(Boston) L’entraînement des Bruins de Boston tire à sa fin en ce mercredi midi, dans leur grandiose complexe en périphérie de la ville. Un exercice court, au lendemain de leur 54victoire de la saison.

La séance se conclut comme partout ailleurs par des étirements au centre de la patinoire. Le Québécois A.J. Greer est l’heureux élu au milieu du cercle, peut-être un signe annonciateur d’un retour jeudi, allez savoir.

Les étirements terminés, Patrice Bergeron amorce sa tournée. Il va voir chaque joueur, l’un après l’autre, pour un poing-à-poing. Les deux gardiens ont droit à de bons coups de bâton sur les jambières, et le susmentionné Greer, à un peu plus d’amour que les autres.

« Quand tu vieillis, tu apprécies encore plus les petites choses, a expliqué Bergeron aux deux journalistes montréalais présents dans le vestiaire des Bruins par la suite. Je parle souvent de rester dans le moment présent. Cette année, c’est un plaisir de venir à l’aréna chaque jour. »

Un chapitre de l’histoire des Bruins pourrait se clore cette année.

Bergeron refuse de s’avancer sur son avenir, mais le fait qu’il joue désormais en vertu d’un contrat d’un an, signé à un mois du début des camps d’entraînement, est un rappel que le Québécois y va désormais une année à la fois. Idem pour son coéquipier David Krejci, dont le retour a aussi été annoncé le 8 août, également avec un contrat d’un an.

PHOTO DERIK HAMILTON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

David Krejci

À respectivement 37 et 36 ans, Bergeron et Krejci occupent les 7e et 10rangs parmi les attaquants les plus âgés de la LNH. Comme Phil Esposito et Bobby Orr il y a 50 ans, ils seront associés à un âge d’or des Bruins. Depuis qu’ils font équipe, ils ont mené les Bruins à la conquête de la Coupe Stanley en 2011, à deux autres finales en 2013 et en 2019.

Bergeron s’est établi dans la LNH en 2003, et Krejci l’a rejoint à temps plein en 2008. Depuis cette date, les Bruins arrivent au 1er rang du circuit avec une fiche de ,649, devant les Capitals de Washington (,638) et les Penguins de Pittsburgh (,634). En séries, seul le Lightning (95) a remporté plus de matchs que les Bruins (90).

Leur impact sur le groupe est immense. Le respect, le professionnalisme, la façon dont ils aident les autres à être meilleurs… Les Bruins ont connu du succès et c’est grâce à eux. Ils ont créé une culture et mon travail est facilité par ces deux gars-là.

Jim Montgomery, entraîneur-chef des Bruins

Bergeron et Krejci n’ont connu que les Bruins dans la LNH. Krejci a quitté Boston la saison dernière, mais c’était pour jouer à la maison, en République tchèque.

Un parallèle avec Montréal

Tom Brady, Kiss et Jacques Rougeau ont annoncé leur retraite avant de revenir sur leur décision. Dans le vestiaire des Bruins, on ne compte toutefois pas sur un tel dénouement.

Leurs coéquipiers semblent bien conscients que cette saison 2022-2023 pourrait être la dernière des deux centres.

« J’y pense depuis le début de l’année, a dit Charlie McAvoy. C’est important de ne pas gaspiller de moments, d’essayer d’être présent en tout temps, sans savoir quels sont leurs plans. Si c’est leur dernière saison, il faut que ce soit aussi spécial que possible.

« On veut donc jouer pour ces deux-là, en raison de ce qu’ils signifient pour cette ville et cette équipe. Ce sont deux gars qui élèvent le niveau de motivation de tout le monde. »

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Les Bruins à l’entraînement mercredi

« Personne ne veut les laisser tomber. Ça pourrait être leur dernière année et on est conscients de la pression qu’ils s’imposent, ajoute l’attaquant Pavel Zacha, compatriote de Krejci. Ils acceptent cette pression et essaient d’aider tout le monde à atteindre le but commun. »

La situation n’est pas sans rappeler le Canadien de la saison écourtée 2021. De l’extérieur, il était difficile de croire que la fin de Carey Price et de Shea Weber était si près, mais leurs coéquipiers semblaient comprendre qu’ils pouvaient offrir un cadeau de retraite aux deux vétérans. Et c’est ainsi qu’une équipe pas exactement la meilleure sur papier s’est rendue à trois victoires de la Coupe Stanley.

Les circonstances ici sont différentes, principalement parce que les deux vétérans en question n’ont pas de contrat valide jusqu’en 2026, mais l’esprit y ressemble drôlement.

Un capitaine qui s’assume

Quoi qu’il en soit, si Bergeron et Krejci en sont à leurs derniers milles, ça ne se voit pas sur la patinoire.

Bergeron maintient le rythme offensivement (55 points en 70 matchs) et se dirige vers un sixième trophée Selke (meilleur attaquant défensif) si on se fie aux sondages informels menés par le collègue Greg Wyshynski, d’ESPN, depuis le début de la saison. Krejci compte quant à lui 54 points en 64 matchs.

Bergeron assume également ses responsabilités de capitaine avec l’aplomb attendu. Pavel Zacha en sait quelque chose. L’attaquant a été échangé des Devils du New Jersey aux Bruins le 13 juillet. À ce moment, Bergeron n’avait pas encore annoncé ses intentions pour la saison à venir, mais le Québécois avait néanmoins été « le premier » à le texter, et l’a appelé le lendemain.

« Quand il m’a texté, je lui ai demandé quels étaient ses plans et il ne le savait pas encore. Ç’a été annoncé un mois ou deux plus tard. Il ne m’avait pas dit grand-chose. Même s’il n’était pas revenu, j’aurais été content d’avoir eu cet appel d’un leader comme lui. C’était gentil qu’il pense à me texter et à m’appeler. »

Les frissons du coach

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L’entraîneur-chef des Bruins de Boston, Jim Montgomery

Avec déjà 54 victoires au compteur et 12 matchs à disputer, les Bruins sont en voie de connaître l’une des meilleures saisons de l’histoire de la LNH. Le Lightning de Tampa Bay de 2018-2019 et les Red Wings de Detroit de 1995-1996 partagent le record de victoires en une saison (62), une marque que le Canadien de 1976-1977, auteur de 60 triomphes, détenait auparavant. Tampa Bay et Detroit, rappelons-le, n’avaient toutefois pas remporté la Coupe Stanley ni même atteint la finale. « Notre objectif, ce sont les séries », a sagement rappelé Patrice Bergeron. Jim Montgomery, entraîneur-chef des Bruins qui a grandi à Montréal, a toutefois fléchi quand le confrère du Journal de Montréal Jean-François Chaumont lui a rappelé que les Bruins pouvaient dépasser le Canadien de Lafleur, Shutt et Nyrop. « Maintenant que tu en parles, j’ai des frissons à y penser, a admis Montgomery. C’est d’accumuler les victoires à un rythme que peu d’équipes ont atteint. Va-t-on réussir ? Ça serait bien. Va-t-on courir après le record ? Non. Mais si on joue de la bonne façon et qu’on demeure fidèles à notre processus, ça devrait se produire. »

Guillaume Lefrançois, La Presse