(Québec) Les auteurs d’un rapport commandé par la Ligue canadienne de hockey (LCH) au sujet d’initiations violentes dans le hockey junior ont été surpris « par le manque d’intérêt » des dirigeants de la ligue, qui n’ont posé aucune question sur les conclusions de leur enquête et qui ont mis 14 mois avant de dévoiler leurs recommandations.

Le 3 février dernier, la Cour supérieure de l’Ontario a rejeté une demande d’action collective qui avait été déposée par trois plaignants au nom des 15 000 joueurs ayant évolué depuis 50 ans dans l’une des équipes de la Ligue junior de l’Ouest (WHL), de la Ligue junior de l’Ontario (OHL) ou de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ).

Le juge a refusé de recevoir l’action collective pour des raisons techniques, mais il n’a pas remis en doute la véracité des témoignages. On y décrit entre autres des actes liés à des joueurs mineurs qui font état de bâtons insérés dans l’anus, de mutilation génitale et de victimes humiliées en étant aspergées d’urine ou d’excréments.

Face à cette demande d’action collective, la LCH a mandaté l’ex-joueur Sheldon Kennedy, l’ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick Camille Thériault et l’ex-entraîneuse Danièle Sauvageau pour évaluer la situation. Leur rapport, soumis à l’automne 2020, notait une « culture systémique de mauvais traitements » et une « culture du silence » qui empêche les joueurs de porter plainte. On leur avait toutefois interdit, dans le cadre de leur mandat, de poser des questions en lien avec des cas d’agressions sexuelles et physiques.

Quand les auteurs du rapport ont présenté leurs conclusions à la LCH, « ils ont été surpris par le manque d’intérêt », a affirmé M. Thériault, mercredi, qui répondait aux questions des parlementaires québécois chargés d’étudier le phénomène des initiations violentes dans le monde du sport.

« Aucune question ne nous a été posée lorsqu’on a fait la présentation [à la Ligue] », a-t-il précisé.

« Il fallait qu’on arrête de débattre si oui ou non il y avait des problèmes de maltraitance dans le hockey junior. Il y en a. Il fallait passer à l’action. Pour moi, la déception […] c’était la non-urgence de la Ligue canadienne de montrer aux gens le travail qui avait été fait et les pistes de solution pour leur donner un coup de main », a ajouté M. Thériault.

La coautrice du rapport, Danièle Sauvageau, s’est aussi montrée peu impressionnée par l’engagement pris le mois dernier par l’ex-commissaire de la LHJMQ Gilles Courteau. Ce dernier a affirmé que sa ligue voulait implanter dès la saison 2023-2024 un « code du vestiaire », que toute personne ayant accès au vestiaire des joueurs devrait respecter pour être admise.

« Le code du vestiaire, ça veut dire que ça reste dans le vestiaire. Je pense que ça prend un code de vie qui dépasse justement le vestiaire pour faire en sorte que les comportements qui vont être dans le vestiaire vont être aussi sur la patinoire et à l’extérieur », a-t-elle dit.

Mme Sauvageau, une ancienne entraîneuse, a également affirmé qu’elle n’avait jamais été témoin d’initiations violentes dans le hockey féminin.

La Santé publique souhaite « un grand chantier »

En commission parlementaire, mercredi, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a pour sa part plaidé pour la mise en place d’un « grand chantier » sur les comportements violents dans le monde du sport qui réunirait à la fois les familles des joueurs, le milieu de l’éducation et les municipalités.

Les experts en santé publique souhaitent que les cas allégués d’actes violents soient recensés de la même façon dans toutes les ligues afin de pouvoir documenter et étudier ce phénomène.

Dans son mémoire, l’INSPQ rappelle que « la violence a des effets souvent terribles sur la santé physique et psychique de ceux qui la subissent » et que ces derniers « transmettront même parfois leurs blessures à leurs proches ou à leurs enfants ».

« Bien que les gestes de violence puissent être posés par différents types de personnes, il semble que la majorité de la violence interpersonnelle vécue par les sportifs ou les athlètes provienne des pairs sportifs ou athlètes (coéquipiers ou adversaires) et qu’elle survienne dans différents contextes, notamment […] dans le cadre d’initiations sportives », poursuivent les experts en santé publique.

« Une méta-analyse portant sur l’intimidation et le bizutage vécus par des athlètes a démontré que les personnes victimes sont à risque de développer des problèmes de santé physique et psychologique [comme la] dépression, l’anxiété, les troubles alimentaires, les symptômes de stress post-traumatique et les idéations suicidaires », ont-ils ajouté.

Mardi, en commission parlementaire, le commissaire par intérim de la LHJMQ, Martin Lavallée, a également affirmé que la Ligue avait déclenché une « enquête indépendante » concernant des allégations d’évènements « de nature sexuelle » qui seraient survenus dans les années 1990.

« Lorsque nous avons été informés de la situation, nous avons procédé à une quête d’information, qui nous a amenés à mettre en place une enquête indépendante pour nous assurer d’aller au fond des choses », a-t-il dit.