dis pas le contraire ! Mais j’ai toujours eu de la fierté à bloquer un tir pour aider l’équipe à gagner, à me replier. Ce sont des choses que les fans ne remarquent pas toujours, mais tes coachs et tes coéquipiers, oui.

Mathieu Cataford

Plus tard, on lui demande son meilleur souvenir du parcours des Mooseheads en séries, eux qui ont atteint la finale de la LHJMQ avant de perdre en six matchs contre Québec.

« C’est drôle, mais c’est une défaite. Contre Sherbrooke, dans le match 2, on perdait 2-0. Dumais et deux autres joueurs étaient blessés. Mais on est revenus et on a égalé avec neuf secondes à jouer. On a fini par perdre en prolongation, mais on savait que c’était le tournant, parce qu’on pouvait jouer avec eux, même avec des blessés. Et on a gagné les quatre matchs suivants. »

Son rôle sur le but égalisateur ? « Je cachais le gardien. » A-t-il obtenu un point ? « Non. C’est drôle à dire, mais si je ne suis pas là pour cacher le gardien, peut-être qu’on ne marque pas. [Zachary] L’Heureux n’a pas eu de point non plus, mais il a gagné la course pour la rondelle à la mise en jeu. Ce ne sont pas toujours les points non plus ! »

Au moment d’écrire ces lignes, 18 équipes, dont le Canadien, avaient signifié leur intérêt pour rencontrer Cataford. « Je veux simplement être repêché par une équipe qui aura un plan pour moi », lance-t-il.

L’entrevue tire à sa fin, pas avant que le serveur revienne « Un homme là-bas s’est occupé de la facture et m’a dit de ne rien vous charger. » Voilà un agent bienveillant.