Nick Suzuki a toujours admiré Patrice Bergeron et il appert que Suzuki marche sur les traces de son idole cette saison. Mais peut-être pas dans la catégorie qu’il souhaiterait…

Dans la défaite du Canadien samedi, Suzuki a obtenu son 57e point de la saison. Mais il a aussi conclu la rencontre avec un différentiel de - 3. Sa fiche depuis le début de la saison : - 31. En 14 matchs depuis la date limite des transactions, il montre un - 16.

Le lien avec Bergeron ? C’est que Suzuki est en voie de se joindre à un groupe plutôt particulier. Il pourrait devenir le 11e attaquant, depuis le lock-out de 2004-2005, à conclure une saison avec 60 points et un différentiel inférieur à - 25.

Mais il y a aussi des anomalies statistiques. S’il amasse trois points dans les six derniers matchs, Suzuki s’ajoutera à cette liste.

La présence de Bergeron dans ce tableau fait évidemment sursauter. La fierté de L’Ancienne-Lorette a remporté quatre fois le trophée Selke depuis et a fait partie des trois finalistes pour ce trophée lors des 10 dernières saisons.

Mais à sa troisième saison, Bergeron ne présentait pas les chiffres d’un futur premier de classe.

Coéquipier de Bergeron cette année-là, Jason York rouspète. « Le différentiel est une statistique stupide. C’est une statistique d’équipe, insiste l’ancien défenseur. Si tu es un attaquant en repli, derrière le jeu, et que tu vois que l’équipe adverse s’apprête à marquer, tu rentres au banc et c’est le joueur qui te remplace qui a le - 1.

« Patrice n’était pas du genre à faire ça, par contre. Mais prends un bon jeune dans une mauvaise équipe et t’auras un mauvais différentiel. »

En transition

Parce que oui, ces Bruins de 2006-2007 étaient mauvais. Ils rataient alors les séries pour une deuxième année de suite, avec une fiche de 35-41-6. Leur moyenne de 3,48 buts accordés par match était la 29e de la LNH, et c’était dans le temps des 30 équipes. C’était la dernière saison avant l’arrivée de Claude Julien derrière le banc et le renouveau qui s’en est suivi.

« C’était la première année de Zdeno Chara à Boston, sa première comme capitaine. Phil Kessel était une recrue. Regarde-le jouer aujourd’hui, défensivement, et imagine comment il pouvait être à ses débuts ! J’avais 36 ans, j’avais mal à un genou et à une épaule. On formait une très mauvaise équipe », rappelle York, aujourd’hui entraîneur-chef des 73 de Kemptville, un club junior A en Ontario.

Et Bergeron, dans ce groupe ? « Discipliné et très tranquille, décrit York. Je ne savais pas qu’il serait aussi bon, mais je savais qu’il aurait une longue carrière. Il ne sortait pas, il était à son affaire à un jeune âge. »

Bergeron avait alors 21 ans ; Suzuki en a 22. Il en était à sa troisième année dans la LNH, comme le numéro 14 du CH. Son équipe était avant-dernière pour les buts accordés ; le CH est dernier. Comment éviter qu’une saison aussi atroce, collectivement, influence négativement un jeune ?

« Quand il y a de bonnes personnes dans ton groupe, tu t’en tires. Nous, on avait Dave Lewis comme entraîneur-chef, Doug Houda comme adjoint. Ça n’a pas fonctionné pour Dave avec nous, mais c’était un bon coach et une bonne personne. »

Et chez le Canadien de 2022 ? York n’analyse plus les matchs de l’équipe à Sportsnet, mais en raison du petit monde du hockey d’Ottawa, il connaît très bien la réputation de Luke Richardson. Et son fils Jack a joué deux saisons avec Ryan Suzuki – le petit frère – chez les Colts de Barrie, dans le junior.

« Luke Richardson est une des meilleures personnes du hockey. Je n’entends que du bien de Martin St-Louis. Nick a un bon réseau de soutien et il vient d’une bonne famille. Son différentiel ne m’inquiète pas du tout. Il sera bon, longtemps. Il joue dans une mauvaise équipe, qui a changé d’entraîneur en cours de saison. J’ai zéro inquiétude. »

En bonne compagnie

Le différentiel a beau être une mesure imparfaite, il reste que Suzuki connaît des difficultés. Des jeux comme celui de samedi, où il fait partie des coupables qui laissent Alex Ovechkin sans surveillance, ne feront pas partie de ses faits saillants de la saison.

Sauf qu’il y a aussi des circonstances atténuantes, comme cette possible blessure qu’il semble traîner. Suzuki rate de plus en plus d’entraînements, et la réponse vague de St-Louis à son sujet la semaine dernière (« Nous avons plusieurs joueurs maganés ») n’a pas chassé les soupçons. Pour ce que ça vaut, Suzuki n’a toujours pas manqué un seul match depuis son arrivée dans la LNH.

N’empêche que de façon plus globale, la liste des attaquants de 60 points avec un différentiel polaire n’est pas gênante. À l’exception d’Anders Lee, tous les membres de ce groupe ont été des attaquants de premier trio.

Bergeron et Eichel sont les deux seuls qui avaient moins de 23 ans dans cette liste. Le jury délibère encore sur la capacité d’Eichel à influencer positivement une équipe. Quant à Bergeron, la cause est entendue depuis longtemps. Jamais n’a-t-il conclu une autre campagne avec un différentiel négatif depuis.

Cela dit, Bergeron a aussi eu la chance d’avoir Zdeno Chara comme coéquipier. La saison qui a suivi son - 28, David Krejci s’établissait à Boston. Milan Lucic et Brad Marchand suivront peu après. Tim Thomas est sorti de nulle part pour devenir un des bons gardiens de son époque.

Suzuki peut bien s’inspirer de Bergeron, s’il le souhaite. Mais il devra aussi espérer être aussi bien entouré.