(Ottawa) Le leadership « déficient, inapproprié, d’une autre époque » à Hockey Canada a poussé la ministre des Sports, Pascale St-Onge, à suspendre l’attribution de fonds fédéraux à l’organisation, éclaboussée par des allégations de viol collectif. Et si elle veut retrouver accès aux deniers publics, elle devra montrer patte blanche.

La pénalité a été annoncée mercredi, au surlendemain du témoignage de hauts dirigeants de l’organisation devant le Comité permanent du patrimoine canadien, à Ottawa.

On n’a pas obtenu beaucoup de réponses lors de cette comparution, mais ce qu’on a appris au sujet de leur gestion de l’évènement est extrêmement troublant et préoccupant.

Pascale St-Onge. ministre des Sports du Canada

Mme St-Onge n’a pas été tendre envers l’organisation, qu’elle avait accusée lundi de perpétuer la « culture du silence ».

« Il faut qu’ils arrivent en 2022, qu’ils changent la culture et qu’ils adoptent de meilleures pratiques », a lancé la ministre en point de presse au parlement, mercredi après-midi.

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Hockey Canada doit remplir deux conditions pour que le robinet des fonds fédéraux soit rouvert.

Dans un premier temps, l’organisation doit divulguer les recommandations du cabinet d’avocats torontois Henein Hutchison, qui a mené l’enquête indépendante, et « les détails concrets de [son] plan pour mettre en œuvre le changement ».

Ensuite, elle doit obtenir le statut de signataire auprès du Bureau du commissaire à l’intégrité dans le sport, qui a lancé la première phase de ses activités le 20 juin.

Tant que Hockey Canada ne se conformera pas à ces conditions, il « ne recevra plus aucun paiement ou nouveau financement de Sport Canada », a tranché la ministre.

L’annonce du gel avait d’abord été faite dans une entrevue à TSN, où la nouvelle a été publiée en premier.

À sa sortie de la salle de réunion du comité parlementaire, lundi soir, Pascale St-Onge n’avait pas fermé la porte à l’idée de couper les vivres à Hockey Canada, sans pour autant signaler son intention de vite passer à l’action.

Elle avait plutôt insisté sur l’importance de boucler l’audit financier déclenché après la révélation de l’affaire.

« Mon levier, pour faire le plus de lumière possible sur cette histoire, c’est l’audit financier qui est en cours […] On va poursuivre avec l’audit, et il n’y a rien qui est exclu », avait-elle affirmé.

Si le gouvernement a opté pour un gel plutôt que de carrément retirer son financement, c’est parce qu’il y a plus à Hockey Canada qu’une équipe masculine junior, a exposé la ministre. « Vous savez, il y a aussi une équipe de hockey féminine, des équipes paralympiques. Alors pour l’instant, il s’agit d’un gel […] Nous réévaluerons par la suite. »

Hockey Canada n’a pas réagi à l’annonce de cette sanction, mercredi, pas plus que le cabinet d’avocats Henein Hutchison.

Témoignages insatisfaisants

À la table du Comité permanent du patrimoine canadien, lundi dernier, aucun élu ne s’est montré satisfait des explications offertes par les hauts dirigeants de Hockey Canada.

Ils ont entre autres bondi en apprenant que l’organisation avait signé le chèque de l’entente à l’amiable au nom des huit anciens joueurs de la Ligue canadienne de hockey (LCH) dont l’identité n’est pas connue.

Nous avons assumé cette responsabilité parce que nous avons voulu respecter les vœux de la jeune femme, qui ne voulait pas être identifiée et qui ne voulait pas que les noms des joueurs soient rendus publics.

Scott Smith, président de Hockey Canada

Ils ont été choqués d’apprendre qu’aucun athlète n’avait été contraint de participer à l’enquête sur ces évènements remontant au printemps 2018, mais aussi, que d’autres cas d’allégation d’inconduite sexuelle par des joueurs sont survenus dans les cinq ou six dernières années.

À ce sujet, Mme St-Onge a exprimé ceci : « Je ne peux pas accepter que ce soit la norme dans nos organisations sportives nationales, et les Canadiens ne devraient pas non plus. »

Comme l’a d’abord rapporté le réseau TSN, un règlement à l’amiable est intervenu quelques semaines après que la victime présumée a engagé une poursuite de 3,55 millions contre huit ex-joueurs de la LCH, contre la ligue et contre Hockey Canada.

Enquête indépendante réclamée

À la Chambre des communes, mercredi, une motion déposée par le Bloc québécois réclamant qu’une enquête indépendante soit menée sur cette affaire a été unanimement approuvée.

On veut savoir « s’il s’agissait d’un évènement isolé ou s’il existe des lacunes dans la façon dont Hockey Canada traite les plaintes d’agressions sexuelles, de harcèlement sexuel et d’autres types d’inconduites qui lui sont rapportées », dit la motion.