(Montréal) Il y a dans les séries de défaites, comme au patinage artistique, toute une série de figures imposées.

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Sans ordre distinctif : rester positif, revenir à la base, respecter le plan de match, honorer le processusMD. Et, dans le cas qui nous occupe, rappeler que la saison est longue et qu’on saura bien se reprendre.

La victoire qui conjure le mauvais sort vient aussi avec sa chorégraphie bien à elle, principalement développée autour des thèmes de la persévérance et des vertus du travail acharné. Dans les mots de Mike Hoffman : « C’était une question de temps avant que les résultats arrivent. »

Mais loin derrière les lignes de presse formatées et les phrases de motivation d’usage, il y a la vérité la plus crue. Celle qui révèle le poids d’une séquence de cinq défaites consécutives, dont deux brutales, pour amorcer une saison.

« Ç’a été les 10 jours les plus longs », a résumé l’entraîneur-chef du Canadien, Dominique Ducharme, après que ses hommes eurent signé une victoire sans appel de 6-1 contre les Red Wings de Detroit dans un Centre Bell extatique qui, visiblement, ne demandait qu’un prétexte pour signifier son amour sur son équipe favorite.

Pour Ducharme, l’apprentissage à tirer de cette série malheureuse est facile à cerner : « On ne veut pas retourner là. Personne ne veut revivre ce sentiment. »

Au cœur de la crise, « tu rentres à la maison et il est encore avec toi », et ce, « même si tu ne veux pas y penser ».

« On comprend à quel point notre jeu a besoin d’urgence, de compétitivité, a-t-il poursuivi. Est-ce qu’on sera parfait ? Non. Mais ça va nous rendre meilleurs. »

Cette « urgence » dont parle l’entraîneur, on l’a sentie pour une rare fois cette saison après le premier but des Red Wings. Il s’agissait de la troisième fois, cette semaine seulement, que le Tricolore laissait son adversaire briser la glace. Mardi dernier, les Sharks de San Jose ont mis 2 min 14 s à doubler leur avance. Le surlendemain, les Hurricanes de la Caroline n’ont eu besoin que de 1 min 49 s pour faire passer le pointage de 1-0 à 2-0.

À juste titre, Ducharme avait rappelé, samedi matin, que même en concédant le premier but, « il faut jouer les 60 minutes au complet ».

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Ben Chiarot, Christian Dvorak et Jeff Petry devant le filet de Jake Allen

C’est finalement ce que son club lui a donné. On a néanmoins senti une certaine hésitation après que les Wings eurent frappé, et ça se comprend. Jonathan Drouin, encore en matinée, avait avoué qu’avec une fiche comme celle du CH, la nervosité s’installait rapidement.

Or, cette fois, on a fermé le robinet par l’entremise de Ben Chiarot. Et deux minutes plus tard, Hoffman ouvrait une autre vanne, celle de l’attaque, qui a produit en une soirée plus de buts qu’elle n’en avait marqué au cours des cinq matchs précédents.

« On était dans un meilleur état d’esprit, a témoigné le deuxième numéro 68 de l’histoire du club. Personne ne s’est apitoyé [après le but des Wings], on s’est tout de suite remis au boulot. »

Ducharme, sur le même sujet : « On a beaucoup parlé de confiance, mais c’est plus facile d’en parler [que de l’appliquer]. On s’est aussi dit que peu importe ce qui arrive, on devait demeurer concentrés sur la façon de faire les choses et qu’à la fin du match, on regarderait le résultat sur le tableau. Les gars sont restés là-dedans. »

« Ça nous a fait du bien de jouer avec l’avance, on a pu bâtir notre jeu là-dessus. »

Soirée magique

Au 11e jour de cette saison, donc, la lumière a jailli. Pour toute l’équipe, certes, mais pour Mathieu Perreault en particulier, qui a réussi le troisième tour du chapeau de sa carrière.

Puisqu’il a déjà marqué quatre buts dans un même match à l’époque où il jouait pour les Jets de Winnipeg, cette performance n’est pas, sur papier, le plus haut fait d’arme de sa carrière à ce jour.

Or, cette fois-là, la foule n’avait pas scandé « Perreault ! Perreault ! Perreault ! » pendant qu’on ramassait les casquettes sur la patinoire, a-t-il avoué.

Car le public du Centre Bell lui en a donné pour son argent en lui réservant une ovation d’une rare énergie. De celles qu’on retient depuis des jours, faute d’occasion de célébrer. Mais aussi de celles qu’on prépare depuis des années à un gars du coin. Le Drummondvillois est en effet devenu le premier Québécois depuis Vincent Damphousse, en 1998, à marquer trois buts pour le Canadien au Centre Molson/Bell.

« Les gens attendaient ça, a suggéré Dominique Ducharme. L’an passé, on a eu un parcours que les gens ont aimé. Ça leur a donné de l’énergie, et je pense qu’ils voulaient le redonner aux joueurs. »

Le héros du match, lui, a parlé d’une expérience « tout simplement incroyable ».

« Quand la foule a chanté mon nom, j’avais des frissons, a-t-il avoué. C’est le genre de moment spécial dont tu sais que tu t’en souviendras le reste de ta vie. »

« J’ai voulu m’imbiber de ce moment, car peut-être que je ne revivrai jamais ça. Je voulais en profiter le plus possible. »

Puis, réaliste, il a rappelé que son équipe n’avait, finalement, remporté qu’une victoire. Maintenant, « il faut en gagner une autre ». Pas mal d’autres, pourrait-on ajouter, pour remplir le trou que s’est creusé le Canadien depuis son match inaugural à Toronto.

Dans le détail

Enfin du soutien pour Allen !

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Jake Allen

1, 1, 0, 1. Cette triste série de chiffres représente le soutien offensif qu’avait reçu Jake Allen jusqu’ici cette saison. La situation n’est pas le propre de cette saison, cela dit. Avant le festival offensif de samedi, le Canadien a marqué en moyenne 2,04 buts par match quand Allen était devant son filet depuis ses débuts avec le CH en janvier 2021. Parmi les 70 gardiens qui ont disputé au moins 10 matchs depuis janvier, Allen venait donc au 66e rang pour le soutien offensif reçu. Il importe toutefois de noter qu’Allen n’a pas seulement surfé sur une bonne performance de son équipe. Il a fait son bout de chemin en réalisant des arrêts importants, notamment au tout début du match, lorsqu’il a repoussé Adam Erne en échappée, de même qu’en fin de deuxième période, pour empêcher les Wings de reprendre vie juste avant l’entracte.

Décision audacieuse de Blashill

Non, on ne parle pas du gardien retiré à 5-1, mais plutôt du fait qu’on a laissé de côté Filip Hronek, défenseur numéro 1 des Red Wings. Après le match, Jeff Blashill a confirmé que Hronek n’était pas blessé et que son retrait de la formation était une « décision de l’entraîneur ». Son absence s’ajoutait à celle de Tyler Bertuzzi, qui est resté à Detroit parce qu’il n’est pas vacciné contre la COVID-19. « On a huit défenseurs de calibre de la LNH. On a décidé de rentrer [Troy] Stecher dans la formation et quelqu’un devait en sortir », a sèchement expliqué Blashill. Le coach n’était clairement pas d’humeur à discuter de sa décision, mais on devine qu’elle ne se prend pas à la légère. Hronek est, encore cette saison, le défenseur le plus utilisé de son club et joue 23 minutes par match depuis deux ans. Avec la quantité de surnombres accordés au CH, disons que les attaquants des Wings n’ont pas exactement aidé leurs défenseurs à survivre en l’absence de Hronek.

Rentrée réussie

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Sami Niku, 2e étoile du match

On devine que Sami Niku a gagné le droit de disputer au moins un autre match ! Le Finlandais a cumulé deux aides à son entrée en scène chez le Tricolore, dont une au terme d’un bel échange avec Christian Dvorak, qui a mené au but un peu chanceux de ce dernier. Niku a alimenté l’attaque comme il le faisait à ses belles années avec le Moose du Manitoba, où il avait connu une campagne de 54 points en 76 matchs. Des bémols, cependant : même s’il a préparé le but de Mike Hoffman, sa vague d’avantage numérique n’a pas généré beaucoup de pression en zone adverse. Et on rappellera que c’était un match dénué de toute forme de robustesse. Les Red Wings n’ont distribué que 15 mises en échec, dont aucune contre Niku. À 176 lb, il n’est évidemment pas le mieux outillé pour se défendre contre des patineurs de 200 lb qui arrivent à fond la caisse.

Ils ont dit

On a connu un assez bon départ, mais on a pris trois pénalités de suite. Ils ont commencé à gagner du momentum, et on l’a mal géré. Ils s’en nourrissent et on n’a pas arrêté de se tirer dans le pied. Il y a eu des trois contre deux, des quatre contre deux, des deux contre un, des échappées, on n’arrêtait pas de leur en donner. C’était comme une avalanche.

Marc Staal, défenseur des Red Wings

On a donné [au Canadien] d’assez bonnes chances. Il y a eu un but sur une déviation sur un patin, un deux contre un, un trois contre deux. [Weiss] n’a rien à se reprocher. On ne le soutenait pas assez.

Staal, au sujet du gardien partant des Wings, Thomas Greiss

C’était surréel de jouer devant ces partisans. J’attendais ce moment, je suis très content qu’on ait gagné.

Sami Niku

Je suis tellement content pour lui, il travaille si fort au quotidien. C’est un gars qui vient de la région ici, il a grandi en admirant le Canadien, c’est un moment spécial pour lui et sa famille. Je suis sûr que lorsqu’il était enfant, il rêvait d’entendre “Perreault” dans le Centre Bell. C’est un bon gars, un bon coéquipier, je suis content qu’il soit avec nous.

Ben Chiarot, au sujet de Mathieu Perreault

Nos défenseurs ont bien joué. Si je passais les joueurs un à un, ce que je vais faire, je pense qu’on a eu plus d’attaquants que de défenseurs qui ont joué sous leur niveau habituel. La plupart de nos défenseurs ont joué au niveau dont ils sont capables ou même au-dessus.

Jeff Blashill, entraîneur-chef des Red Wings

En hausse

Mathieu Perreault

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Mathieu Perreault

Son rôle exact au sein de cette attaque reste encore à préciser, mais il a certainement joué son meilleur match depuis sa récente arrivée à Montréal. Ah oui, il a aussi réussi un tour du chapeau !

En baisse

Nick Suzuki

Sa complicité avec Mike Hoffman et Brendan Gallagher n’est pas naturelle à cinq contre cinq, et leur trio a été le plus effacé du Canadien dans cette victoire convaincante. À au moins deux reprises, il a perdu la rondelle en zone adverse après l’avoir gardée une éternité.

Le chiffre du match

4/5

Le match venait à peine de commencer lorsque Ben Chiarot a écopé de sa cinquième punition mineure cette saison. Pour la quatrième fois, l’adversaire en a profité pour marquer.