(Denver) Une sage collègue a déjà dit à l’auteur de ces lignes, en deuil de la mort de l’un de ses chats, qu’adopter des animaux équivaut, en raison de leur courte espérance de vie, à s’assurer d’avoir le cœur brisé. À moins, bien sûr, d’adopter une baleine boréale ou une tortue des Galapagos.

Mais on s’écarte.

Partir à la recherche d’une trace de l’histoire des Nordiques à Denver, c’est un peu ça, aussi : la certitude d’en ressortir déçu, pour ne pas dire attristé.

Évidemment, au sein de l’équipe, on comprendra que 27 ans après le déménagement, il reste de moins en moins de rescapés de Québec. En fait, il n’en reste que deux : Matthew Sokolowski, thérapeute sportif en chef, qui a œuvré un an à Québec, de même qu’un relationniste devenu conseiller. On pourrait ajouter Joe Sakic, mais son lien d’emploi a été rompu pendant deux ans entre sa retraite comme joueur et son embauche comme conseiller et gouverneur.

Dans les corridors du Ball Arena, aucune photo de l’époque des Nordiques. Un confrère de Denver croit en avoir déjà vu près du vestiaire de l’Avalanche, mais ses souvenirs sont flous, l’endroit étant inaccessible aux journalistes depuis mars 2020.

Photo guillaume lefrançois, La Presse

Chandails retirés au Ball Arena, à Denver

Au plafond, nulle trace des numéros 3 (Jean-Claude Tremblay), 8 (Marc Tardif), 16 (Michel Goulet) et 26 (Peter Stastny). Le 8 pourrait bien s’y retrouver un jour, remarquez, mais ce sera avec le nom de Cale Makar.

Cela dit, l’Avalanche n’est pas la seule équipe à agir ainsi. En Arizona, on a permis à Ryan Dzingel et Anthony Duclair de porter le numéro 10 que Dale Hawerchuk avait à Winnipeg, avant le déménagement. Hawerchuk était toutefois immortalisé sur l’anneau d’honneur du Gila River Arena, d’où les Coyotes viennent d’être expulsés.

On passe à la boutique souvenir, et c’est là que l’on voit les premiers logos des Nordiques. Mais il faut chercher. Une écharpe, une paire de chaussettes, un coton ouaté… Le commis nous pointe une veste, dans un coin. Et les gilets officiels ? On en voit plein dans les gradins pendant les matchs !

« On n’en a plus. On en a reçu pendant la saison, et ça s’est vendu tellement rapidement », nous explique-t-il, claquant des doigts pour appuyer son propos.

Les mauvaises langues diraient que la nostalgie des Nordiques est valorisée quand elle fait vendre de la marchandise, mais n’allons pas là.

Puis, comme un cadeau du ciel, on découvre l’existence d’une rue nommée Quebec, à Denver. Clin d’œil aux Nordiques ? Façon cruelle de tourner le fer dans la plaie des anciens partisans de l’équipe ? Allons voir.

La rue Quebec n’est pas à la porte. Du centre-ville, une bonne trentaine de minutes en autobus sont nécessaires pour s’y rendre. Le trajet est néanmoins divertissant. Tout le monde se salue, semble se connaître.

Photo guillaume lefrançois, La Presse

À bord de l’autobus 43

Ah oui… et Shea Weber est échangé pendant le trajet. On doit encore une fière chandelle au confrère Simon-Olivier pour avoir assuré la relève, parce qu’une fois sorti de l’autobus, il fait si chaud que le téléphone est frappé d’un coup de chaleur, ce qui désactive certaines fonctions, comme l’internet. Bye, bye, visioconférence de Kent Hughes.

On se sent alors au summum de l’utilité au travail, perdu en banlieue, à 35 °C, en train de prendre en photo l’équivalent du boulevard Tricentenaire à Pointe-aux-Trembles, sur une rue qui n’a clairement aucun sacripant de lien avec Québec, pendant que de vraies nouvelles de hockey se passent.

Photo guillaume lefrançois, La Presse

Mail commercial de la rue Quebec

« La rue Quebec est située dans un secteur où les rues sont en ordre alphabétique, avec deux rues pour chaque lettre, nous explique Phil Goodstein, auteur et historien local. La première rue est nommée en l’honneur d’une personne, d’une figure littéraire ou d’un lieu géographique, et la deuxième, pour une plante. »

Les deux noms retenus ont donc été Quince (qui signifie « coing », le fruit du cognassier) et Quebec. « En raison de la rareté des lieux commençant par la lettre Q, le choix de Québec semble logique », poursuit M. Goodstein.

« Et c’est probablement une coïncidence, mais tout juste à l’est de la rue Quebec, sur le terrain d’une ancienne base militaire, il y a un secteur en revitalisation, qui comporte un gym et une patinoire de hockey. »

Notre trajet d’autobus nous a amené à plusieurs kilomètres au nord dudit secteur, donc pas de photo de l’aréna, malheureusement. La virée nous a toutefois fait connaître Station 26, la microbrasserie évoquée dans la carte postale de samedi. Au moins, la bière était bonne.

Photo guillaume lefrançois, La Presse