(Burlington, Vermont) On approche l’agent de sécurité assis dans un coin du Gutterson Fieldhouse, la grange qui sert d’aréna des Catamounts de l’Université du Vermont. Le grand ado, bien assis sur sa chaise, ne vit visiblement pas le même stress que ses pairs qui assurent la sécurité de la Maison-Blanche, disons.

On espère tomber, bien sûr, sur Kent Hughes, le nouveau directeur général du Canadien, dont les deux fils jouent pour les Huskies de l’Université Northeastern, adversaires des Catamounts en ce mardi après-midi.

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« Dites-moi, pouvez-vous m’indiquer la section où sont assis les parents et partisans de Northeastern ?

— Les partisans des équipes visiteuses sont généralement dans le coin ici, et un peu derrière le banc. Mais il ne doit pas y en avoir beaucoup ce soir, car quand Northeastern marque, on n’entend pas un bruit ! »

Quatre fois plutôt qu’une, les partisans de Northeastern auraient pu se faire entendre, dans cette victoire de 4-0 contre les Catamounts. Mais si on se fie au très faible achalandage autour de la machine à Coke près du vestiaire, ils étaient en effet peu nombreux à être partis de Boston pour assister au duel.

Mark Colangelo était l’un d’eux. Son fils, Sam, est un choix de 2e tour des Ducks d’Anaheim, qui a inscrit un but dans la victoire.

Avec son gros accent de Boston, il se présente comme « Maaak ». Il tient pour acquis que La Presse a envoyé un journaliste sur place pour parler au gardien de l’équipe, le Montréalais Devon Levi.

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Mark Colangelo

« Non, c’est pour la nomination de Kent Hughes comme directeur général du Canadien. Il a vraiment beaucoup de liens avec Northeastern.

— Ce sont des parents bien normaux, comme tous les autres, répond-il. Il est seulement devenu une vedette… aujourd’hui ! C’est un gars comme un autre. Il est formidable. »

Colangelo connaît Hughes depuis une dizaine d’années, quand son fils s’est joint aux Junior Eagles de Boston, un programme de hockey mineur dans lequel Hughes a longtemps été impliqué. « Il était vif d’esprit, extrêmement intelligent, pas juste sur le hockey, mais sur tout en général. C’est la raison principale pour laquelle j’ai été avec les Eagles », assure Colangelo.

On le sent renversé par la nomination de Hughes comme directeur général du Tricolore, « le poste le plus en vue du hockey, à part peut-être celui de commissaire ».

« Donc, le gars que je connais depuis 11 ans, avec qui j’ai passé des soirées, j’ai bu de la bière, j’ai eu de drôles de conversations est maintenant le directeur général du Canadien de Montréal. Je ne comprends pas. Comment on s’est rendus là ? Mais ça montre à quel point le gars est brillant et humble. Je suis sûr qu’il va faire du bon travail. »

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Hughes était finalement l’un des parents sur place. Il est toutefois arrivé tard, en fin de match.

On devine l’homme occupé. En ce lendemain de tempête, il devait rouler de Boston à Montréal, en vue de la conférence de presse de mercredi, lorsqu’il rencontrera les médias québécois pour la première fois depuis sa nomination. Le hasard faisait en sorte que Northeastern, où jouent ses fils Riley et Jack, était de passage à Burlington. Un arrêt parfait pour couper le trajet en deux.

Hughes ne pouvait pas nous accorder d’entrevue formelle, le Tricolore lui ayant demandé de s’abstenir en attendant le point de presse. De toute façon, l’après-match lui a surtout permis de faire la bise à ses deux fils pour une dernière fois avant un bout.

Au passage, son partenaire de longue date chez Quartexx, Philippe Lecavalier, est venu le saluer. Signe des temps, Lecavalier a passé une partie de sa rencontre à lui expliquer les applications ArriveCan et, surtout, VaxiCode. « Télécharge-la, ça va te la prendre pour rentrer partout », prévient l’agent.

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Jayden Struble fait partie de ceux qui sont venus saluer Hughes.

Le défenseur, choix de 2e tour du Canadien en 2019, est un des désormais anciens clients du nouveau DG du Canadien.

« C’est vraiment cool, c’est une belle occasion pour lui et pour le Canadien, souligne Struble. C’est pas mal cool de connaître quelqu’un qui est directeur général !

Je l’ai connu quand j’étais atome, j’avais 11 ou 12 ans. Il coachait les Junior Eagles. J’étais ami avec ses fils et sa fille. Je connais la famille depuis longtemps.

Jayden Struble

On devine le changement majeur pour Struble, qui voit ainsi son futur agent (théoriquement, les joueurs de la NCAA ont des « conseillers », pas des agents) devenir maintenant l’homme avec qui il devra négocier. « Ce n’était pas vraiment stressant. J’avais surtout hâte que la nouvelle sorte, pour voir s’il a été choisi », répond Struble, un gars qui ne semble pas trop s’en faire avec la vie.

La nomination du jour aura évidemment des répercussions sur son dossier. Le CH a jusqu’en 2023 pour s’entendre avec Struble, sans quoi il deviendra joueur autonome et l’équipe perdra ses droits sur lui. Mais il n’a pas voulu s’avancer. « Honnêtement, je n’ai pas eu le temps d’y penser. Ce sera pour les prochains jours », lance-t-il.

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Après Struble, c’était le tour de Riley et Jack Hughes. Le premier a été repêché par les Rangers de New York (et Jeff Gorton) au 7e tour en 2018, le deuxième est pressenti pour être sélectionné au 1er tour en 2022.

Avant de retrouver leur père, les deux frangins avaient aussi été réunis plus tôt dans la soirée. Au banc des pénalités, en fait, après que Jack se fut porté à la défense de son grand frère, qui avait été plaqué solidement.

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Riley (19) et Jack (27) Hughes

« Les partisans nous narguaient, ils disaient que nos parents devaient être fiers de nous », a raconté Riley, encore amusé par la situation.

Riley Hughes a évidemment été tenu informé des démarches de son père. « Avant même d’y penser, il nous a textés. Il voulait savoir ce que mon frère et moi en pensions, car sa décision aurait un gros impact sur nous. Au début, c’était bizarre, c’est un gros changement de vie pour lui. Je pensais qu’on allait déménager et j’étais hésitant. Mais c’est une belle occasion pour lui. Il est toujours prêt pour un défi. Mais ça m’a pris du temps à m’habituer, car j’étais un partisan des Bruins quand j’étais petit !

« Mais j’ai hâte de voir comment il va se débrouiller. Il nous a coachés, mon frère et moi, et après nous, il a continué à coacher des jeunes, car il ne pouvait pas s’éloigner du hockey. Son travail était de représenter des joueurs. Je pense qu’il est fait pour ce travail-là. Les médias de Montréal, c’est du sérieux, mais il ne se laisse pas déconcentrer par ça. C’est le gars parfait pour cette job-là. Mais ce sera un ajustement de devenir partisan du Canadien. »

Quand on parlait des liens entre Jeff Gorton et Kent Hughes, le cas de Riley Hughes était souvent remis sur le tapis, car Gorton était DG des Rangers et avait effectué une transaction à la toute fin du 7e tour en 2018 pour le repêcher.

Riley Hughes assure ne rien savoir des tractations qui ont mené à sa sélection. Mais il se rappelle que son père « parlait souvent à Jeff, comme il parlait aux autres DG. Souvent, Jeff disait à la blague qu’il voulait que mon père travaille avec lui chez les Rangers. Peut-être qu’il ne blaguait pas, finalement ! ».