Jusqu’à quel point peut-on – ou veut-on, plutôt – s’accrocher au hockey professionnel ? Chaque joueur des ligues mineures se pose invariablement la question à un moment ou à un autre.

Alexis Gravel vient de passer par là. Et il n’a pas tardé à y répondre, le plus franchement du monde, alors qu’il se retrouvait devant l’inconnu quant à son avenir. « Ça n’a pas de bon sens, faire ça toute ma vie. »

Récemment libéré par les Americans d’Allen, dans l’ECHL, le gardien de 21 ans amorcera au cours des prochains jours un nouveau chapitre de sa vie et de sa carrière. Moins de deux mois après avoir côtoyé les joueurs du Canadien au camp d’entraînement de l’équipe, il enfilera un nouvel uniforme, celui des Patriotes de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

Dire que les dernières semaines ont été chargées pour l’ancien des Mooseheads d’Halifax, dans la LHJMQ, est un euphémisme. Invité au camp des recrues du Canadien à la mi-septembre sur un contrat d’essai, il a par la suite participé au camp principal – « dans la meilleure forme de ma vie », précise-t-il.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Alexis Gravel 9 (à droite) au camp des recrues du Canadien

Retranché deux semaines plus tard, il s’est rapporté au Rocket de Laval, dans la Ligue américaine, encore là dans l’espoir de signer un contrat. Or, l’effectif devant le filet était déjà complet non seulement dans cette équipe, mais aussi dans la filiale des Lions de Trois-Rivières, dans l’ECHL. La déception a été vive pour celui qui espérait volontiers jouer au Québec pour la première fois depuis les rangs bantam.

L’appel des Americans est alors venu. Direction Allen, au Texas, dans l’espoir d’y rester jusqu’à Noël. « Après, on verra », se disait-il.

L’expérience n’a finalement duré que trois semaines. En raison du retour inattendu du premier gardien du club, Antoine Bibeau, il y a eu congestion dans le demi-cercle. Et c’est Gravel qui a écopé. Retour à la case départ, donc.

L’ECHL fonctionnant en vertu d’un plafond salarial hebdomadaire, certains joueurs peuvent rapidement devenir des nomades. Et le Québécois n’avait pas envie de ce mode de vie.

« Tu peux te faire libérer ou échanger n’importe quand, il n’y a pas de stabilité, dit-il au bout du fil. Ce n’est pas une ligue facile, c’est très ouvert. Je me suis dit : ça n’a pas de bon sens, faire ça toute ma vie. Va faire tes études, passe trois ou quatre ans avec les Patriotes. »

Enthousiasme

Mettre en veilleuse son rêve de devenir un hockeyeur professionnel n’est bien sûr pas une décision qu’Alexis Gravel a prise de gaieté de cœur. Son virage vers le hockey universitaire, il l’emprunte toutefois avec beaucoup d’enthousiasme.

Sa sœur étudie déjà à l’UQTR. Son père, François Gravel, lui aussi gardien de but et ex-choix de troisième tour du Canadien en 1987, y a passé une saison avant de s’envoler pour l’Europe pour faire carrière en France, en Allemagne (où est né Alexis) et en Italie.

Sur le plan scolaire, d’abord, Alexis a eu un avant-goût de l’université, à Halifax, où il avait le statut d’étudiant libre. Se décrivant comme un élève qui doit travailler fort pour avoir de bonnes notes, il amorcera maintenant un baccalauréat en administration.

Sur le plan hockey, ensuite, il s’initiera à un calibre qui l’a franchement surpris lorsqu’il a assisté au premier match local des Pats, dimanche dernier. « Je n’en revenais pas à quel point c’était du bon hockey ! », s’exclame-t-il.

Les gars sont tous des anciens du junior. C’est dommage qu’on n’en parle pas davantage.

Alexis Gravel

En réalité, le flirt entre Gravel et les Patriotes avait commencé pendant l’été. Il est allé visiter le campus et les installations sportives. L’UQTR était son « plan A » … s’il jouait dans la ligue universitaire. Car son vrai plan A, c’était de jouer chez les professionnels. Ce qui n’est pas arrivé, mais qui pourrait toujours se produire plus tard, sait-on jamais. « Je vais être un meilleur gardien à 24-25 ans qu’à 21 ans », prédit-il.

Voilà en outre qu’un heureux concours de circonstances a fait en sorte qu’un poste de gardien se libérait à Trois-Rivières, puisque Zachary Bouthillier a fait le chemin inverse en se trouvant du boulot à temps plein dans l’ECHL.

Sur le plan personnel, enfin, Alexis Gravel a le sentiment de poser ses valises. Les premières années de sa vie, il les a passées en Europe, au gré de la carrière de son père. Après un retour de quelques années au Québec, c’est cette fois l’emploi de sa mère qui l’a amené à jouer en Ontario, pour les Senators de Mississauga. Il a ensuite disputé toute sa carrière junior en Nouvelle-Écosse. Dans l’intervalle, il a aussi participé à deux camps d’entraînement des Blackhawks de Chicago, équipe qui l’a repêché au sixième tour en 2018, mais avec laquelle il n’a jamais signé de contrat.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER @NHLBLACKHAWKS

Alexis Gravel avec les Blackhawks de Chicago

En Mauricie, il sera proche de sa sœur, de ses parents et de ses grands-parents. « Je me rends compte à quel point c’est positif. Je suis vraiment content », dit-il.

« J’ai hâte de commencer ! », ajoute-t-il, fébrile.

À Trois-Rivières pour y rester

L’entraîneur-chef des Patriotes, Marc-Étienne Hubert, le confirme : son nouveau joueur est gonflé à bloc. Il rejoindra ses coéquipiers au cours des prochains jours.

En réalité, Gravel est loin d’être le premier dans sa situation. Depuis 10 ou 15 ans, constate Hubert, les études sont bien davantage mises en valeur auprès des jeunes hockeyeurs. « Les gars ont cette ouverture-là, de vouloir faire un bac d’abord en continuant de progresser vers les rangs professionnels. Ça a évolué, et le calibre de la ligue aussi. Ça aide les gars à prendre leur décision. »

Malgré la déception d’un rêve qui s’érode, jamais n’a-t-il vu arriver un joueur la tête entre les jambes, assure-t-il. « On ne voudrait pas de gars qui se retrouvent ici par défaut. »

Alexis Gravel est d’ailleurs catégorique : porter le chandail des Patriotes n’est pas un prix de consolation. Un contrat d’entrée de la LNH pourrait le faire flancher, mais rien n’est sur le radar. Jusqu’à nouvel ordre, il est un étudiant-athlète.

Je recevrais une offre à deux volets de la Ligue américaine que je ne l’accepterais pas.

Alexis Gravel

À Trois-Rivières, il partagera le filet avec Tristan Côté-Cazenave. Il ne sait pas encore quelle charge de travail l’attend. Pour tout dire, il ne s’en fait pas trop.

« Quand on va me donner le filet, ce sera à moi de le garder. C’est comme ça que ça marche. »

Les Patriotes disputeront leur prochain match vendredi en accueillant les Gee-Gees de l’Université d’Ottawa.