Pas facile pour un DG de vendre ses joueurs à ses homologues au cœur d’une saison historiquement mauvaise.

C’est à peu près l’équivalent de faire visiter sa maison à vendre au moment où on vient de coucher les enfants, avec les blocs Lego qui traînent sur le plancher comme autant de récifs pour le visiteur déchaussé. Bonne chance pour lui faire croire que sa vie de rêve l’attend entre ces murs.

C’est un peu la situation dans laquelle se retrouve Kent Hughes ce printemps.

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Le Canadien s’est incliné 6-3 devant les Flyers, jeudi. C’est une septième défaite de suite pour les Montréalais, une 13e dans les 16 derniers matchs, une 58e en 78 rencontres, y compris celles en prolongation. On pourrait vous bombarder de chiffres illustrant à quel point ce club est mauvais, mais n’allons pas là à l’approche de la fin de semaine.

Toujours est-il que Hughes devra continuer l’été prochain le travail amorcé au cours de l’hiver, consistant à larguer quelques vétérans pour alléger sa masse salariale, rajeunir l’équipe et poursuivre la réinitialisation.

Étrangement, c’est à se demander si Jeff Petry, un des candidats à une transaction, n’est pas en train de sauver les meubles dans ces conditions pas évidentes. Pas qu’il fera oublier sa première moitié de saison, mais il peut à tout le moins démontrer que le défenseur qu’il était ces trois dernières années existe encore quelque part.

Photo Jean-Yves Ahern, USA TODAY Sports

Les joueurs des Flyers célèbrent à la fin du match.

« Un des meilleurs matchs qu’il a joués », a statué Martin St-Louis, après la rencontre.

Jeudi, l’entraîneur-chef a vu le patineur fluide dont il a sans doute souvent entendu parler, mais qu’il a peu vu à l’œuvre. Petry a créé sa part d’occasions de marquer, tout en limitant les erreurs flagrantes. Il a terminé le match à + 2, et présente un rendement de + 1 au cours de la séquence de défaites actuelle. Il compte même cinq points au cours de ces sept matchs.

Les facteurs de ses insuccès de la première moitié de saison sont sans doute multiples. D’aucuns soupçonnent que ce n’était pas l’amour fou entre lui et Dominique Ducharme, mais Petry a aussi connu ses moments difficiles sous St-Louis. La décision de sa conjointe de rester au Michigan après la pause des Fêtes ? Ça ne peut certainement pas expliquer pourquoi le numéro 26 en arrachait autant en octobre.

St-Louis, lui, a ramené ça à la bonne vieille confiance, « une grosse partie de la game ».

Photo Jean-Yves Ahern, USA TODAY Sports

Martin Jones flanche sur un tir de Cole Caufield en troisième période

« Quand tu perds ça, des fois tu ne lis pas le jeu comme il faut, tu hésites, et l’hésitation, souvent, ce sont les jambes et le cerveau. Quand un joueur a beaucoup de confiance, la lecture est facile et tu as des jambes. C’est peut-être ça. »

Dans les mots de Petry : « J’ai laissé les choses s’aggraver, j’ai perdu le contrôle. Physiquement et mentalement, je ne me sentais plus comme avant. J’ai douté de moi. »

Interrogé pour savoir s’il y avait une possibilité qu’il soit de retour l’an prochain, Petry a répondu que « tout est possible ». « Je suis ici tant et aussi longtemps qu’on ne m’avise pas du contraire », a-t-il ajouté.

Et les autres

Quoi qu’il advienne l’été prochain, un Petry dans un bon état d’esprit est important pour ce que St-Louis et Hughes essaient de bâtir. En cette fin de saison, de nombreux jeunes obtiennent des occasions de se faire valoir, et on devine préférable que ça ne se fasse pas dans un climat toxique.

Rafaël Harvey-Pinard, par exemple, avait droit à un quatrième match dans la LNH, un premier au Centre Bell. Lui qui dit s’inspirer de Brendan Gallagher a pu voir ce qui fait la valeur du petit numéro 11 du CH. Deux fois, Gallagher est rentré au banc en douleur, allant même faire un tour au vestiaire. Pourquoi ? Parce qu’il bloquait des tirs. Dans un match sans aucun enjeu, entre deux équipes éliminées de la course aux séries depuis des mois.

St-Louis se dit « content » de l’engagement des vétérans dans une fin de saison difficile. « Les gars viennent au travail à l’entraînement, ils sont engagés dans les meetings. Mais c’est sûr qu’on aimerait une victoire… pour aider l’engagement. »

Il ne lui reste plus que quatre matchs pour stimuler cet engagement et, par la bande, aider son DG en vue de la saison morte.

En hausse : Joel Edmundson

Photo François Roy, archives LA PRESSE

Joel Edmundson

Si Jeff Petry connaît de bons moments, c’est notamment parce qu’il compte sur un partenaire fiable.

En baisse : Carey Price

Photo Jean-Yves Ahern, USA TODAY Sports

David Savard (58) et Carey Price (31) and defenseman David Savard (58) réagissent au but de Morgan Frost marqué en troisième période.

Après deux premiers matchs probants, c’était nettement plus difficile pour le gardien. Six buts accordés, dont quelques-uns qu’il aimerait revoir.

Le chiffre du match : - 3

On dit souvent que le différentiel est une statistique imparfaite. Dans le cas de Kale Clague, cependant, force est d’admettre que son - 3 représente bien sa soirée de travail.

Dans le détail

La main de Dieu (et de Gallagher)

Photo Graham Hughes, La Presse Canadienne

Brendan Gallagher

Consternation en première période. Tout le monde tenait pour acquis que le premier but du Canadien allait être refusé après que Brendan Gallagher se fut, de manière flagrante, rendu coupable d’une passe avec la main. Or, les Flyers n’ont pas contesté la décision des arbitres. La raison est bien simple : les officiels ont signifié à l’entraîneur-chef Mike Yeo qu’il ne pouvait faire annuler un but après une passe avec la main. Ils avaient tout faux. Selon l’article 38.2 (b) du livre de règlements de la LNH, une équipe peut contester un but marqué après une action qui aurait dû provoquer un arrêt de jeu en zone offensive – ce qui était le cas ici. Gallagher lui-même a avoué après la rencontre qu’il savait pertinemment qu’il s’en était « tiré à bon compte ». Bon joueur, Yeo a quant à lui souligné que « des erreurs arrivent » et a mis l’accent sur le fait que ses hommes ne s’étaient pas laissés déconcentrer par cet évènement malheureux. On peut quand même présumer qu’avec six défaites de suite subies avant cette rencontre, le pilote des Flyers aurait été moins conciliant si le résultat du match avait été différent.

Quel avantage ?

Photo David Boily, archives LA PRESSE

Rem Pitlick

Les amateurs d’unités spéciales étaient fébriles avant ce duel, alors que s’affrontaient les deux pires équipes du circuit en avantage numérique. Ce sont surtout les Flyers qui ont pu démontrer leur savoir-faire, pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Les visiteurs ont été, le mot n’est certainement pas exagéré, pitoyables. En six minutes passées avec un homme en plus, ils ont décoché cinq tirs… contre quatre pour les locaux. Au cours d’un seul désavantage, en première période, Rem Pitlick a bousillé ce qui aurait pu être deux chances de marquer de grande qualité en optant pour des passes imprécises vers Jake Evans plutôt que de tirer sur Martin Jones. Un gardien qui, comme on le sait, n’est pas exactement l’émule du José Théodore de 2001-2002. Une journaliste de Philadelphie a candidement demandé à Mike Yeo comment il expliquait que son équipe ait accordé autant de surnombres. La réponse n’a pas tardé : « Parce qu’on était en avantage numérique. » « C’est une chose qu’on ne marque pas, mais on donne beaucoup de chances. Ça doit cesser », a-t-il ajouté.

Quatrième trio en vedette

Photo Graham Hughes, La Presse Canadienne

Ryan Poehling et Martin Jones

Vu les blessures qui affligent son groupe, et dans le but avoué de faire jouer tout son monde, Martin St-Louis jongle avec ses employés de soutien depuis déjà quelques matchs. Cela a notamment donné la chance à Mathieu Perreault de disputer deux rencontres de suite pour la deuxième fois seulement depuis la mi-décembre. Et Tyler Pitlick, qui traverse une bonne séquence, s’est de nouveau signalé. Avec Ryan Poehling, ils ont formé un quatrième trio qui a très bien paru contre la quatrième unité des Flyers, mais également contre le premier trio piloté par Kevin Hayes. Une mise au jeu perdue par Poehling en première période a mené au but d’Ivan Provorov, mais autrement, on peut presque parler d’une soirée sans saute. L’entraîneur-chef du Tricolore a souligné en fin de soirée que Perreault avait « une bonne tête de hockey » et que Pitlick se donnait beaucoup de chances, et ce, « à tous les matchs ». En cette fin de saison qui s’alourdit pour tout le monde, tous les compliments sont dignes de mention.

Ils ont dit

On a eu de bons moments, mais pas assez. Notre exécution n’était pas là, notre reconnaissance du jeu non plus. On était lents à lire le jeu. Même quand on lisait le jeu comme il faut, on n’exécutait pas bien. Et on a donné beaucoup de revirements. C’est un peu ça.

Martin St-Louis sur la performance globale de son équipe

Nous n’étions pas assez bons pendant de longs moments, c’était difficile en transition. Nous n’arrivions pas avec assez de vitesse en zone neutre. C’est frustrant.

Brendan Gallagher

Les ajustements à apporter diffèrent selon les matchs. On s’est parlé d’éléments à corriger dans les trois zones. Avec Martin [St-Louis], on tente de réunir toutes ces petites choses et de bien les utiliser pour les derniers matchs qui nous restent.

Jeff Petry

Tu vois que les détails dans son jeu sont très bons. C’est un joueur de hockey. J’ai aimé ce que j’ai vu.

Martin St-Louis sur Rafaël Harvey-Pinard

J’ai eu de bons mots, pas juste de ma famille, mais aussi beaucoup d’amis et de proches. Mes parents me laissaient tranquille aujourd’hui. Ça faisait chaud au cœur.

Rafaël Harvey-Pinard sur son premier match au Centre Bell

Je pense qu’on s’est concentrés sur les bons détails dans ce match. C’est bien de gagner, mais si on essaie de gagner tout seul, les chances sont grandes qu’on ne s’attarde pas aux détails. Nos buts témoignent du fait que nous avons abordé ce match de la bonne façon.

Mike Yeo, entraîneur-chef des Flyers