(Buffalo) Avant de devenir l’un des acteurs les plus en vue de sa génération, Dwayne Johnson a révolutionné la lutte professionnelle avec son personnage de The Rock. Une de ses phrases fétiches : « Know your role and shut your mouth. » Traduction libre : connais ton rôle et ferme-la.

À Gatineau, Tristan Luneau et Noah Warren ont assimilé 50 % du message de The Rock. Heureusement pour nous, ce n’est pas la deuxième partie, sans quoi les entrevues auraient été brèves.

Luneau et Warren sont donc de jeunes hommes bien loquaces, mais surtout, chacun connaît son rôle.

Résultat : les deux défenseurs des Olympiques font partie des meilleurs espoirs québécois en vue du prochain repêchage. La Centrale de recrutement de la LNH classe Luneau 24espoir nord-américain, 9 rangs devant Warren, un athlète impressionnant de 6 pi 5 po et 224 lb. Bref, ils ont de bonnes chances d’être réclamés dans les deux premiers tours.

La raison pour laquelle on insiste sur l’importance de connaître son rôle ? Les deux ados sont des défenseurs droitiers, au sein de la même équipe. Impossible, donc, qu’ils jouent au sein du même duo, ou qu’ils soient tous les deux de la première vague de l’avantage numérique. Quand on sait à quel point certains jeunes (et leur entourage, disons-le) sont obsédés par les points et le temps de jeu à l’approche du repêchage, on comprend que la situation aurait pu être délicate.

Sauf que Luneau et Warren ont des identités distinctes et ils en sont bien conscients.

Luneau a donc terminé la saison avec 43 points (12 buts, 31 aides) en 63 matchs et a été l’arrière le plus productif des Gatinois. Ses statistiques auraient pu être supérieures s’il n’avait pas été opéré à un genou pendant la dernière saison morte.

« Ma plus grande qualité a toujours été ma vision et mon QI de hockey, estime-t-il. Je regarde beaucoup de hockey, j’étudie des défenseurs et j’aime parler aux coachs. »

Warren, lui, a amassé 24 points, dont 5 buts. Sa plus grande fierté ? Jouer dans la première unité du désavantage numérique. « C’est un honneur de faire ça », ajoute-t-il. Ses modèles ? K’Andre Miller, des Rangers de New York, et Brandon Carlo, des Bruins de Boston. « Deux gars grands, bons patineurs, robustes, qui sortent bien la rondelle », décrit-il.

PHOTO DOMINIC CHARETTE, FOURNIE PAR LES OLYMPIQUES DE GATINEAU

Noah Warren

Luneau en rajoute.

« Le fait qu’on soit aussi différents, ça a aidé, estime le natif de Victoriaville. Comme on a des rôles différents, on a poussé chacun de notre bord pour s’améliorer. Noah est l’un des meilleurs coéquipiers que j’ai eus. Il pourrait jouer en avantage numérique dans le junior, il a le talent pour ça, mais il sait que ça ne sera probablement pas son rôle dans la LNH, donc il aime mieux perfectionner son style et il l’accepte. Je respecte totalement ça. »

Pour Louis Robitaille, entraîneur-chef et directeur général des Olympiques, le travail a commencé au repêchage de la LHJMQ en 2020.

« Je comprenais que pour bâtir une équipe gagnante, on ne peut pas juste avoir une supervedette. On a besoin de plusieurs éléments, rappelle Robitaille au bout du fil. Les jeunes d’aujourd’hui veulent avoir un rôle prédéfini avant d’arriver. Mon travail a été de faire comprendre au clan Luneau et au clan Warren quelle était la chaise de chacun.

« La journée du repêchage, j’ai appelé Noah et je lui ai demandé : “Quelles sont tes forces ?” Et il m’a dit : “Je suis gros, je suis capable de défendre et je vais apporter de l’attaque avec mon jeu simple.” Ça a confirmé mon choix. On a repêché Tristan au 1er rang et on s’est avancés pour repêcher Noah au 8rang. »

La cohabitation entre les deux espoirs s’est donc bien déroulée. On pourrait même avancer comme hypothèse qu’elle a donné davantage de visibilité aux deux jeunes, de même qu’à leurs coéquipiers Samuel Savoie (attaquant, 90espoir nord-américain) et Antonin Verreault (attaquant, 140e).

C’est que lorsque vient le temps de choisir à quel match assister, certains recruteurs vont prioriser le match leur permettant d’épier davantage d’espoirs.

Déjà un modèle

Noah Warren n’est pas encore repêché, mais il comprend déjà l’influence qu’il peut avoir. « L’autre jour, j’assistais au match de mon frère. Un gars, un petit Noir, est venu me voir pour me dire qu’il avait aimé ce que j’avais fait avec la LHJMQ pour le Mois de l’histoire des Noirs », raconte-t-il, un brin gêné. Il fait ici référence à une vidéo faite avec sa mère, Magalie Boutin, publiée en février dernier. Warren assure ne jamais avoir été au cœur d’un incident raciste dans la LHJMQ, mais en a vécu auparavant, notamment dans le midget AAA, de la part d’un coéquipier… Lui et son coéquipier Emanuelson Charbonneau étaient visés. « On était fâchés, on a été voir le coach et le directeur de l’école. Au début, on ne voulait pas le dire, on voulait s’arranger avec le gars. Ça ne marchait pas, on s’est dit qu’on allait en parler. Il a eu des conséquences. »

Regardez la vidéo

Le hockey ou la science ?

Tristan Luneau, lui, a bien failli ne jamais jouer dans la LHJMQ puisqu’il s’était engagé auprès des Badgers de l’Université du Wisconsin, dans la NCAA. Mais il a finalement opté pour le hockey junior canadien. Il admet d’ailleurs que si une carrière au hockey avait été impossible, il aurait opté pour le domaine des sciences, comme l’ont fait son père et son frère. « Mon père est ingénieur chimique dans l’industrie des pâtes et papiers. Et mon frère est en biochimie de la santé, dans le domaine pharmaceutique. Il me parle d’enzymes non digestives pour les insectes, qu’on peut digérer, et qui remplaceraient les pesticides. C’est de la grosse science ! », lance-t-il en riant.

En savoir plus
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    Noah Warren est classé 33e parmi les espoirs nord-américains.
    SOURCE : Centrale de recrutement de la LNH