Artturi Lehkonen n’a que 26 ans. Il est en voie de connaître sa meilleure saison offensive. C’est un coéquipier immensément populaire dans un vestiaire. Dans un bureau d’entraîneur aussi : de Michel Therrien à Martin St-Louis, ils l’ont tous adoré.

« Jusqu’à midi, 13 h, notre plan était de le garder », a d’ailleurs dit le directeur général du Canadien, Kent Hughes, en point de presse.

Sauf que quelque part entre 13 h et 14 h, l’Avalanche du Colorado a déposé une offre qui permettait au Tricolore d’améliorer son maillon faible : le côté droit de la défense.

C’est essentiellement ce qui explique pourquoi Hughes a changé d’idée. Le directeur général a donc échangé Lehkonen à l’Avalanche du Colorado contre l’espoir Justin Barron, un ancien de la LHJMQ repêché au premier tour en 2020, de même qu’un choix de deuxième tour en 2024.

Tout près de la LNH

Avec la retraite inattendue de Shea Weber et l’effondrement tout aussi inattendu de Jeff Petry, avec Josh Brook comme « meilleur » espoir, le côté droit de la défense du Canadien est en lambeaux.

C’est là que Barron, un arrière qui tire de la droite, rendait l’offre de l’Avalanche difficile à refuser.

« On a beaucoup plus de gauchers dans le pipeline, a rappelé Hughes. Si on échange Petry cet été, c’est un autre droitier qui part. On aimerait améliorer certaines positions dans l’organisation et les défenseurs droitiers, c’est certainement prioritaire. »

Or, malgré ses 20 ans, Barron pourrait aider rapidement le Canadien. C’est d’ailleurs à Montréal qu’il se rapportera, et non pas à Laval. Il pourrait toutefois y aller si on juge la marche trop haute ; cette saison, il a joué 43 matchs dans la Ligue américaine et 2 dans la LNH. Il compte 20 points dans la Ligue américaine, aucun avec l’Avalanche.

Mais il est permis de croire qu’il aurait eu sa place à Denver l’an prochain. L’Avalanche compte quatre joueurs autonomes dans sa brigade défensive et sera coincé sous le plafond salarial.

Or, avec les Eagles du Colorado, Barron était – et de loin – le plus jeune défenseur d’une équipe qui se fiait beaucoup à des vétérans. Ça ne l’a pas empêché de se faire une place au sein de l’avantage numérique de l’équipe.

Un des éclaireurs consultés pour cet article le voit d’ailleurs comme un futur défenseur employé au sein d’une deuxième unité d’avantage numérique, dans la LNH. Et si Martin St-Louis reste quelques années à Montréal, les qualités de Barron pourraient cadrer avec ce que recherche l’entraîneur-chef.

« Il a un flair offensif, un coup de patin fluide, puissant. En avantage numérique, il est très intelligent avec la rondelle », a décrit Sylvain Favreau, entraîneur-chef des Mooseheads, qui était adjoint avec eux à l’époque où Barron jouait à Halifax.

Je demandais aux joueurs de penser un coup en avance avec la rondelle et il avait cette capacité-là d’apprendre rapidement.

Sylvain Favreau, entraîneur-chef des Mooseheads de Halifax, au sujet de Justin Barron

Le potentiel de Barron est intrigant, car à l’origine, plusieurs le voyaient bien plus haut que le 25rang à l’encan de 2020. Comme il est né un 15 novembre, c’est à 15 ans qu’il a fait son arrivée dans la LHJMQ, à l’automne 2017. Avec 41 points en 68 matchs en 2018-2019, Barron a continué à faire augmenter sa valeur. Mais l’année suivante, celle de son repêchage, un caillot de sang l’a fait rater la deuxième moitié de la saison.

« Il a été très bon au début, il a fait tourner les têtes, a décrit un recruteur. Mais des fois, des gars late [dont l'anniversaire est après le 15 septembre], quand tu les vois trois ans avant leur repêchage, tu commences à plus voir leurs défauts. »

Or, Barron ne s’est pas laissé déconcentrer par son rang de repêchage, et a même été capitaine des Mooseheads la saison dernière. « Parler à ce gars-là, c’était comme parler à un gars de 30 ans », souligne Sylvain Favreau.

Le gardien Alexis Gravel l’a côtoyé pendant quatre saisons chez les Mooseheads. Il se rappelle un « rassembleur » et un « leader », doté d’habitudes de travail « incroyables ».

Même s’il ne parle pas français, Barron a toujours « fait de son mieux » pour utiliser ses quelques mots de français avec les joueurs québécois de l’équipe. « Il a toujours fait un effort même si ce n’était pas facile pour lui, raconte Gravel. Moi, il ne m’a jamais dit ‟thank you”, toujours ‟merci”. »

De la profondeur au Colorado

L’Avalanche semblait donc en détenir un bon, mais c’est aussi une équipe qui doit gagner rapidement. Les joueurs en dernière année de contrat sont nombreux, et le contrat « économique » de Nathan MacKinnon (6,3 millions par saison) expire l’an prochain.

De plus, l’Avalanche n’a toujours pas atteint une finale d’association avec son noyau débordant de talent. Le Lightning de Tampa Bay vient de gagner deux Coupes de suite notamment en améliorant son troisième trio, en ajoutant de la hargne, et c’est ce que Lehkonen apportera à Denver.

Le Finlandais a toujours été vu comme un joueur capable d’élever son jeu en séries. En 33 matchs éliminatoires, il a inscrit six buts et six aides, et trois de ses filets étaient des buts gagnants. Le plus mémorable est évidemment celui en prolongation contre les Golden Knights de Vegas, le 24 juin dernier, envoyant le Tricolore en finale de la Coupe Stanley.

Nous pensons qu’il cadrera parfaitement avec notre façon de jouer.

Joe Sakic, directeur général de l’Avalanche du Colorado, au sujet d’Artturi Lehkonen

Comme l’Avalanche, le Canadien a aussi ses enjeux avec le plafond salarial. En ayant droit à l’arbitrage à l’été, Lehkonen menaçait d’ajouter à cette pression, tout ça à une position – l’aile – où le CH est relativement bien nanti.

Hughes n’a pas une obligation de résultats immédiats comme Sakic. C’est pourquoi échanger un joueur de 26 ans, à maturité, contre un jeune de 20 ans, qui n’a pas encore fait ses preuves, tenait la route pour Hughes.

« On se disait souvent qu’on est en bas au classement, mais en haut sur CapFriendly », a blagué Hughes.

Le DG espère maintenant que cette transaction lui permettra d’inverser la position de son équipe à ces deux endroits.

Avec Simon-Olivier Lorange, La Presse

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