Jesse Bélanger était au volant de son camion, en route vers le Saguenay, quand il a bien voulu plonger dans ses souvenirs de rondelles, de palmiers et de bermudas.

On se souvient de cet ancien attaquant de la Beauce parce qu’il a été du printemps magique de 1993 pour le Canadien, mais on se souvient peut-être un peu moins de lui comme pionnier du hockey en Floride. Et puis pourtant, c’est vrai : Jesse Bélanger a fait partie de la toute première incarnation des Panthers de la Floride, lors de la saison 1993-1994.

Il avait même été le deuxième marqueur de l’équipe !

« Une gang de gars pas protégés lors du repêchage de l’expansion, résume-t-il en riant au bout du combiné. Mais on avait un pas pire club pareil. Je me souviens que cette saison-là, on avait raté les séries par un seul point… »

C’est exact. À leur première saison à vie, les Panthers avaient en effet raté le tableau éliminatoire par un point seulement, et ils en avaient profité pour dépasser quelques clubs un peu plus talentueux au classement, entre autres les Nordiques de Québec.

Un parcours plutôt étonnant de la part d’un club d’expansion, qui n’avait pas profité de règles favorables à l’époque, contrairement à Vegas et Seattle plus récemment.

Aussi, les Panthers de 1993 ne baignaient pas exactement dans le luxe.

« Ce n’était pas possible de s’entraîner à notre aréna de match, le Miami Arena, alors chaque matin, il fallait aller s’entraîner plus loin à Pompano, se souvient Bélanger. Ensuite, on allait à un hôtel pas trop loin de l’aréna en attendant que le match commence.

« Tout était différent, et notre aréna aussi était différent. C’était à Miami, dans un quartier que l’on disait dangereux… Quand il fallait sortir de là après les matchs, il y avait des policiers à chaque coin de rue qui nous indiquaient par où il fallait passer. Je te dirais que ce n’était pas dans mes habitudes de m’attarder dans ce coin-là de la ville ! »

« Le club est encore là »

Mais il n’y avait pas que des mauvais côtés au hockey dans le sud de la Floride, surtout quand venait le temps d’aller aux entraînements matinaux en plein mois de janvier. « Ça, c’était le gros changement… Pour un gars de la Beauce, aller aux entraînements en bermudas pis en gougounes en plein hiver, c’était assez différent ! » 

Malgré cet aréna et ce quartier peu recommandable, malgré cet anonymat relatif qui a plombé le club à ses débuts et même plus tard aussi, voici quand même que 30 ans plus tard, les Panthers sont toujours là. Avec la différence qu’ils patinent maintenant dans un quartier plus cossu à Sunrise, et avec la différence qu’ils gagnent, enfin, au point de prendre part à la deuxième finale de leur existence.

Bélanger n’est pas tant surpris.

« Même à nos premières années dans le vieil aréna à Miami, il y avait du monde qui venait à nos matchs… On voyait souvent des gens du Québec ; je me rappelle, quand le Canadien venait jouer contre nous, je reconnaissais du monde de la Beauce dans les gradins ! Alors on a toujours eu un bon public.

« En même temps, j’ai regardé des matchs des Panthers à la télé lors des dernières saisons, et je voyais des bancs vides à l’écran. Mais le club est encore là. Les Panthers nous ont invités, nous, les gars de la première saison, lors du 25e anniversaire du club, et j’ai bien constaté qu’ils jouent dorénavant dans un bel aréna… en tout cas, si on le compare avec le nôtre ! »

Bélanger sera donc un téléspectateur très attentif lorsque la finale de la Coupe Stanley va s’amorcer à Vegas samedi soir, entre les Golden Knights et les Panthers. D’abord parce qu’il demeure un fan des Panthers après toutes ces années, mais aussi parce qu’il a lui-même déjà joué au hockey dans le désert, ayant été un membre du Thunder de Las Vegas de la défunte Ligue internationale, à la fin des années 1990.

« On jouait devant environ 3000 ou 4000 personnes dans un vieil aréna quand j’étais là, se souvient-il. J’ai trouvé ça bizarre quand la Ligue nationale a accordé un club de l’expansion à Vegas il y a quelques années, je me disais que ça n’allait pas fonctionner… mais finalement, ça a l’air de bien aller ! »