Kent Hughes n’est pas passé par quatre chemins : depuis qu’il est entré en poste, à la mi-janvier, son plan a toujours été d’échanger Ben Chiarot. Et le principal concerné a confirmé qu’il savait exactement que c’est le sort qui l’attendait.

Sous l’ancienne administration, des discussions avaient brièvement eu lieu, l’été dernier, à propos d’un possible nouveau contrat. Mais c’en était resté là. Comme on le sait, l’équipe s’est totalement effondrée une fois la saison amorcée.

Dans les circonstances, un défenseur au sommet de sa carrière qui s’apprête à devenir joueur autonome sans restriction devenait l’une des meilleures monnaies d’échange du Canadien. Le DG n’a pas hésité.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Ben Chiarot, dans l’uniforme du Canadien

Chiarot est passé du CH aux Panthers de la Floride, mercredi soir, en retour de choix de premier et de quatrième tour, en 2023 et 2022, respectivement. L’espoir Tyler Smilanic est également un nouveau membre du Tricolore.

« On sentait que c’était, hors de tout doute, la meilleure transaction qu’on pouvait faire, a affirmé Hughes jeudi matin en point de presse. Aurait-on pu attendre pour faire une meilleure affaire encore ? Peut-être. Mais on est contents de l’échange. Ça fait aussi des Panthers une meilleure équipe ; si ça sert bien les deux équipes, c’est la meilleure situation possible. »

Hughes a apporté deux précisions à propos du choix de premier tour qu’il a obtenu. D’abord, il était essentiel qu’il ne soit pas « protégé », donc conditionnel à sa position réelle en 2023. Par exemple, si les Panthers connaissaient une saison pénible l’an prochain et que le choix se retrouvait dans les 10 premiers, il demeurerait la propriété du Tricolore. « On ne sait jamais comment les saisons se déroulent », a prévenu le DG.

Il a ensuite révélé que, dans les discussions avec les multiples équipes intéressées aux services de Chiarot, le repêchage de 2023 était la clé. Le Canadien s’attend à s’exprimer 3 fois dans les 35 premiers choix en 2022 – son propre choix, celui des Flames de Calgary obtenu contre Tyler Toffoli et son choix de deuxième tour. L’équipe possède en outre 13 choix au total pour le seul repêchage de l’été prochain. À l’évidence, ça semble suffire à l’organisation.

En ce qui concerne Smilanic, un joueur vanté d’abord pour sa vitesse, Hughes l’a vu jouer à de multiples reprises dans le programme de développement américain puis dans la NCAA – le patineur évolue pour les Bobcats de l’Université Quinnipiac, qui ont affronté à quelques reprises les Huskies de l’Université Northeastern, équipe pour laquelle s’alignent deux fils du dirigeant du CH.

Vide

Le rôle que jouera Chiarot à Sunrise devrait différer passablement de celui qu’il remplissait à Montréal. Une place sur le deuxième ou le troisième duo l’attend chez les Panthers, et on ne devrait plus l’employer en supériorité numérique. Son temps de glace, logiquement, devrait diminuer.

Rien à avoir avec le boulot qu’il abattait cette saison avec le Canadien. Match après match, il passait de 22 à 24 minutes sur la glace, dans toutes les phases du jeu. En l’absence de Joel Edmundson et de Shea Weber, et avec les ennuis qu’a connus Jeff Petry, le numéro 8 était devenu l’incontestable leader en défense.

Par conséquent, la place qu’il laisse libre ne sera pas facile à combler. À l’interne, Alexander Romanov est le candidat le plus évident. Il est moins costaud que Chiarot, mais il affectionne le jeu robuste et possède un certain flair offensif.

C’est vers la jeunesse que le CH se tournera pour combler le vide, a confirmé Kent Hughes. Il a évidemment parlé de Kaiden Guhle, choix de premier tour en 2020 et l’un des meilleurs arrières de la Ligue junior de l’Ouest cette saison.

Il souhaite de tout cœur que Jordan Harris signe un contrat avec le Tricolore à la fin de sa saison dans la NCAA. Son coéquipier Jayden Struble pourrait lui aussi faire le saut rapidement, sinon en 2023-2024. Il a aussi évoqué le nom d’Arber Xhekaj, défenseur ontarien invité au dernier camp d’entraînement et reparti avec un contrat en poche.

Comme ils ont tous 21 ans et moins, Kent Hughes n’exclut pas de trouver une solution temporaire, mais pas avant la fin de la saison.

Cela étant dit, il ne cache pas que ce départ pourrait changer à long terme le visage de la défense de son équipe. Son prédécesseur Marc Bergevin a privilégié, dans la dernière portion de son règne, des arrières grands, forts et robustes, parfois au détriment de la mobilité.

Hughes a plutôt rappelé que la nouvelle direction, ainsi que l’entraîneur-chef Martin St-Louis, préconisait une « manière de jouer » plus fluide. « On va continuer à évaluer les choix qu’on fait en fonction » de cette philosophie, a expliqué le DG.

Hommages

Les membres des médias ont été surpris, jeudi matin, de croiser Ben Chiarot au complexe Bell de Brossard. Accompagné de sa fille Emerson, le vétéran est venu ramasser quelques effets personnels et saluer ses coéquipiers une dernière fois.

Il ne sait pas encore à quel moment il rejoindra l’entourage des Panthers. Les félins se trouvent actuellement dans le sud-ouest américain, où ils affronteront les Golden Knights de Vegas jeudi soir et les Ducks d’Anaheim vendredi. On peut se douter qu’il rencontrera ses nouveaux coéquipiers à leur retour en Floride samedi. Si ce scénario se concrétise, il disputerait son premier match contre le Canadien, jeudi prochain, à Montréal.

Bon joueur, Chiarot a dit avoir adoré « chaque minute » qu’il a passée dans l’uniforme bleu-blanc-rouge.

Sa fille n’avait que 2 semaines lorsqu’il a signé son contrat, au cours de l’été 2020 ; les années passées au Québec garderont donc une place importante dans les souvenirs de sa petite famille.

Il savait depuis le début de la saison qu’une transaction était probable, si bien qu’il a fait la paix avec un changement de décor depuis un bon moment. « Ça fait partie de la business, j’ai eu le temps de m’y préparer », a-t-il dit.

Il a rendu hommage à Luke Richardson, entraîneur des défenseurs, qui lui a permis de « franchir un grand pas dans [sa] carrière » et qui lui a donné « la chance d’être le joueur [qu’il] croyait être ». Il a également salué Shea Weber, partenaire devenu grand ami.

À ses yeux, l’équipe qu’il laisse derrière lui pourrait être « compétitive rapidement », et ce, même si la possibilité d’une longue reconstruction n’est pas exclue par la direction. L’arrivée de Martin St-Louis derrière le banc a réénergisé les troupes. Quelques ajouts ou l’éclosion de jeunes joueurs pourraient avoir un effet rapide.

« On a vu, depuis quelques semaines, que cette équipe n’est pas aussi loin [du succès] que l’on croyait », a-t-il souligné.

Peut-être, peut-être pas. Dans tous les cas, en rejoignant l’une des meilleures formations de la LNH, Chiarot est maintenant bien plus près que ses coéquipiers de réaliser son rêve de gagner la Coupe Stanley.