Une fois leur carrière dans le sport terminée, nombreux sont les athlètes qui se sont tournés vers les médias. Peu l’ont toutefois fait avec autant de panache et d’autodérision que Mike Bossy, devenu une partie intégrante de la culture populaire du Québec des années 1990.

Après sa retraite, Bossy occupe toutes sortes d’emplois. Il se joint notamment à Titan puis à Karhu, deux équipementiers, de même qu’à la firme d’assurances Cumis. En marge de la cérémonie organisée par les Islanders pour le retrait de son numéro 22, en 1992, il confie au New York Times qu’il s’est révélé un « piètre vendeur », mais qu’il maîtrise habilement les relations publiques, « parce qu’[il] aime les gens ».

C’est d’ailleurs une qualité qu’évoquent unanimement toutes les personnes qui l’ont côtoyé. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles le public lui a toujours fidèlement rendu cet amour.

Au début des années 1990, il fait sa première apparition dans la sphère médiatique québécoise en participant à la télédiffusion des matchs des Nordiques de Québec. Or, c’est vraiment son saut à la radio commerciale qui marque l’imagination.

En août 1992, il se joint à l’équipe des Midis fous, à CKOI, émission pilotée par Richard Z. Sirois, du groupe Rock et belles oreilles. Son sens de l’humour se prête parfaitement au ton préconisé. Après son baptême des ondes, La Presse écrit : « D’abord un peu perdu, Michael a trouvé depuis quelques jours sa place au sein d’un groupe d’humoristes patentés. Ses répliques préparées passent mieux les ondes et il se permet même d’improviser des gags de son cru. La semaine dernière, il ne donnait pas sa place pour imiter Elvis Presley. »

Consécration

En 1994, il est recruté par Yé trop de bonne heure, de loin l’émission matinale la plus écoutée au Québec. Il doit principalement présenter une chronique sportive, mais son rôle excède rapidement ce cadre. C’est à ce moment que l’animateur vedette Normand Brathwaite « tombe en amour » avec « l’un des gars les plus drôles et brillants » qu’il ait croisés au fil de sa carrière. À ses yeux, Bossy a contribué à briser l’image du présentateur sportif « en habit et dénué de sens de l’humour ». Il s’est tellement prêté au jeu qu’on « en oubliait que c’était un géant du hockey ».

« Animer un show et faire rire, c’est difficile à faire et difficile à apprendre, a souligné Brathwaite dans une récente entrevue à La Presse. Mike est arrivé dans un métier qu’il n’avait jamais fait, alors que nous, c’était notre job. Il a été étonnant. Il m’impressionnait beaucoup. »

« C’était un champion dans tout ce qu’il faisait », caractérisé par l’humilité et le désir de s’améliorer d’un élève modèle. « Je connais des gens 1000 fois moins connus que lui qui sont 1000 fois plus frais chiés », illustre l’animateur.

Les deux hommes ont ainsi créé une réelle complicité qui a survécu au test des années. « Quand tu travailles sur un show du matin, tu vois plus tes collègues que les gens de ta famille », souligne encore Brathwaite. Le « bum » de Belle et bum raconte avoir assisté à de multiples matchs au Centre Bell en compagnie de Bossy. « Un soir, je lui ai dit : “Tout le monde te regarde, mais tu n’écoutes pas la game !” Et lui m’a répondu : “C’est correct, je sais ce que les joueurs essaient de faire…” Je vais toujours m’en souvenir. Il m’aura vraiment beaucoup fait rire… »

Sans gêne

D’autres projets lui ont moins souri. C’est notamment le cas du talk-show humoristique Virus, animé par François Massicotte, dont Bossy était l’acolyte. Après seulement quatre mois en ondes, à l’hiver 1993, le réseau TVA a mis fin à l’expérience.

L’ex-hockeyeur a toutefois connu davantage de succès lors de ses passages à l’émission Piment fort, encore une fois sous la direction de Normand Brathwaite.

Celui qui n’a jamais craint le ridicule – au sens le plus positif du terme – a fait l’objet de multiples parodies. Sa plus célèbre incarnation est certainement venue d’André-Philippe Gagnon, qui a fait de lui l’un de ses personnages fétiches.

Interviewé dans le cadre d’un documentaire consacré à la carrière de Gagnon, Bossy assiste en temps réel à un numéro de l’imitateur. Riant de bon cœur, il récite lui-même quelques lignes. Il dit d’ailleurs se reconnaître dans la démarche de celui qui connaissait, à l’époque, une carrière internationale.

« Il sourit tout le temps, il est tout le temps de bonne humeur ; il fait des gags et rit des choses. C’est moi, ça ! », dit Bossy de Gagnon.

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Le plus célèbre imitateur du Québec rappelle avoir campé pour la première fois le joueur des Islanders dans une émission spéciale de fin d’année animée par Michel Jasmin, à TVA. Paul Houde incarnait quant à lui Guy Lafleur.

C’est toutefois le numéro de 1986 – celui de la vidéo ci-dessus –, écrit par Stéphane Laporte, qui a fait un tabac. Gagnon reproduit les mimiques et le sourire permanent de l’athlète et s’amuse de son léger accent anglophone, tout en ironisant sur les exploits de Wayne Gretzky.

L’humoriste avait intégré ce numéro à son tout premier spectacle, que Bossy était allé voir à Laval. Les deux se sont donc rencontrés après une représentation.

Au bout du fil, Gagnon évoque « le sens de l’humour et la générosité » de celui dont il a tant admiré les exploits sur la glace. Les deux se sont retrouvés lors d’un match caritatif, quelques années plus tard, après la retraite de Bossy. « Il a passé le match à m’envoyer la rondelle, mais je n’ai jamais réussi à marquer… c’était un peu embarrassant », se rappelle l’imitateur en riant. Il a gardé de ce match un bâton autographié, qu’il a toujours aujourd’hui. Ils se sont d’ailleurs recroisés plusieurs fois au cours des années. Jamais les blagues passées n’ont été l’objet d’un malaise.

Plus récemment, en 2018, Marc Labrèche l’a lui aussi campé dans le cadre de l’émission Info, sexe et mensonges.

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Sans jamais se prendre au sérieux, Mike Bossy participe par ailleurs à quelques publicités, à la fois pendant sa carrière sportive et après. Dans les années 1980, il est le visage québécois de la chaîne de restauration rapide PFK.

Voyez une publicité de PFK

Et à la fin des années 1990, lorsqu’il travaille aux relations publiques pour Humpty Dumpty, il apparaît lui-même dans les pubs du fabricant de croustilles.

Voyez une publicité de Humpty Dumpty

L’entreprise en fera d’ailleurs son directeur des ventes dans la province. En 2005, un reportage du magazine Sports Illustrated raconte la surprise des consommateurs lorsque, dans un supermarché de Montréal, Bossy est allé lui-même renflouer des étalages vides.

Retour au hockey

Dans le même article, le Québécois rappelle avoir toujours rêvé de renouer avec le monde du hockey. Il confie avoir contacté le Canadien de Montréal à quelques reprises, dans les années 1990, pour offrir ses services d’entraîneur spécialisé. « Ils ne m’ont jamais rappelé », dit-il. En 2002, lorsque son ancien coéquipier Bryan Trottier est devenu l’entraîneur-chef des Rangers de New York, il croyait fermement qu’on lui donnerait enfin sa chance. Mais ce n’est pas arrivé.

À deux reprises, les Islanders lui ont offert un emploi. En 2003, on l’a affecté aux relations avec les clients et les partisans. Dix ans plus tard, l’organisation en a fait son vice-président aux commandites et aux partenariats d’affaires. Il a également collaboré avec le réseau américain MSG.

Pendant la saison 2014-2015, il a fait savoir au jeune réseau TVA Sports, après avoir accordé une entrevue à un de ses reporters avant un match entre le Canadien et les Islanders, qu’il souhaitait rentrer pour de bon au Québec et qu’il était intéressé par une présence accrue dans les médias. La réponse n’a pas tardé. « C’était un no-brainer », affirme Louis-Philippe Neveu, directeur général de la station. Le « bagage » et la « personnalité » de cette « légende », de même que l’« amour des fans de hockey » à son endroit lui ont rapidement ouvert les portes du diffuseur officiel du Canadien.

Une première collaboration en séries éliminatoires a ouvert la voie à un contrat à long terme. Au sein d’une station qui en était à ses premières années d’existence, il s’est imposé comme un « leader » au sein de l’équipe, jouant un « rôle de premier plan » dans la signature de la couverture hockey.

« Chaque analyste a sa spécialité, un style qui lui est propre, souligne M. Neveu. Lui, c’est un gars d’émotions. On voulait qu’il regarde les matchs avec les yeux de Mike Bossy le marqueur, le gagnant. C’est là qu’il était le meilleur. »

« Comme il a toujours eu le sens du spectacle, il savait exactement comment ça fonctionnait. On lui a donc dit : “Laisse-toi aller.” »

Il a également créé des amitiés durables avec ses nouveaux collègues. Michel Bergeron, grand rival dans les rangs juniors, est devenu un complice. L’animateur Louis Jean l’a accompagné dans les derniers jours de sa vie.

C’est d’ailleurs par le truchement de TVA Sports que Bossy a annoncé, en octobre dernier, qu’il était atteint d’un cancer du poumon qui le forçait à se retirer des ondes.

Dans une lettre adressée aux partisans, il a martelé sa volonté de se battre avec « la détermination et la fougue » qu’il avait déployées pendant sa carrière sur la glace.

Il a donné rendez-vous aux spectateurs « bientôt, après une partie de hockey bien mouvementée ». Les retrouvailles n’ont, hélas, pas eu lieu. Mais l’amour mutuel entre cette icône et son public, lui, restera à jamais bien vivant.