La victime de l’une des plus célèbres bagarres de l’histoire du hockey junior ne sait toujours pas sur quel pied danser avec cet aspect critiqué du sport, alors même que la ligue dans laquelle il jouait s’efforce de les éliminer.

Le DBobby Nadeau était gardien de but pour les Saguenéens de Chicoutimi de la Ligue de hockey junior majeur du Québec en 2008 lorsqu’il a été attaqué par le gardien de but auxiliaire des Remparts de Québec, Jonathan Roy, lors d’un match de séries éliminatoires.

Le fils de Patrick Roy a patiné sur toute la longueur de la patinoire et a frappé Nadeau, qui n’a pas été blessé, et n’a pas riposté. Par la suite, Roy a plaidé coupable à une accusation de voies de fait, mais a obtenu une absolution inconditionnelle qui lui a permis de ne pas avoir de casier judiciaire.

Cet incident et ses retombées ont mis en lumière la violence au hockey, et le premier ministre de l’époque, Stephen Harper, a été l’un des premiers à s’en mêler.

Une quinzaine d’années plus tard, les propriétaires des équipes de la LHJMQ ont accepté le mois dernier de bannir les bagarres de leur circuit qui, comme la Ligue de hockey de l’Ontario et la Ligue de hockey de l’Ouest, s’adresse principalement aux joueurs âgés de 16 à 20 ans sous l’égide de la Ligue canadienne de hockey.

« Je ne sais pas vraiment quoi penser », a déclaré cette semaine Nadeau, qui est maintenant dentiste à Kingston, en Ontario, lors d’un entretien avec La Presse canadienne. « Nous voulons progresser dans la bonne direction. Avant de trouver les réponses, il est important de poser les bonnes questions. »

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Bobby Nadeau, en 2008

Un joueur qui laisse tomber les gants dans la LHJMQ se voit imposer une inconduite supplémentaire de 10 minutes en plus de la pénalité habituelle de cinq minutes depuis 2020, à la suite d’une demande du gouvernement du Québec.

« Je ne suis pas en faveur de l’abolition totale des bagarres, a déclaré M. Nadeau. J’ai toujours tenu pour acquis qu’il y avait des bagarres. Mais d’une certaine manière, je pense que cela pourrait faire partie du problème du progrès et de l’évolution – que vous ne voulez pas sortir du statu quo.

« Il est important d’aller sur le terrain et de commencer au moins à réfléchir à ces questions. »

Maxime Blouin, porte-parole de la LHJMQ, a déclaré que la ligue avait constaté une réduction significative des bagarres depuis 2020 et qu’elle réagissait ainsi aux appels d’Isabelle Charest, la ministre responsable des sports au Québec.

« Il est écrit noir sur blanc dans notre règlement que les bagarres sont interdites, a déclaré M. Blouin lors d’une entrevue. Nous penchons vers des sanctions plus sévères. »

La place des bagarres

Les bagarres sont autorisées dans les ligues professionnelles d’Amérique du Nord, y compris la LNH, tandis que l’OHL et la WHL ont pris des mesures pour les réduire au cours des dernières années.

Les porte-parole des deux autres ligues juniors majeures du Canada ont déclaré que leurs représentants n’ont pas été impliqués dans des conversations similaires à celles qui se déroulent dans la LHJMQ.

Blouin ajoute que toute nouvelle décision concernant les bagarres ne sera pas confirmée avant la fin de la présente saison. La ligue étudie également différents scénarios dans l’espoir d’en arriver à un cadre de travail pour modifier les sanctions, qui pourraient inclure des inconduites automatiques et/ou des suspensions.

Malgré son histoire personnelle, Nadeau n’est pas d’accord avec l’idée de retirer complètement du hockey un élément qu’il considère encore comme justifié dans certaines conditions.

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Bobby Nadeau et Jonathan Roy

« Cela pourrait mener à plus de jeux vicieux, a déclaré l’homme de 34 ans originaire de Lac-Etchemin, au Québec. Est-ce que cela amènera les joueurs à se sentir plus courageux avec leur bâton ? »

Nadeau aimerait également que d’autres comportements dangereux sur la glace soient punis plus sévèrement.

« Est-ce que cela va éliminer complètement les bagarres ?, a-t-il déclaré. Peut-être que ce sera à une fréquence moindre. Mais si les bagarres deviennent illégales, il serait tout aussi important de punir les coups bas et les coups à la tête. »

La LHJMQ a mis sur pied un comité composé d’entraîneurs, de directeurs généraux et de propriétaires afin d’examiner les prochaines étapes, mais Nadeau aimerait que les joueurs, tant juniors que professionnels, soient impliqués dans le débat.

« Nous avons souvent des décideurs qui essaient de prendre des décisions sans consulter les gens, a-t-il déclaré. Les joueurs, qu’en pensent-ils ? »

Blouin, qui a indiqué qu’entre 5 et 10 % des commotions cérébrales survenues dans la LHJMQ étaient le résultat de bagarres, a déclaré que la sécurité était la priorité numéro un.

« Le hockey d’aujourd’hui n’en est plus un de combats, a-t-il déclaré. C’est une question de vitesse et d’habileté.

« C’est vraiment ce sur quoi nous voulons construire notre ligue – les habiletés des joueurs. »

Nadeau, quant à lui, a de la sympathie pour les anciens joueurs qui ont des problèmes de santé imputés aux combats. En tant que membre de la profession médicale, il aimerait que des liens soient établis grâce à des données.

« Il est très important d’analyser correctement la situation, a-t-il déclaré. Est-ce le combat ? Ou est-ce la mise en échec qui conduit à ce traumatisme crânien potentiel ? Ou y a-t-il d’autres facteurs ?

« Il est important de déterminer sans aucun doute que ce sont les combats qui entraînent ces conséquences avant de prendre la décision de les abolir. »