C’est à TVA Sports que la plus jeune génération d’amateurs de hockey a connu Mike Bossy. C’est aussi au cours de ce mandat qu’il a pu boucler la boucle avec un vieil ennemi devenu collègue, Michel Bergeron.

« J’ai toujours eu du respect pour Mike. On a eu nos moments difficiles ensemble, se rappelle le Tigre. Dans le junior, quand je coachais à Trois-Rivières, on avait une équipe dure. Un de mes joueurs, Daniel Horne, lui avait cassé le nez. Mike n’était pas content, mais ça a fini par passer. Ça faisait partie du folklore du hockey junior. »

On remonte au hockey junior, parce que c’est là que Bossy a commencé à écrire sa légende. Comment ? En atteignant la marque des 70 buts à chacune de ses quatre saisons avec le National de Laval.

Malgré ses exploits, il doit attendre au 15rang pour être sélectionné au repêchage de 1977, notamment parce qu’on le trouve justement trop frileux dans un monde de durs.

Les Islanders n’ont évidemment pas regretté leur choix. Bossy amorce sa carrière sur les chapeaux de roue avec 53 buts à sa première saison. Ses 9 campagnes de 50 buts sont un record de la LNH qu’il partage, tout comme ses 5 saisons de 60 buts. En 1980-1981, Bossy est aussi devenu le deuxième joueur de l’histoire, après l’immortel Maurice Richard, à inscrire 50 buts en 50 matchs.

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Mike Bossy pose avec la rondelle de son 50but en 50 matchs, en 1981.

« Sa dégaine était supérieure à la moyenne », décrit John Tonelli, son coéquipier de longue date. « La rondelle ne restait pas plus qu’une fraction de seconde sur son bâton. Sa dégaine était tellement rapide et efficace. La rondelle arrivait et elle repartait aussitôt. »

« Les gens disent souvent qu’avec les gardiens d’aujourd’hui, Bossy ne marquerait pas autant. D’accord, mais dans ce temps-là, les tireurs mangeaient des coups de bâton sur les mains, sur les avant-bras », rappelle Glenn « Chico » Resch, ancien gardien des Islanders qui a ensuite affronté Bossy. « Dans le temps, pour marquer des buts, tu devais manger des volées. Et pourtant, Boss était mince, il ne levait pas de poids au gym. C’était juste un don qu’il possédait. »

À contre-courant

À bien des égards, le thème de la violence sera toujours présent dans la carrière de Bossy. Trois fois gagnant du trophée Lady-Byng (joueur le plus gentilhomme), il s’est toujours prononcé contre la violence au hockey.

« On m’a tellement écœuré avec ça partout où j’allais jouer, a-t-il dit à La Presse en janvier 1981. Mais je n’ai jamais changé d’idée, et si j’ai pu contribuer à l’instauration de nouveaux règlements, j’en suis bien heureux. »

« Il avait mal au genou, mal au dos », se remémore l’ancien juge de lignes Ron Asselstine. « En fin de carrière, il était un peu grognon. Ses adversaires étaient toujours sur lui, ils le frappaient durement et Mike sentait que les arbitres ne donnaient pas assez de pénalités. »

Son attitude est à contre-courant à l’époque. Il joue alors dans la même division que les Flyers de Philadelphie, qui demeuraient durs même après l’époque des « Broad Street Bullies ». Et c’est la LNH en général qui deviendra de plus en plus violente, à compter du milieu des années 1980.

Mais, dans la vie en général, Bossy n’avait aucun mal à se positionner à contre-courant.

« Le Rocket Richard et Boss ont des personnalités beaucoup plus similaires que ce qu’on pense. Ils avaient des styles très différents sur la glace. Mais deux choses dans la vie les guidaient, ils avaient deux amours. Le premier, c’était de marquer des buts. Le deuxième : le Rocket aimait Lucille, et Boss aimait Lucie », raconte Chico Resch, ancien frère d’armes de Bossy, mais également féru d’histoire.

« Boss ne succombait pas à la pression des pairs. Il n’avait pas besoin de faire partie de la gang. Boss savait qu’il était là pour le hockey. Des gars arrivent, remplissent la pièce, comme Clark Gillies, comme Denis Potvin. Boss et Rocket, je ne dirais pas qu’ils étaient introvertis, mais ils avaient leurs priorités. Boss, tu ne pouvais pas lui mettre de pression pour sortir avec les gars. Après trois heures à l’aréna, les gars sortaient. Lui voulait juste aller voir Lucie à la maison.

« Certains gars comprennent qu’ils représentent la ligue, ils comprennent qu’ils ont une mission supérieure, que c’est plus gros qu’eux, que leur équipe. Crosby est comme ça. Bobby Orr, Jean Béliveau étaient aussi comme ça. »

Cette description d’un Bossy solitaire s’était même rendue dans les pages du prestigieux Sports Illustrated, dans une entrevue que le grand numéro 22 dira ensuite regretter. « Je viens d’une grande famille, donc je n’ai jamais senti le besoin d’être en gang. Je m’entends bien avec moi-même », dira-t-il au confrère Larry Brooks.

Un autre de ses contemporains chez les Islanders, l’ancien relationniste Jim Higgins, corrobore cette image.

« Il était généreux avec les journalistes, mais dès que ses entrevues étaient terminées, il rentrait chez lui. Certains gars aimaient rester, jaser. Mike était le rêve d’un coach. Pendant que les gars restaient pour plaisanter, Mike était à la maison. On m’a dit qu’après sa carrière, il travaillait pour des émissions de radio. Même s’il a les qualités pour le faire, je ne l’aurais jamais vu devenir une personnalité médiatique. »

C’est justement dans les médias qu’il a pu renouer avec Michel Bergeron. Les deux ont été collègues à TVA Sports. C’était l’occasion parfaite pour enterrer les guerres du passé. Le nez cassé de Bossy aux mains d’un dur des Draveurs et, de l’autre côté, l’élimination des Nordiques par les Islanders en 1982 en finale de conférence.

« Mike a toujours été une bête noire. Même dans le junior, j’avais une équipe dominante, et malgré notre plan de match, il trouvait le moyen de marquer des buts. À Trois-Rivières, j’ai essayé d’aller le chercher, mais Laval voulait le garder, car c’était l’attraction. Le match du lundi soir, c’était lui qui faisait vendre des billets.

« En travaillant avec Mike, ça nous a rapprochés de plus en plus. On a eu beaucoup de plaisir à travailler ensemble. »

Les Islanders en ville

Les Islanders traversent une dure période en ce début de 2022. Mike Bossy est le deuxième membre de leur dynastie gagnante de quatre Coupes Stanley au début des années 1980 à nous quitter en quelques mois.

Clark Gillies, le gros ailier robuste au sein d’un trio avec Bossy et Bryan Trottier, est mort en janvier. On pourrait ajouter le frère de Denis Potvin, Jean Potvin, qui s’est éteint en mars. Jean Potvin a davantage joué dans les années 1970, et brièvement dans les années 1980.

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Mike Bossy et Clark Gillies, en 1978

Au bout du fil, on sent que John Tonelli repousse les sanglots quand on lui annonce la mort de Mike Bossy. « On l’a vécu avec Clark, et ça recommence, répond Tonelli. C’est notre époque. On vieillit, et ce genre de chose arrive. Mike était un frère, un coéquipier. Quel joueur, quel humain, quel bon coéquipier. »

La mort de Bossy survient d’ailleurs le jour où les Islanders sont en visite à Montréal pour y affronter le Canadien en soirée, une coïncidence qui a frappé John Tonelli.

« L’autre jour, j’assistais à un match de mon fils, qui joue au Union College. On était assis, et j’ai reçu un appel m’informant de la mort de Clark. Je baisse la tête, je vois que je suis dans le siège numéro 8 et, à côté de moi, le siège numéro 9 [le chiffre de Gillies] est inoccupé. Comme si Clark m’envoyait un message. Et là, ça arrive quand les Islanders sont à Montréal. Il y a un gars en haut qui travaille fort. »

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  • 310
    Mike Bossy a marqué 310 buts avec l’aide de Bryan Trottier. Dans l’histoire de la LNH, un seul joueur a marqué plus de buts avec l’aide d’un même coéquipier : Jari Kurri, avec 364 filets inscrits sur une passe de Wayne Gretzky.
    Source : Ligue nationale de hockey