« Ne nous jugez pas trop sévèrement en ce moment. Réservez votre jugement pour le prochain camp d’entraînement ».

Le directeur général des Sénateurs d’Ottawa, Pierre Dorion, commence à sentir la grogne. Voilà sans doute pourquoi il était sur la défensive lors de son point de presse après la date limite des échanges, lundi.

Ce même Dorion annonçait la fin de la reconstruction à Ottawa à l’aube de la saison. Il s’est rétracté par la suite, mais le mal était déjà fait.

Ottawa occupe le 29e rang du classement général et si l’équipe continue à perdre ainsi, pourrait bien terminer au 30e rang ou pire pour la quatrième fois en cinq ans.

Ils entameront l’an prochain la dernière saison de leur plan quinquennal de reconstruction et on tolérera plus une autre misérable année.

Le chroniqueur du Droit d’Ottawa, Sylvain St-Laurent, a affirmé tout haut ce que plusieurs pensent tout bas cette semaine.

« La patience n’est pas une ressource inépuisable. Vous savez tout le respect que j’ai pour Dorion, l’homme qui a gravi tous les échelons du hockey, patiemment, sans tricher. Je lui ai souvent accordé le bénéfice du doute, au fil des ans. Si jamais les Sénateurs ne prennent pas leur envol, l’an prochain, on finira par donner raison aux gens qui doutent. On finira par penser que l’équipe actuelle n’a pas les compétences nécessaires pour mener le projet à terme. Les Sénateurs ne peuvent pas être abonnés au dernier rang éternellement. »

Pierre Dorion n’a pas connu une grande date limite des échanges. Les Sénateurs ont obtenu un choix de quatrième ronde, deux choix de cinquième ronde, Mathieu Joseph et un joueur désormais condamné à la Ligue américaine, Zach Senyshyn, pour Josh Brown, Zach Sanford et Nick Paul.

Ils ont aussi cédé un choix de troisième ronde pour obtenir le défenseur Travis Hamonic, 31 ans, dont les Canucks cherchaient à se débarrasser avec encore un an de contrat à 3 millions annuellement. Hamonic a raté une partie de la saison parce qu’il refusait de se faire vacciner et sévissait au sein de la troisième paire à Vancouver.

Le gros défenseur Brown a coûté un choix de quatrième ronde en 2020. On reçoit un choix de cinquième pour ses services et on donne un choix de septième ronde aux Bruins.

Sanford a été obtenu des Blues il y a six mois pour Logan Brown, un choix de première ronde en 2016, et un choix de quatrième ronde en 2022. Brown a disputé 23 matchs à St. Louis jusqu’ici. S’il n’en joue pas 30, les Blues conserveront ce choix. Ottawa vient d’obtenir un maigre choix de cinquième pour Sanford.

Nick Paul allait devenir joueur autonome sans compensation et il semblait gourmand. Tampa a cédé Mathieu Joseph et un choix de quatrième ronde pour lui. Dorion ne s’en tire pas trop mal au moins dans ce dossier. Mais dans l’ensemble, il n’a pas obtenu un très gros retour sur l’investissement.

Les Sénateurs ont de bons éléments à leur disposition pour réussir leur relance. Leur avenir est joli au centre avec Josh Norris, Tim Stützle et Shane Pinto, malheureusement blessé en début de saison. À sa quatrième saison, le fougueux Brady Tkachuk est en voie de dépasser la marque des 50 points pour la première fois de sa carrière. Drake Batherson avait explosé pour 34 points en 31 matchs au moment de se blesser.

Thomas Chabot est un pilier en défense et il a seulement 25 ans. Le cinquième choix au total en 2020, Jake Sanderson, s’apprête à rejoindre l’équipe après une autre brillante saison à North Dakota, où il a amassé 26 points en 23 matchs et brillé dans tous les aspects du jeu.

Deux choix de première ronde, Lassi Tompson et Jacob Bernard-Docker, tous deux âgés de 21 ans, sont toujours dans la Ligue américaine. Le jury ne peut encore statuer sur leur avenir. Idem pour Erik Brannstrom, 22 ans, obtenu en retour de Mark Stone. Ce jeune défenseur supposément offensif a six points en 34 matchs cette saison et ses carences défensives demeurent criantes.

Malgré la mise sous contrat pour trois ans d’Anton Forsberg, la situation des Sénateurs devant le filet demeure incertaine. Forsberg, 29 ans, soumis trois fois au ballottage en 2021, fait bien dans les circonstances, mais il n’a jamais pu s’établir dans la LNH depuis son arrivée en Amérique du Nord en 2014. Il touchera 8,2 M$ au cours des trois prochaines saisons. Le numéro, Matt Murray, est un abonné à l’infirmerie.

En bref, il y a une période critique dans un processus de reconstruction, un moment où une bande de jeunes en ascension doit cesser de perdre, pour ne pas miner le moral collectif. Prenez Buffalo par exemple. Ottawa atteindra cette phase critique l’an prochain.

Une cuvée désastreuse

Les Sénateurs avaient une chance unique de renflouer encore davantage leur banque d’espoirs lors du repêchage de 2021 avec un choix dans le top dix et deux choix de deuxième ronde. Leur premier choix, dixième au total de la LNH, Tyler Boucher, inquiète. Après avoir obtenu trois maigres points en 17 matchs à Boston University, Boucher a quitté cette institution pour rejoindre les 67 d’Ottawa dans la Ligue junior de l’Ontario. On s’attend à ce qu’un choix de première ronde de 19 ans produise dans les rangs juniors. Or, Boucher a amassé seulement 7 points en 15 matchs.

On se demande toujours si un gros producteur de points dans les rangs juniors pourra faire la même chose dans la LNH. Joshua Roy, par exemple, repêché la même année en cinquième ronde, totalise désormais 88 points en 47 matchs à 18 ans avec Sherbrooke. Repêché en deuxième ronde par le CH, Riley Kidney, 18 ans lui aussi, en a amassé 70 en 47 rencontres. Pourront-ils maintenir un tel rythme chez les pros ? Dans le cas contraire, il est hautement improbable d’espérer une production offensive dans la LNH à un joueur de 19 ans improductif dans les rangs juniors.

Le choix de deuxième ronde des Sénateurs, l’ailier Zack Ostapchuk, ne produit guère davantage à Vancouver dans la Ligue junior de l’Ouest avec 35 points en 51 matchs. Il aura 19 ans en mai. Quant à l’autre choix de deuxième ronde, Benjamin Roger, un défenseur costaud de 6 pieds 4 pouces, il totalise 6 points en 29 matchs à Kingston et trois aides en 18 matchs à London. Il a intérêt à frapper…

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