(Québec) Guy Lafleur était maître pour soulever les foules tout au long de sa brillante carrière. Mercredi à Québec, c’est la foule qui l’a soulevé quand, au fil d’un discours émotif, les larmes ont pris le dessus.

« C’est pas facile. C’est pas… », s’est arrêté l’homme de 70 ans, qui combat depuis un an une récidive de son cancer du poumon.

Guy Lafleur était à Québec, « la ville où tout a commencé » pour lui, afin de dévoiler une nouvelle statue érigée en son honneur. Quand Lafleur s’est arrêté de parler, la petite foule amassée près du Centre Vidéotron a volé à son secours.

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

« On t’aime, Guy », a lancé un des spectateurs. « Prends ton temps, Guy », a renchéri un autre.

L’homme a marqué une pause, retrouvé ses moyens, puis a poursuivi son discours.

« Une carrière passe tellement vite. Je me souviens qu’à l’époque, j’étais en train de déjeuner chez Jean Béliveau et il me disait : ‟Tu vas voir, ça passe vite” », s’est souvenu Lafleur, arrivé à Québec à 14 ans pour finalement mener une brillante carrière junior avec les Remparts.

« Je me disais : “J’ai 19 ans, ça ne passera pas si vite que ça.” Mais je dois vous avouer que je ne l’ai pas vue passer. »

« Je vis au jour le jour, mais je m’arrête souvent pour apprécier. Quand on est jeune, on prend tout pour acquis, on n’apprécie pas. C’est normal, ça nous est dû », a continué le Démon blond.

« Je pense que vieillir aujourd’hui, c’est un privilège qu’on a. On doit en savourer chaque moment. C’est ce que je fais. »

« Il a les meilleurs soins possibles »

Guy Lafleur n’en est pas à ses premiers honneurs. La place du Centenaire au Centre Bell a une statue à son effigie depuis 2008. Sa ville natale de Thurso en a dévoilé une autre quelques années plus tard.

Celle de Québec est la dernière en date. Il ne s’agit toutefois pas de la moindre, puisque Lafleur, gravement malade, a choisi d’être sur place pour le dévoilement.

« Les Remparts, ça le ramène dans tous ses souvenirs, dans ses débuts. C’est pour ça qu’il y a eu beaucoup d’émotions tantôt », a noté son fils Mark.

« C’était très important pour lui d’être ici. C’est une belle reconnaissance de la ville où tout a commencé », a renchéri son fils Martin.

Comment se porte son père ? Guy Lafleur prend les choses « une journée à la fois ». « C’est une maladie qui touche tous les aspects de sa vie, note Martin. Il a les meilleurs soins possibles avec le CHUM. Il prend ça une journée à la fois pour essayer de passer à travers ça. »

Le fait d’armes de Lafleur, ce sont bien sûr ses cinq Coupes Stanley remportées avec le Canadien de Montréal. Mais c’est dans la capitale que Lafleur est devenu pour la première fois une vedette.

« Si Guy Lafleur n’est pas avec les Remparts en 1969, peut-être que les succès des Remparts n’auraient jamais existé, qu’il n’y aurait pas eu de Coupe Memorial en 1971. Est-ce que les Nordiques seraient arrivés ? Probablement pas non plus », analyse Marc Durand, auteur du tout nouvel ouvrage Guy Lafleur, la naissance d’une idole.

Immortel

La statue de Québec a une allure complètement différente de celle, plus classique, devant le Centre Bell. On y voit le Démon blond qui défonce littéralement un filet. Elle s’intitule Trop fort pour la ligue.

Mercredi était aussi dévoilée une statue de l’ancien des Nordiques Réal « Buddy » Cloutier conçue par l’artiste Jean-Robert Drouillard.

  • L’œuvre intitulée Trop fort pour la ligue représente le Démon blond qui défonce un filet de ses tirs.

    PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

    L’œuvre intitulée Trop fort pour la ligue représente le Démon blond qui défonce un filet de ses tirs.

  • Réal Cloutier pose fièrement devant l’œuvre de Jean‑Robert Drouillard.

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    Réal Cloutier pose fièrement devant l’œuvre de Jean‑Robert Drouillard.

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L’allée commémorative située sur la place Jean-Béliveau, à côté du Centre Vidéotron, compte donc désormais des statues de Jean Béliveau, des frères Stastny, de Joe Malone, de Réal Cloutier et de Guy Lafleur.

« Le but, c’était d’aller chercher des artistes contemporains pour avoir des propositions qui parlent de hockey d’une manière différente que le traditionnel bronze », explique l’artiste derrière la statue de Lafleur, Guillaume Tardif.

Régis Labeaume était sur place pour l’évènement. La statue a été commandée par la Commission de la capitale nationale et la Ville de Québec.

Comme Lafleur, Labeaume aussi arrive à l’heure des bilans. Le bouillant maire mettra fin à sa carrière politique le 7 novembre, jour du scrutin municipal.

« Même si ses meilleures années professionnelles ont été passées à Montréal, on lui pardonne. Il nous a fait plaisir de terminer sa carrière à Québec, a dit Régis Labeaume. J’étais là le soir de son retour à Québec, je n’ai jamais vu autant d’émotion dans un amphithéâtre. »

« Guy, tu nous as fait tellement tripper, fait tellement plaisir, t’as créé tellement de bonheur dans nos vies et pour ça, on te remercie. »

Guy Lafleur aussi avait des remerciements pour la ville de Québec et pour ses partisans. « Merci de m’avoir rendu immortel, entre guillemets. »

Un autre honneur attend Guy Lafleur. Jeudi soir, avant le match entre les Remparts et les Cataractes, la Ligue de hockey junior majeur du Québec va retirer à jamais son numéro 4. Un seul autre joueur a reçu cette distinction dans l’histoire de la ligue. Il s’agit de Sidney Crosby.