Jérôme Mésonéro a grandi à Lévis. Adolescent, jeune adulte, il allait voir jouer les Nordiques au Colisée de Québec. Aujourd’hui, 27 ans après le départ de l’équipe, son patron s’appelle Joe Sakic et il compte Alexei Gusarov et Curtis Leschychyn parmi ses collègues de travail.

On sent la nostalgie dans la voix de celui qui est recruteur amateur pour l’Avalanche du Colorado depuis 2014. Il était là pour le dernier match des Nordiques au Colisée, une victoire de 4-2 contre les Rangers de New York afin de repousser l’élimination, au premier tour en 1995.

« Je trouve ça drôle, parce que je dis toujours à Joe, à Curtis et à Goose [Gusarov] que j’ai vu leur premier match à Québec, et leur dernier, contre les Rangers. Les Nordiques, c’est l’équipe de mon enfance, raconte Mésonéro, au bout du fil, à Denver.

« Mon sentiment d’appartenance à l’organisation est plus profond que ma job. Je fais toujours la connexion avec les Nordiques. Et Joe le comprend, il le respecte. »

L’an passé, quand ils ont ramené l’uniforme rétro, ça a ravivé de beaux souvenirs.

Jérôme Mésonéro

C’est pourquoi la conquête de la Coupe Stanley par l’Avalanche est si spéciale pour Mésonéro. Il ne travaillait pas pour l’organisation lors des deux premières conquêtes. En 2001, la dernière fois que l’Avalanche a gagné, il était recruteur pour les Saguenéens de Chicoutimi.

Le voici maintenant avec le même poste, pour une équipe de la LNH, et pas n’importe laquelle. Gusarov, ancien défenseur des Nordiques, est recruteur amateur en Russie. Leschychyn, un autre défenseur repêché en 1988 par les Nordiques, est dépisteur professionnel.

Gusarov n’y était pas, mais plusieurs recruteurs étaient rassemblés, dimanche, dans un hôtel de Denver, pour regarder le sixième match. Le lendemain, ils étaient conviés à une fête et ont pu soulever la coupe Stanley, loin des projecteurs.

« Les anciens Nordiques, ça ajoute à la magie, poursuit Mésonéro. C’était magique. On s’est sentis… » Il cherche ses mots.

« On travaille tout le temps dans l’ombre. C’était un feeling incroyable. C’est rare qu’on est proches comme ça des joueurs ! »

Entorse à l’horaire

Conséquences des bouleversements de la pandémie de COVID-19, la Coupe Memorial et la finale de la Coupe Stanley sont disputées en même temps cette année. En temps normal, la grand-messe du hockey junior canadien se tient à la fin du mois de mai, pendant les finales d’association de la LNH. Beau dilemme pour un recruteur dont le travail consiste principalement à suivre la LHJMQ…

Mais il se l’est fait rappeler, son équipe qui a la chance de gagner la Coupe Stanley, « ça arrive une fois dans une vie ».

« Je devais aller à la Coupe Memorial, mais l’Avalanche a invité les dépisteurs à venir assister à la finale de la Coupe Stanley. En gros, l’équipe nous disait d’arriver quand on voulait. Je me suis donc dit que j’irais seulement une fois qu’on avait la chance de gagner la Coupe. »

L’Avalanche a gagné les deux premiers matchs de la série, à Denver. Notre homme s’est donc pris un billet d’avion en vue du quatrième match, billet annulé quand le Lightning a gagné le troisième match pour faire 2-1. Il s’est finalement rendu à Denver pour assister au cinquième match avec ses collègues.

On comprend qu’il a finalement sacrifié la Coupe Memorial. « Nos évaluations sont faites, ce bout-là du travail est terminé, explique-t-il. Si j’étais allé à la Coupe Memorial, j’aurais été là physiquement, mais pas mentalement. »

La mentalité du DG

Trois anciens de la LHJMQ font partie de l’édition championne de l’Avalanche. Il s’agit de Nathan MacKinnon, Samuel Girard et Nicolas Aubé-Kubel.

Du lot, seul MacKinnon a été repêché par l’organisation. Mais les rapports des recruteurs amateurs sont utiles quand vient le temps d’aller chercher les autres joueurs, surtout quand ils sont encore jeunes. Girard, par exemple, avait conclu son stage junior au printemps 2017, et l’Avalanche a fait son acquisition des Predators de Nashville sept mois plus tard, en novembre.

Précisons qu’un espoir de la LHJMQ, Justin Barron, a servi de monnaie d’échange pour l’acquisition d’Artturi Lehkonen. Certains recruteurs pourraient avoir un pincement de voir partir un espoir en qui ils ont investi des jours de travail, des kilomètres de route, afin de les suivre à la trace.

Mais Mésonéro était directeur général des Tigres de Victoriaville avant d’être embauché par l’Avalanche. Il peut donc se mettre dans la peau d’un DG et voir le portrait d’ensemble.

« Dans mon ancienne vie, j’en ai échangé, des joueurs ! rappelle-t-il. Je comprends que je ne peux pas m’attacher. Assembler une équipe, c’est un casse-tête. L’échange est arrivé au bon moment. C’est le fun, car tu vois le résultat tangible de ton travail. »

Une Coupe Stanley, c’est assez tangible, en effet.