Les adversaires du Canadien jeudi soir, les Sabres de Buffalo, servent souvent d’exemple aux gestionnaires peu enclins aux reconstructions.

Malgré dix choix dans le top 10 depuis 2012, dont quatre parmi les deux premiers, et 16 choix dans le top 16, les Sabres n’ont pas participé aux séries depuis 2011.

Ce printemps-là, Jacques Martin dirigeait le Canadien. Mike Cammalleri, Brian Gionta et Scott Gomez formaient le premier trio. Andrei Kostitsyn portait encore l’uniforme du CH. Jean Charest était le premier ministre du Québec.

Le noyau des Sabres était constitué de Thomas Vanek, Drew Stafford, Jason Pominville, Tyler Myers et Ryan Miller. Patrick Lalime portait encore les jambières.

Buffalo semble enfin sur la bonne voie, mené par un directeur général patient, Kevyn Adams. Les Sabres ont remporté quatre de leurs six premiers matchs et leur défenseur numéro un, Rasmus Dahlin, entre dans son apogée. Il a amassé neuf points à ses six premiers matchs, et une fiche de +9.

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Rasmus Dahlin

Pourquoi Tampa et le Colorado, pourtant pires au classement en 2012 et en 2013, ont-ils soulevé la Coupe depuis, tandis que les Sabres espèrent seulement une participation aux éliminatoires ?

Voici trois erreurs majeures commises par les dirigeants des Sabres au cours de la dernière décennie.

1– De mauvais choix au repêchage

Le DG des Sabres au début de la décennie précédente, Darcy Rieger, a bien entrepris le virage vers la jeunesse. Il a accumulé les choix au repêchage entre 2012 et 2014. Buffalo a repêché cinq fois en première ronde et sept fois en deuxième ronde lors de ces trois cuvées. Le repêchage de 2012 a fait mal. Buffalo a choisi Mikhail Grigorenko au 12e rang et Zemgus Girgensons au 14e. On peut se tromper une fois dans le top 15, pas deux. Ils ont été préférés à Tom Wilson, Tomas Hertl, Teuvo Teravainen et Andrei Vasilevsiky, entre autres. Au moins, Grigorenko a servi d’appât dans l’échange pour Ryan O’Reilly quelques années plus tard.

L’année suivante, Rasmus Ristolainen au huitième rang a été préféré à Bo Horvat, Valeri Nichushkin et Josh Morrissey. Nikita Zadorov au seizième rang n’était pas le pire choix compte tenu de la faiblesse du repêchage.

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Rasmus Ristolainen

Sam Reinhart figurait au deuxième rang sur une majorité de listes en 2014 après une saison de 105 points en 60 matchs à Kootenay, dans la Ligue junior de l’Ouest. Reinhart a finalement explosé une fois en Floride, l’an dernier, mais avec le recul, les Sabres lui auraient évidemment préféré Leon Draisaitl.

Des sept choix de deuxième ronde au cours de cette période, seulement deux, J. T. Compher et Jake McCabe, se sont accrochés à la LNH, mais dans des rôles modestes. Comme quoi il ne faut pas seulement amasser les choix, mais bien choisir.

2– Trop pressés de gagner

Darcy Rieger n’a pas eu le temps de compléter son travail. Il a été congédié en 2013 par son propriétaire Terrance Pegula. Les successeurs de Rieger ont sans doute senti l’urgence de gagner puisqu’ils ont tous agi de la même façon.

Entre mars 2014 et juin 2015, le DG Tim Murray a multiplié les transactions afin de sauter des étapes. Il a offert de gros contrats aux vétérans Brian Gionta et Matt Moulson et cédé un choix de deuxième ronde au Canadien pour Josh Gorges puis, en février 2015, frappait le grand coup en cédant Brendan Lemieux, Joel Armia, Drew Stafford, Tyler Myers et un choix de première ronde aux Jets pour Evander Kane et Zach Bogosian.

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Brian Gionta, Josh Gorges et Ryan O’Reilly

Quelques mois plus tard, il cédait un choix de première ronde aux Sénateurs, pour le gardien Robin Lehner et David Legwand, le jour où il échangeait aussi Zadorov, Grigorenko, Compher et un choix de deuxième ronde pour Ryan O’Reilly. L’acquisition de O’Reilly aurait pu être brillante, mais cette collection de joueurs n’a jamais pu former une équipe. Personne n’avait eu le temps de grandir ensemble.

Jason Botterill a succédé à Murray en 2017 et il a poursuivi dans la même veine. Il a tiré un joli profit pour O’Reilly, son éventuel premier centre Tage Thompson et des choix de première et deuxième ronde, mais il a aussi pris des raccourcis également en cédant par la suite des choix de première ronde pour Brandon Montour et de deuxième ronde pour Colin Miller. Jeff Skinner a été acquis à prix d’aubaine, des choix de deuxième et troisième ronde, mais son contrat de 72 millions après sa saison de 40 buts a fait mal. Au final, il aura été nettement moins pire que Murray cependant.

3– Instabilité

Après le congédiement de Darcy Rieger en 2013, Buffalo a vu passer trois directeurs généraux, Murray, Botterill et Adams, cinq entraîneurs, Ted Nolan, Dan Bylsma, Phil Housley, Ralph Krueger et Don Granato, quatre capitaines, Steve Ott, Brian Gionta, Jack Eichel et Kyle Okposo, et sept gardiens numéro un, Jhonas Enroth, Chad Johnson, Robin Lehner, Linus Ullmark, Carter Hutton, Craig Anderson puis finalement Eric Comrie. Un seul est resté depuis tout ce temps, le propriétaire Terrance Pegula.

Le nouveau directeur général, Kevyn Adams, semble avoir les coudées franches. Il ne travaille comme aucun autre directeur général avant lui à Buffalo. Il a décidé de reconstruire pour vrai, sans compromis.

Pour Taylor Hall, Rasmus Ristolainen, Sam Reinhart et Jack Eichel, Adams a obtenu trois choix de première ronde, trois choix de deuxième ronde et le jeune gardien Devon Levi, Alex Tuch, premier compteur du club, et Peyton Krebs.

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Alex Tuch

Adams a nommé un nouveau responsable du recrutement amateur en 2021, Jerry Forton, à la place de Ryan Jankowski, désormais chez les Coyotes de l’Arizona. Adams a convaincu son patron de grossir son équipe de recruteurs au lieu de la diminuer, comme c’était le cas auparavant. Forton est appuyé par le réputé spécialiste des statistiques avancées Sam Ventura, le génie discret derrière les succès des Penguins.

Aucun des dix joueurs repêchés en première ronde par les Sabres depuis 2017 n’a été échangé. On n’a précipité l’entrée en scène de personne. Matthew Savoie, Noah Ostlund, Jiri Kulich et Isak Rosen, tous repêchés en première ronde ces deux dernières années, poursuivront leur développement dans leurs circuits mineurs respectifs. Seul Owen Power a été appelé à rejoindre l’équipe.

Le premier choix de 2020, huitième au total, Jack Quinn, a passé l’hiver au complet dans la Ligue américaine l’an dernier même s’il y a dominé outrageusement avec 61 points en 45 matchs.

Le Canadien affrontera un club sur la bonne voie jeudi soir.

Dur coup pour les Sénateurs…

La nouvelle a eu l’effet d’une bombe à Ottawa. Le premier centre de l’équipe, Josh Norris, pourrait ne plus jouer de la saison en raison d’une blessure à l’épaule. Norris, 23 ans, a amassé 55 points, dont 35 buts, en seulement 66 matchs l’an dernier. Heureusement, Tim Stützle semble prêt à atteindre le prochain plateau à seulement 20 ans, et Shane Pinto, qui lui aussi a dû rater une saison en entier, l’an dernier, constitue la révélation du début de saison à Ottawa avec cinq buts. L’acquisition du vétéran Derick Brassard, 35 ans, qui a mérité son poste au pic et à la pelle au camp d’entraînement, vaut désormais son pesant d’or. Mais dans une année où les Sénateurs espéraient enfin participer aux séries éliminatoires, la perte de Norris constitue un dur coup.

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