On a beau avoir parlé de toutes les manières imaginables de cette saison misérable et, conséquemment, des regards tournés vers l’avenir, le concept même d’avenir demeure assez flou pour le Canadien.

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L’idée qu’on en a s’inscrit dans une relative continuité du présent. Évidemment, on se doute que Nick Suzuki, Cole Caufield et Alexander Romanov prendront les rênes de cette formation… mais c’est déjà un peu déjà fait. Avec leurs 427 matchs disputés au total, saison et séries éliminatoires incluses, ils ont une patte bien installée dans l’ici et maintenant.

Autour d’eux gravitent un grand nombre de pièces mobiles, dont on ne sait pas si elles seront encore accrochées au navire dans trois mois ou dans trois ans. Carey Price redeviendra-t-il Carey Price ? Que réserve la direction à Brendan Gallagher et son contrat-boulet ? Rem Pitlick marquera-t-il le but gagnant qui donnera au CH sa 25e Coupe Stanley ? Si oui, sera-ce dans deux ans ? Dans cinq ans ? Et ainsi de suite.

Il y a aussi l’avenir dans ce qu’il y a de plus abstrait. La carrière universitaire de Jordan Harris est terminée depuis moins d’une semaine. Sauvera-t-il la défense du Canadien ? Et Kaiden Guhle, lui ? Les innombrables comparaisons entre Shea Weber et lui tiennent-elles la route ? Et ainsi de suite (bis).

Ça fait beaucoup de questions dont la réponse se résume à « peut-être, peut-être pas ».

Arrive finalement en scène Justin Barron. À son troisième match dans la LNH, son tout premier dans l’uniforme tricolore, il n’a pas été la grande vedette de son équipe, défaite 3-2 au New Jersey après une interminable séance de tirs de barrage.

Il serait bien sûr grossier de lui sculpter sur-le-champ un buste de bronze devant le Centre Bell. Mais il incarne, cette saison en tout cas, le premier vrai morceau de l’avenir, le vrai, que les partisans du CH peuvent voir à l’œuvre.

Bonne impression

Ceux qui ont audacieusement boudé les Oscars au profit d’un bon vieux duel Canadien-Devils n’ont pas été déçus. Le défenseur de 20 ans a laissé une « bonne première impression », dixit son entraîneur.

« Je trouve qu’il a très bien géré son match, a détaillé Martin St-Louis. Il a bien utilisé son partenaire, il s’est bien défendu. »

Barron lui-même a rappelé que ce n’était pas son vrai baptême de la LNH, moment qu’il a plutôt vécu en décembre dernier, alors qu’il était membre de l’Avalanche du Colorado. Il a donc laissé derrière lui la nervosité qui accompagne une telle expérience.

Va pour ça. Mais l’aisance qu’il a démontrée dimanche est impressionnante.

Jumelé à Joel Edmundson, il a passé presque 18 minutes sur la patinoire, soit davantage que Corey Schueneman et que Chris Wideman. Défensivement, il ne s’est pas mis dans l’embarras, ce qui est certainement digne de mention quand on sait que le trio qu’il a affronté le plus assidûment est celui de Jack Hughes.

Offensivement, on a vu chez lui une liberté et une créativité que personne d’autre ne possède dans cette équipe. Du moins à cinq contre cinq : Wideman trouve sa pertinence en avantage numérique, mais ça s’arrête pas mal là. Plusieurs fois, Barron a usé de son flair pour appuyer l’attaque lorsque la situation le demandait. Notamment à mi-chemin dans le match lorsque Rem Pitlick, après avoir fait le tour du territoire adverse, a aperçu le jeune homme qui fonçait vers l’enclave. Ç’a valu au nouveau numéro 52 une chance de marquer de qualité AAA, qui s’est hélas soldée par un tir hors cible.

Surprise (ou pas) : c’est aussi lui que St-Louis a envoyé pour amorcer la prolongation avec Suzuki et Caufield. Il a d’ailleurs obtenu trois présences à trois contre trois, totalisant 2 min 49 s

« J’étais juste emballé d’être là avec deux aussi bons joueurs, a humblement affirmé Barron après la rencontre. C’est bien que mon entraîneur m’ait fait confiance. »

Acclimatation

Arrivé à Montréal mardi dernier, au lendemain de la transaction qui a envoyé Artturi Lehkonen chez l’Avalanche, Barron aurait pu jouer deux matchs de plus si le personnel d’encadrement l’avait désiré. On a plutôt préféré lui donner le temps de s’acclimater à son nouvel environnement et au système – pardon, aux concepts – de jeu. Avant et pendant le match, Edmundson et les autres défenseurs l’ont pris sous leur aile.

Ce qu’il a accompli n’a échappé à personne. Le gardien Samuel Montembeault a vanté son « calme » avec la rondelle, dont il ne se « débarrasse » pas inutilement. Au contraire, « iI prend le temps de faire un bon jeu ».

« S’il était là pour amorcer la prolongation, c’est parce qu’il l’a mérité », a ajouté Rem Pitlick. Martin St-Louis l’a confirmé.

« À tous les niveaux où il a joué, il était un gars offensif, a souligné l’entraîneur. Tu mets ces gars dans ce genre de scénario, avec beaucoup de temps et d’espace, et ils vont faire des choses offensivement. Je n’étais pas surpris qu’il s’en sorte bien. »

Avant que tout le monde parte en peur, il fait bon de rappeler que l’échantillon est mince et que, oui, Barron commettra des erreurs. Peut-être en grand nombre.

Mais il demeure la première incarnation d’un avenir plus ensoleillé pour le Canadien. Un produit inachevé, mais certainement plus prometteur qu’un joueur qui n’a pas encore été repêché… ou qu’un autre que personne n’a vu jouer autrement que dans un montage diffusé sur YouTube.

Se débarrasser de Jeff Petry est un problème pour l’organisation. Parce que la demande pour le malheureux personnage ne semble pas délirante, mais surtout parce que la relève était, jusqu’à récemment, inexistante du côté droit.

Justin Barron n’est peut-être pas le nouveau Jeff Petry. Mais il donne néanmoins l’idée d’une vie après lui.

Dans le détail

Bourde de Montembeault

Les caméras de télévision ont déjà surpris de vilains mots sur les lèvres de Samuel Montembeault. Cette fois, pas de pièce à conviction incriminante, mais on peut se douter que le patrimoine religieux québécois en a pris pour son rhume à la fin de la première période. Pressé par l’attaquant Yegor Sharangovich, le gardien a tenté une audacieuse remise du revers en direction d’Alexander Romanov, situé à sa gauche. C’est plutôt sur la lame du bâton de Jack Hughes que la rondelle a échu. L’Américain ne s’est pas laissé prier pour marquer dans la seconde. C’était dommage pour le Québécois, qui avait jusque-là gardé son équipe en vie en arrêtant les nombreuses salves dirigées vers lui. Du reste, il a connu un fort match, avec 30 arrêts sur 32 tirs. « J’ai fait une vieille passe là-dessus, ce n’était même pas proche », a reconnu le natif de Bécancour. Avec le retour en bonne santé de Jake Allen, Montembeault a perdu un rang dans la hiérarchie des portiers de l’organisation. Il voulait donc bien paraître contre les Devils, d’autant plus que la prochaine partie sera probablement confiée à Allen. « C’était ma game, c’était important que j’en joue une bonne », a-t-il dit.

Le tir d’Ylönen

Dans tous les rapports à son sujet, Jesse Ylönen est vanté pour la puissance de son tir. Ce n’est pourtant pas un outil que les partisans du Canadien voient souvent en action. Il faut évidemment souligner que le Finlandais ne disputait dimanche qu’un neuvième match en carrière dans la LNH, et un huitième cette saison. Son temps de glace est donc limité. Mais avec seulement 15 tirs en 2021-2022, et 8 qui ont atteint la cible, on pourrait s’attendre à davantage de celui qu’on décrit comme une menace instantanée lorsqu’il s’élance. Son unique but, inscrit le 14 décembre dernier à Pittsburgh, a d’ailleurs fait suite à un boulet de canon. Fraîchement rappelé de la Ligue américaine, Ylönen a montré de quoi il était capable sur le premier but du Canadien : alors qu’un avantage numérique venait à peine de se terminer, il a fait étalage d’un magnifique tir frappé sur réception que Josh Anderson a fait dévier derrière Nico Daws. Martin St-Louis, après la rencontre, a salué le tir « pesant » de l’ailier, à qui il aurait « aimé donner un peu plus de glace ». Si Ylönen est en mesure d’en faire une habitude, il devrait être plus occupé.

Embellie chez les Devils

Les Devils du New Jersey rateront les séries éliminatoires pour la neuvième fois en dix ans. Les ennuis sont (encore) nombreux, notamment devant le filet, et l’équipe pourrait bien repêcher parmi les trois premières en juillet prochain. Mais cette longue campagne n’aura pas été que sombre. Le réveil des attaquants clés de la formation n’est ni plus ni moins que spectaculaire. Jesper Bratt n’avait jamais récolté plus de 35 points au cours d’une saison. Il devrait, à moins d’une blessure, doubler (!) ce total, lui qui a inscrit son 65e point contre le CH. Jack Hughes connaît lui aussi une campagne du tonnerre : 54 points, dont 24 buts (2 dimanche soir), loin devant ses 31 points de la saison dernière. Nico Hischier se dirige également vers un sommet personnel, tout comme le défenseur Damon Severson. Il manque encore beaucoup de pièces au puzzle chez les Devils, mais sur le plan offensif, ça prend joliment forme.

Ils ont dit

C’était notre troisième match en quatre soirs, notre deuxième en deux soirs. Je trouve qu’on était à plat en première période, mais plus le match avançait, plus on s’est améliorés. On perdait 2-0, on est revenus et ça nous a donné le vent dans les voiles. Ça nous a pris jusqu’à la toute fin avant d’égaliser, mais on était capables de le faire, et on l’a montré.

Martin St-Louis

C’était super de jouer avec Joel Edmundson. Il m’a aidé à rester calme, ça paraît qu’il a une tonne d’expérience. Je pense avoir mieux joué à mesure que le match avançait.

Justin Barron

J’ai regardé beaucoup de faits saillants sur YouTube dans ma vie, et j’ai sans doute vu 500 millions de fois le top 10 des meilleures feintes en tirs de barrage. J’ai utilisé cette feinte quelques fois, mais si j’ai foncé dans le poteau, c’est parce que je croyais aller sur mon revers !

Rem Pitlick

Il a échappé la rondelle, je ne m’attendais pas à ça ! J’ai descendu mes mains trop rapidement et la rondelle est passée par-dessus moi. C’était un beau geste de sa part, et c’est un bon joueur : si je fais une erreur, il va me la faire payer.

Samuel Montembeault, à propos du but de Jack Hughes en tirs de barrage

En hausse

Laurent Dauphin

Au centre du quatrième trio, le Québécois a encore réussi à générer de l’attaque. Il a même été utilisé en avantage numérique. Il ne dispute plus tous les matchs, mais il saisit de nouveau la chance qui s’offre à lui.

En baisse

Josh Anderson

Il a bien sûr marqué un but, son premier en 10 matchs, mais sa pénalité de paresse a coûté un but à son club en deuxième période. Il n’était pas sur la glace en fin de match lorsque le Canadien tentait d’égaler la marque.

Le chiffre du match

3

En excluant le but inscrit dans un filet désert, c’était la troisième fois en trois matchs que le Canadien marquait dans les quatre dernières minutes de la troisième période. Ç’a donné un but gagnant, samedi, et un but égalisateur, dimanche.