(Kanata) Ému par la mort de Guy Lafleur, Martin St-Louis avait passé la soirée de vendredi à regarder des faits saillants de la carrière de son idole. À l’approche d’un week-end « émotif », il sentait une indubitable « présence » dans son équipe.

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Cette présence, malheureusement, n’a pas pesé bien lourd dans cette défaite de 6-4 subie aux mains des Sénateurs d’Ottawa. Trois buts encaissés en 67 secondes ont coulé les chances du Tricolore dès la deuxième période. Il y a eu des regains de vie par la suite, mais le mal était fait.

Le Canadien a ainsi subi un huitième revers de suite en temps réglementaire. « C’est pesant », a admis Martin St-Louis.

Même sous Dominique Ducharme, jamais cette équipe n’avait récolté aucun point de classement pendant une aussi longue séquence. Le record de médiocrité de 40 défaites au cours d’une seule saison est déjà loin dans le rétroviseur – celle de samedi était la 48e en 2021-2022. Le chiffre de magique de 50, cruellement atteignable, frapperait l’imaginaire.

Si un doute persistait quant à la fin de la lune de miel de St-Louis derrière le banc, il n’y en a plus du tout. Depuis le 27 mars, le Canadien est la pire équipe de la LNH. Il est 32e et dernier pour le taux de points de classement (17,9 %), 32e en avantage numérique (5,6 %) et 30e pour les buts accordés par match (4,57, une horreur).

La bouffée d’air frais apportée par l’arrivée du membre du Temple de la renommée, en février, a remonté le moral des troupes. On s’est acheté une grande quantité de « mais ». On amorçait mal les rencontres, mais on trouvait le moyen d’orchestrer des remontées et même de signer des victoires inespérées. On était généreux en défense, mais l’attaque compensait.

Des « mais », il n’y en a plus. Carey Price vient de connaître deux matchs difficiles, et il est clair qu’il n’est pas au sommet de sa forme. Josh Anderson n’a récolté qu’un point à ses 10 derniers matchs. Le trio de Nick Suzuki coûte cher défensivement.

Mais, mais… rien. Il n’y a pas de contrepartie suffisante pour continuer de voir le verre à moitié plein en dépit des résultats.

« Comme équipe, comme athlète, il y a un feu à trouver dans la frustration qui naît de la défaite », a souligné Rem Pitlick, auteur de deux buts, samedi.

« Il n’y a rien d’autre qu’on puisse faire, à part essayer de s’améliorer et espérer profiter de quelques bonds favorables. »

Avant le match, Martin St-Louis avait prévenu du risque pour les joueurs de « se perdre » dans une trop longue série de défaites. Tout n’est pas noir, de la même manière que tout n’est pas parfait dans une succession de victoires.

« Ce que je peux dire, c’est que les défaites, ça fait travailler plus fort, et c’est de ça qu’on a besoin », avait-il ajouté.

Il faudrait aussi trouver ces fameuses 60 minutes de qualité dont tout le monde parle, une idée qui semble désormais bien abstraite. L’entraîneur-chef estime que ses hommes lui en ont donné « 58 bonnes » samedi. Un rare bon départ et un total de 48 tirs ont donné un bon cadre de travail. Ça n’a pas suffi.

20 buts pour Caufield

Photo Justin Tang, La Presse Canadienne

Cole Caufield (22), Thomas Chabot (72)

Permettons-nous de le répéter : tout n’est pas noir. Pensons à Cole Caufield qui, après un début de saison catastrophique, a inscrit son 20e but de la saison.

St-Louis a parlé d’un plateau important, rappelant la première fois où il l’a lui-même atteint.

Brendan Gallagher a abondé : « Je suis fier qu’il y soit arrivé après ce qu’il a traversé. Je crois qu’il constate la différence entre la manière dont il se sentait quand ça ne fonctionnait pas et celle dont il se sent présentement. Il doit continuer sur cette lancée. »

Le principal n’avait pas le cœur à la fête vu la défaite – « on aime voir ça, comme coéquipier », a dit Gallagher à ce sujet.

Or, Caufield a néanmoins relevé qu’il voyait dans cette réalisation « une bonne chose sur laquelle construire pour l’an prochain ».

Le thème est à la mode, depuis plusieurs semaines déjà. On pense à la prochaine saison, on jette des bases. Et c’est tant mieux.

Avec seulement trois matchs à disputer, on peut néanmoins se demander si ces bases ne risquent pas d’être fragilisées par une fin de saison trop négative. Huit défaites de suite, c’est déjà « pesant ». Imaginez onze.

Il s’agit certes d’une vision pessimiste. Elle n’est pas, hélas, farfelue.

Dans le détail

Lafleur à l’honneur

La mort de Guy Lafleur a résonné aux quatre coins de la LNH, et des hommages ont même eu lieu samedi dans des rencontres n’impliquant pas le CH – à Boston et à Sunrise, notamment. Les joueurs du Tricolore ont quant à eux arboré un écusson noir frappé du numéro 10 en chiffres blancs. L’organisation des Sénateurs a quant à elle salué de fort belle manière le départ de l’ancienne gloire de la Sainte-Flanelle. Une vidéo narrée en français et en anglais a été diffusée avant les hymnes nationaux et, par deux fois, les « Guy ! Guy ! Guy ! » de la foule ont enterré l’annonceur maison. Une minute de silence a également été observée avant le match, et les spectateurs ont été invités à allumer la lumière de leur cellulaire pendant le premier entracte à la mémoire de Lafleur. Beaucoup d’élégance, ici.

Une belle histoire d’amour

Non seulement l’histoire d’amour entre Tim Stützle et Brendan Gallagher se poursuit-elle, mais les partisans des deux équipes ont pris sur eux d’y participer. Après le dernier duel entre les deux équipes, Gallagher avait vertement critiqué son adversaire, qu’il avait accusé de feindre des blessures pour attirer l’attention des arbitres. Samedi, l’attaquant du Canadien a été bruyamment hué lorsqu’il s’est présenté à la mise au jeu protocolaire soulignant l’engagement de l’équipe envers la cause de la santé mentale. Le ton était donné. Des huées ont été entendues toute la soirée lorsque l’un ou l’autre des deux joueurs touchait au disque – les partisans du CH étaient très nombreux et l’ont fait sentir. Plusieurs fois, pendant le match, Gallagher et Stützle se sont dit des mots doux. On présume que ce ne seront pas les derniers. Après la rencontre, Gallagher, a salué l’« intensité » des deux équipes, alors que l’atmosphère dans l’aréna lui rappelait les premières années de sa carrière, à l’époque où les deux clubs s’étaient affrontés deux fois en séries éliminatoires et avaient développé une franche rivalité. « C’est un bon feeling », a conclu le leader du CH.

Déjà le meilleur des Kastelic

Nombreux sont les partisans qui ont fait la découverte de Mark Kastelic en regardant le match à la télévision. L’attaquant disputait son premier match contre le CH et son 12e au total dans la LNH. Le natif de Phoenix avait déjà 20 ans lorsqu’il a été repêché au 5e tour par les Sénateurs en 2018. Ses 87 minutes de punition cette saison dans la Ligue américaine laissaient présager le niveau de raffinement de son jeu, et il a justement jeté les gants en première période… alors qu’il venait à peine de marquer le premier but de sa carrière ! Il a ajouté un autre filet en deuxième période, et un beau : son partenaire de trio Scott Sabourin a intercepté une passe derrière Carey Price et a rapidement trouvé Kastelic dans l’enclave. Ce dernier a déjoué le gardien d’un joli tir du revers et marqué ce qui est devenu le but gagnant. Quelques instants après, les Sénateurs ont signalé sur Twitter que ce doublé de Kastelic était le premier réalisé par un membre de sa famille, puisque son père Ed, qui a disputé 220 matchs dans les années 1980 et 1990, n’avait jamais marqué plus d’un but dans une rencontre – il en a inscrit 11 au total en carrière. On ne pouvait pas garder ça pour nous.

Ils ont dit

Je tiens à m’excuser de ne pas avoir serré la main de Brady Tkachuk [après la mise au jeu protocolaire]. C’est un oubli, une erreur légitime, je ne voulais rien signifier de spécial. J’ai beaucoup de respect pour lui.

Brendan Gallagher

Je suis un gars qui croit au processus : si je fais les bonnes choses, la rondelle va rentrer. Ça n’arrive juste pas cette saison (rires). Je ne vais pas arrêter de croire en moi. Je peux encore marquer des buts, ça dépend de moi. Il y a des choses à améliorer, d’autres qui sont mon pain et mon beurre et que je dois continuer à faire.

Brendan Gallagher

On n’aime pas perdre, mais il y avait des choses plus importantes à penser. La mort de Guy Lafleur, la soirée pour [la fondation de Luke Richardson]. Ça remet les choses en perspective. On va continuer à travailler fort.

Rem Pitlick

Je crois en Carey Price. Après une longue absence, c’est difficile de retrouver la forme et d’être le gardien qu’il est capable d’être. Ça prend du temps pour revenir au sommet de son jeu.

Martin St-Louis

La chose la plus facile [après avoir accordé cinq buts], c’est de changer ton. Mais quand on remet les choses en contexte, avec la position dans laquelle on se trouve, je voulais lui donner une chance de continuer le match. On a compté un but vite après le temps mort, on s’est replacés comme équipe. Je suis à l’aise avec ma décision.

Martin St-Louis

En hausse

David Savard

Pas un chef-d’œuvre en défense, à l’instar du reste de son équipe, mais il a supporté l’attaque avec aplomb.

En baisse

Michael Pezzetta

La magie n’opère plus du tout. Une seule présence en première période, une punition en deuxième période, 4 min 25 s de temps de glace au total.

Le chiffre du match

18

Soirée occupée pour les officiels mineurs chargés de comptabiliser le différentiel des joueurs, alors que les 18 joueurs du Canadien se sont retrouvés sur la glace pour au moins un but des Sénateurs à cinq contre cinq.