En juin 2004, les Capitals de Washington faisaient de l’ailier Alex Ovechkin leur premier choix au total. Au deuxième rang, les Penguins de Pittsburgh allaient se rabattre sur le centre Evgeni Malkin.

Ovechkin pourrait rejoindre Wayne Gretzky au premier rang des meilleurs buteurs de tous les temps et il a contribué à donner une Coupe à Washington.

Malkin, lui, est devenu l’un des meilleurs centres de sa génération avec 1146 points en seulement 981 matchs, trois Coupes Stanley, deux championnats des compteurs, un trophée Hart (joueur par excellence) et un trophée Conn-Smythe (remis au joueur par excellence en séries).

Quatre ans plus tard, le centre Steven Stamkos était repêché au premier rang par le Lightning et le défenseur Drew Doughty deuxième par les Kings de Los Angeles. Stamkos approche la marque des 500 buts et tente de remporter une troisième Coupe Stanley consécutive. Doughty a gagné deux Coupes Stanley à Los Angeles et a été parmi les finalistes au trophée Norris (meilleur défenseur) à trois reprises. Il en a remporté un.

John Tavares est le meilleur buteur de la cuvée 2009 avec bientôt 400 buts, Victor Hedman, choisi après lui au deuxième rang, a déjà une place au Temple de la renommée.

Les Sabres de Buffalo et les Hurricanes de la Caroline semblent bien heureux de leurs choix respectifs, Rasmus Dahlin et Andrei Svechnikov.

Et pourtant, on assiste désormais à un débat très polarisant sur l’identité du premier choix du Canadien à un peu plus d’un mois du repêchage du 7 juillet.

Au lieu de vanter deux excellents jeunes joueurs de hockey, le centre Shane Wright et l’ailier Juraj Slafkovsky, selon toute vraisemblance les deux principaux candidats au titre de numéro un, de nombreux fans semblent vouloir prendre un parti de façon tranchante. Et si on ne les voyait pas tout simplement comme deux excellents choix, avec chacun leurs qualités et leurs défauts ?

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DE HOCKEY SUR GLACE

Juraj Slafkovsky

Mais à moins d’une cuvée avec Connor McDavid ou Sidney Crosby, il n’y a jamais de choix sûrs. On peut minimiser les risques, mais des choix absolument sûrs ?

Ryan Nugent-Hopkins était considéré comme sûr en 2011. Il est devenu un très bon centre à Edmonton. Mais pas le meilleur de sa cuvée.

Nico Hischier était un choix sûr en 2017 également. Et à 23 ans il vient de connaître une splendide saison au New Jersey avec 60 points en 70 matchs, tout en brillant défensivement. Avec le recul, les Devils auraient sans doute opté pour le défenseur Cale Makar, mais on ne peut cracher sur leur choix. D’autant plus que Makar n’était pas un choix sûr. Son plafond était énorme, mais il jouait dans la Ligue junior A de l’Alberta en attendant de joindre la NCAA et il était classé au dixième rang seulement par la Centrale de recrutement de la LNH, derrière les Nolan Patrick, Cody Glass, Gabe Vilardi, Casey Mittelstadt, Michael Rasmussen, Owen Tippett, Eeli Tolvanen.

Kent Hughes et le Canadien sont placés dans un dilemme un peu semblable cette année. Shane Wright constitue un choix plutôt sûr. Il a obtenu le statut de joueur exceptionnel à 15 ans dans la Ligue junior de l’Ontario, c’est un centre complet qui a tout de même amassé 94 points en 63 matchs cette saison à Kingston.

Au plan statistique, il est passé d’une moyenne de 1,14 point par matchs à 1,49. Il s’agit d’un bond appréciable, mais sur deux ans, entre l’âge de 15/16 ans à 17/18 ans à cause de la saison perdue par la pandémie. Et il est difficile de mesurer avec précision l’impact de cette saison perdue sur son développement.

Il était déjà costaud à 6 pieds et 179 livres à sa première saison dans les rangs juniors. Il fait désormais 6 pieds 1 pouce et 191 livres. On prendra aussi ce facteur en considération.

Wright a de belles qualités. C’est un grand leader. Son QI hockey est très élevé. Il est responsable défensivement. Il possède un excellent tir et son coup de patin se situe au-dessus de la moyenne.

Mais certains recruteurs vont lui reprocher son manque d’engagement par moment (sa finale au Championnat mondial des moins de 18 ans contre la Russie a frappé l’imaginaire de certains dépisteurs) et il n’a pas été transcendant en séries éliminatoires de la Ligue de hockey junior de l’Ontario récemment.

À sa défense, le jeu de transition des Frontenacs de Kingston laissait à désirer et il devait souvent se charger du travail pour des défenseurs trop peu doués pour le faire avec efficacité.

La question que se posent sans doute Kent Hughes et le Canadien à l’heure actuelle : quel sera le plafond de Shane Wright ? Deviendra-t-il un Nugent-Hopkins ou un Nico Hischier, ou peut-il aspirer à une carrière à la Nathan MacKinnon ? Nul ne le sait vraiment.

Mais si on veut jouer de prudence et obtenir au pire un deuxième centre dans la LNH, quitte à en laisser passer un meilleur, Shane Wright constituera le choix du CH.

Juraj Slafkovsky a toujours été considéré comme l’un des bons candidats pour cette cuvée, mais sa cote a monté davantage depuis les Jeux olympiques, où il a marqué sept buts en autant de rencontres. Mais le calibre était faible à ces Jeux, privés des joueurs de la LNH.

Ses neuf points en huit matchs obtenus au Championnat du monde sont plus révélateurs. Ses détracteurs arguent qu’il n’a pas produit contre la Finlande et le Canada, mais plutôt face à l’Italie, la France et le Kazakhstan. Et les statistiques leur donnent raison.

Mais en l’observant avec minutie lors de ces matchs contre la Finlande et le Canada, on remarque un ailier de puissance de 6 pieds 4 pouces et 220 livres qui a multiplié les occasions de marquer (cinq tirs contre le Canada et quatre face à la Finlande), un ailier qui, malgré ses 18 ans depuis avril, gagnait la majorité de ses batailles le long de la rampe, n’hésitait jamais à foncer au filet adverse et à mettre à profit son très bon tir.

Il ne craint pas de transporter la rondelle, c’est sa marque de commerce, et il attaque la zone adverse par le centre comme par les côtés.

Slafkovsky était opposé systématiquement aux paires de défenseurs composées de Miro Heiskanen et Esa Lindell (des Stars de Dallas) contre la Finlande et de Thomas Chabot et Zach Whitecloud contre le Canada.

Et même si le tournoi aurait pu entrer dans les jambes d’un garçon de 18 ans après plusieurs matchs de vive compétition, l’entraîneur Craig Ramsay, qui a vu neiger, n’a pas hésité à l’employer plus de 20 minutes lors de la dernière rencontre, en quarts de finale, contre la Finlande, deuxième joueur de plus utilisé de l’équipe, toutes positions confondues.

Généralement, les joueurs de 18 ans ne sont pas transcendants lors des Championnats du monde. Même Leon Draisaitl n’avait pas dominé en 2014 (prenez garde, on ne compare pas les deux joueurs ici !). Et contrairement aux apparences, Kaapo Kakko a produit à ce championnat à son année de repêchage, mais offert un jeu inachevé dans l’ensemble (1 but à ses 8 derniers matchs, 11 minutes d’utilisation en finale).

Mais Slafkovsky suscite des doutes également. Il a été ordinaire en Liiga en Finlande cet hiver. Pas seulement au plan statistique (seulement dix points, dont cinq buts, en 31 matchs), mais il semblait souvent perdu sur la glace.

Il a parfois tendance à ne pas prendre les bonnes décisions avec la rondelle, par exemple à tenter de battre deux défenseurs au lieu de chercher les espaces libres pour des coéquipiers. Mais ses défauts sont moins criants sous Craig Ramsay.

En défense, il n’est pas un gros facteur de par sa position d’ailier, mais il ne nuit pas non plus et il peut libérer efficacement la rondelle de sa zone en raison de sa force physique le long des rampes.

Slafkovsky est une bête spéciale. Il ne craint personne et même s’il était le plus jeune de son club, il exigeait la rondelle et voulait faire la différence dans les moments cruciaux au Championnat du monde. On raconte qu’il s’est levé dans le vestiaire après une première période plutôt difficile de la Slovaquie pendant le tournoi et qu’il a rallié les troupes.

Mais quel est le véritable Juraj Slafkovsky ? Celui du Championnat mondial ou de la Liiga ? Et quel est le plafond de Shane Wright ?

Voilà pourquoi le Canadien se donnera jusqu’à la toute fin du processus pour étudier les principaux candidats sous toutes leurs coutures. Il faut s’attendre en toute logique à ce que Kent Hughes confirme cette façon de procéder lorsqu’il rencontrera les médias à Buffalo mardi.

Les regards de Winnipeg tournés vers les Rangers

Les fans des Jets de Winnipeg espèrent une victoire des Rangers de New York dans le septième match de leur série contre les Hurricanes. Si New York remporte une deuxième ronde, le choix de deuxième ronde en 2022 offert pour Andrew Copp à la date limite des échanges se transforme en choix de première ronde. Par contre, comme les Rangers auraient atteint le carré d’as, il se situerait entre le 29e et le 32e rang. New York a aussi cédé un autre choix de deuxième ronde en 2022 (obtenu dans l’échange de Pavel Buchnevich) et un choix de cinquième ronde en 2023.

New York ne regrette certes pas l’échange. Andrew Copp, 27 ans, 6 pieds 1 pouce et 206 livres, est un attaquant sous-estimé. Il vaut son pesant d’or en séries avec 10 points en 13 matchs au sein d’un deuxième trio complété par Ryan Strome et Artemi Panarin. Offrir un choix conditionnel de deuxième ronde pour un joueur de location permet à l’équipe acheteuse de profiter du meilleur des deux mondes. Elle perd un choix de première ronde seulement si elle connaît du succès, et le fait d’atteindre la finale d’association repousse ce choix au-delà du 27e rang.

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