Sans trop le savoir, les Oilers d’Edmonton ont réussi un tour de force, mardi, en battant les Sénateurs d’Ottawa 3-2.

Ils ont en effet gagné malgré le fait que Connor McDavid et Leon Draisaitl ont été blanchis de la feuille de pointage. Pas de but, pas de mention d’aide pour les deux attaquants, qui sont respectivement premier et deuxième pour les points cette saison dans la LNH.

La dernière fois que les Oilers avaient remporté un match sans le concours de messieurs 97 et 29 ? Il faut remonter à la douloureuse époque où Jakub Jerabek, Joe Morrow et Karl Alzner formaient la moitié de la défense du Canadien : c’était le 28 novembre 2017.

Depuis ce temps, les Oilers ont disputé 225 matchs. McDavid a été blanchi 48 fois, Draisaitl, 61 fois. À 28 reprises, les deux ont été blanchis dans le même match. Résultat : 28 défaites.

« Ce sont deux joueurs clés de notre équipe qui jouent dans des situations offensives. Ça en dit surtout long sur l’impact qu’ils ont à chaque match. La plupart des soirs, ils vont obtenir des points. On parle d’un faible pourcentage des matchs où ils n’en ont pas, et dans ces cas-là, le reste de l’équipe prend le relais », a répondu l’entraîneur-chef des Oilers, Dave Tippett, en visioconférence mercredi matin, à la veille du duel contre le Canadien au Centre Bell.

Des minutes mal réparties

Selon ce qu’on entend dans les milieux bien branchés du hockey, le Canadien aurait amélioré sa profondeur cette saison. À Edmonton, les Oilers sont à la recherche de cette damnée profondeur depuis des années, et la statistique évoquée précédemment en dit long sur le sujet.

Les Oilers ont bon espoir que cette année sera la bonne. Lors du passage du Tricolore en Alberta le mois dernier, Alex Chiasson avait assuré qu’il y avait là une amélioration cette saison.

Or, cette prétendue meilleure profondeur ne paraît pas encore dans la colonne des marqueurs. Vous voulez une autre statistique folle ? À eux deux, McDavid et Draisaitl totalisent 52 points cette saison. Les 15 autres attaquants que les Oilers ont employés jusqu’ici : 52 points aussi.

Le contraste entre les deux équipes qui s’affronteront ce jeudi est saisissant (statistiques avant les matchs de mercredi).

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Points des attaquants des Oilers

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Points des attaquants du Canadien (avant le match de mercredi)

Pourtant, Tippett persiste et signe : le talent est mieux réparti au sein de son groupe d’attaquants.

« Je préfère notre profondeur cette année. Vous devez vous rappeler que Connor et Leon prennent une grosse partie de l’avantage numérique. Donc notre production secondaire est inférieure à ce qu’elle devrait être. En temps normal, tes joueurs de production secondaire ont du temps en avantage numérique, mais ces gars-là [McDavid et Draisaitl] jouent 1 min 40 s, 1 min 45 s par avantage numérique, donc les autres ont moins de temps.

« Cela dit, on a des joueurs qui peuvent produire, et la défense fait partie de notre attaque. On est plus avancés que l’an dernier, mais on veut être une équipe équilibrée. C’est comme ça qu’on devient une bonne équipe. »

Bref, les Oilers ont plus de profondeur, mais pas au point de priver leurs meilleurs joueurs des précieuses minutes en avantage numérique, une décision qui se défend quand on connaît le talent des joueurs concernés.

McDavid (5 min 6 s par match), Draisaitl (5 min 10 s) et Ryan Nugent-Hopkins (5 min 12 s) sont en effet les trois attaquants les plus utilisés en avantage numérique dans la LNH cette saison. Dans les circonstances, Tippett modère donc ses attentes quant à la production des neuf autres attaquants en uniforme.

« La production secondaire est très importante. Connor et Leon enlèvent une partie de cette responsabilité-là à nous, les joueurs des deux derniers trios, a fait remarquer l’attaquant Josh Archibald. Ils facilitent notre travail, mais on doit aussi faciliter le leur. Ils n’auront pas trois ou quatre points tous les soirs, même si on aimerait ça. Les deux derniers trios doivent aussi donner un coup de pouce et on l’a fait ces derniers matchs. On est également capables de marquer. »

Des défenseurs offensifs

Les Oilers obtiennent toutefois une contribution inattendue de leur défense, comme l’évoquait Tippett. Ainsi, dans la victoire à Ottawa, les trois buts ont été inscrits par des défenseurs : Darnell Nurse, Evan Bouchard et Tyson Barrie.

La formation albertaine n’a pas été exactement gâtée en termes de défenseurs offensifs depuis, disons, les belles années de Janne Niinimaa. Au cours des 10 dernières années, seul Nurse (41 points en 2018-2019) a franchi la barre des 40 points.

Mais jusqu’ici, les défenseurs de Tippett totalisent 11 buts, soit autant que ceux du Tricolore (qui ont toutefois joué trois matchs de moins). Les Oilers comptent aussi deux défenseurs parmi les 10 plus productifs de la LNH cette saison, soit Nurse et Barrie, ex æquo avec 11 points.

Leur production permet de faire oublier l’absence d’Oscar Klefbom, perdu pour la saison.

En bref

Quand Guy Lafleur a fait mal à Dave Tippett

Derrière son allure un peu bourrue, Dave Tippett demeure un entraîneur à qui il faisait bon parler après les entraînements, à l’époque où les mêlées de presse se faisaient en personne. Les visioconférences sont nettement moins conviviales que ne pouvaient l’être les points de presse d’autrefois, mais Tippett s’est ouvert lorsqu’un confrère d’Edmonton l’a interrogé sur ses souvenirs de Montréal en tant que joueur. Tippett aurait pu se réfugier dans les formules creuses sur les fantômes du Forum, mais il a plutôt raconté une bonne histoire mettant en vedette Guy Lafleur.

« Le vieux Forum était un endroit incroyable où jouer, a rappelé Tippett. Ça devait être mon premier ou deuxième match au Forum, quand je jouais pour les Whalers. J’étais arrivé tôt pour l’entraînement matinal, j’étais là à simplement regarder la patinoire et Guy Lafleur est arrivé tôt, il s’exerçait aux tirs sur réception du côté opposé, pour l’avantage numérique. Il tirait toutes les rondelles tout juste sous la barre horizontale. J’étais alors utilisé en désavantage numérique, je le regardais aller et je me disais : ‟Je vais devoir bloquer ces tirs-là ce soir !” Arrive le match, et dès leur premier avantage numérique, je le vois tirer et il m’atteint directement sur l’orteil ! Je lui ai dit : ‟Je t’ai regardé ce matin, t’as tiré 50 rondelles sous la barre horizontale et là, tu me tires sur l’orteil ? C’est la première fois que tu tires bas !” Ça a brisé mon patin. »

Pour la petite histoire, le match s’est vraisemblablement joué le 8 mars 1984, car c’est la seule fois que Tippett a joué à Montréal avant la première retraite de Lafleur. Le Canadien l’avait emporté 3-2, grâce à un doublé de Perry Turnbull. C’était aussi le premier des 1651 matchs de Chris Chelios dans la LNH…

Maintenant deux gardiens !

Les Oilers ont salué lundi le retour au jeu de Mike Smith. Mikko Koskinen avait jusqu’ici Stuart Skinner comme auxiliaire, mais ce dernier demeure jeune et sans expérience, et a obtenu un seul départ. Koskinen est donc premier dans la LNH cette saison avec 13 départs, ce qui n’est pas une bonne nouvelle quand le gardien en question montre une moyenne de 3,43 et une efficacité de ,895.

« C’est un gros facteur et l’an passé, nos deux gardiens ont mieux joué quand ils se séparaient le travail, a rappelé Tippett. Le retour de Smith fera en sorte que nos deux gardiens seront mieux reposés. On a eu besoin d’arrêts aux bons moments et Koskinen les a faits mardi. » Tippett n’a pas dévoilé qui serait son gardien ce jeudi.

Sont-ils meilleurs ?

La question à 1000 $ est maintenant de savoir si les Oilers auront meilleure mine cette fois que lors de la visite du Tricolore le mois dernier. Montréal avait alors signé des victoires de 5-1 et 3-1. « On joue mieux maintenant qu’à ce moment-là », assure Tippett.

Depuis, les Oilers montrent en effet une fiche de 7-4-0, mais attention : quatre de ces victoires ont été enregistrées aux dépens des Sénateurs d’Ottawa, qui occupent le 31e rang du classement général. Remarquez que ça n’a pas empêché Ottawa de donner toute une opposition au Canadien ces derniers jours…