(Québec) La Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) promet de mettre en place un nouveau processus « indépendant », qui ne sera pas affilié au circuit, par lequel tout joueur qui se croit victime de gestes violents ou déplacés pourra porter plainte.

Le président du conseil d’administration des Saguenéens de Chicoutimi et président de l’Assemblée des membres de la LHJMQ, Richard Létourneau, a affirmé que ce nouveau processus, ou comité (il a utilisé les deux termes), sera créé à temps pour la prochaine saison de hockey. Pour l’instant, les plaintes acheminées à la LHJMQ sont traitées par une employée du circuit.

M. Létourneau répondait jeudi par visioconférence aux questions des parlementaires chargés d’étudier le phénomène de bizutage au hockey junior et dans les autres sports. Dans son témoignage, il a défendu sa ligue et les nombreux mécanismes, accompagnements et formations qui sont mis en place pour faire des jeunes joueurs de hockey des citoyens modèles.

Personne ne gagne quand un joueur de la LHJMQ subit ou pose des actes dégradants. Ni la victime, ni ses parents, ni sa famille d’accueil, ni son équipe, ni son entraîneur, ni son directeur général, ni son propriétaire, ni la ligue. […] [C’est la] responsabilité de l’ensemble de ceux que je viens de nommer, et pas seulement du commissaire, de tout mettre en œuvre pour que de tels gestes ne se reproduisent pas et que tous ceux qui se sont produits, hier ou il y a 30 ans, soient mis en lumière.

Richard Létourneau, président du conseil d’administration des Saguenéens de Chicoutimi et président de l’Assemblée des membres de la LHJMQ

Un récent jugement de la Cour supérieure de l’Ontario a révélé des témoignages d’anciens joueurs de ligues de hockey junior au pays qui ont décrit des actes violents subis lors d’initiations par le passé, comme des bâtons insérés dans l’anus, de la mutilation génitale et des victimes humiliées en étant aspergées d’urine ou d’excréments.

Devant les parlementaires à Québec, M. Létourneau a affirmé qu’il n’avait jamais été mis au fait de tels actes depuis qu’il gravite au sein de la LHJMQ. Il a aussi rappelé que les initiations étaient officiellement interdites par la ligue. Mardi, le commissaire par intérim, Martin Lavallée, a pour sa part annoncé qu’il avait déclenché une enquête indépendante concernant des allégations d’évènements « de nature sexuelle » qui seraient survenus dans les années 1990.

Mettre fin à « l’omerta »

Pour sa part, l’organisme Sport’Aide – qui offre des services d’aide en ligne et par téléphone pour les jeunes sportifs victimes de violence – a réitéré jeudi en commission parlementaire qu’il fallait mettre fin à « l’omerta » concernant les gestes inacceptables commis lors de certaines initiations et qui concernent tous les sports, pas juste le hockey.

Le directeur général de Sport’Aide, Sylvain Croteau, a lu le témoignage d’un ancien athlète, aujourd’hui dans la cinquantaine, qui démontre à quel point le bizutage dans le sport a des racines profondes.

J’ai pratiqué plusieurs sports, mais le hockey a été celui dans lequel j’excellais et sur lequel mes parents ont beaucoup investi. C’est connu et reconnu depuis longtemps que le sport et la violence sont malheureusement intimement liés. Mais la violence la plus destructrice et traumatisante est celle que j’ai subie, non pas d’un entraîneur ou d’un adversaire, mais de mes propres coéquipiers.

Extrait du témoignage d’un ancien hockeyeur lu par Sylvain Croteau, directeur général de Sport’Aide

« Finalement, je comprends aujourd’hui que cette saison cauchemardesque est l’une des raisons pourquoi j’ai refusé par la suite toutes les invitations reçues pour les camps de sélection d’équipes de la LHJMQ. Il n’était pas question de revivre ce harcèlement, cette humiliation et cette peur déjà vécus », conclut l’ancien athlète dans son témoignage lu en commission parlementaire.

Pour Sport’Aide, « cette citation souligne aussi une composante importante des initiations abusives qui est l’omerta les entourant ».

« Une statistique frappante sur le sujet rapporte que 12 % des athlètes disent avoir vécu une initiation abusive, alors que 80 % décrivent avoir vécu pendant leurs initiations des comportements pouvant être classés comme abusifs. La discrépance entre ces deux statistiques s’explique notamment par la banalisation des comportements abusifs lors des initiations en contexte sportif », affirme l’organisme.

Au cours des prochaines semaines, les députés qui ont siégé à la commission parlementaire remettront un rapport qui sera lu par la ministre responsable du Sport, Isabelle Charest. Face aux témoignages qui ont secoué le monde du hockey ces dernières semaines, Mme Charest a promis de revoir les mécanismes existants de traitement des plaintes.