Le 20 juillet dernier, le Canadien annonçait l’embauche de Jean-François Houle comme entraîneur-chef du Rocket de Laval. Au milieu d’un été où le Tricolore a perdu son capitaine, laissé son joueur de concession sans protection au repêchage d’expansion et sélectionné un espoir au passé trouble, l’arrivée de Houle est passée relativement inaperçue. Qui est donc celui qui sera responsable de la relève ?

Été 2011. L’aventure du Junior de Montréal prend fin après trois ans. L’équipe déménage dans la couronne nord et devient l’Armada de Blainville-Boisbriand.

La relocalisation est une chose, mais voilà que le 22 juillet, l’entraîneur-chef de l’équipe, Pascal Vincent, est confirmé dans son poste d’adjoint chez les Jets de Winnipeg. À moins d’un mois du camp d’entraînement, l’Armada doit trouver un pilote.

Heureux hasard, les MAINEiacs de Lewiston ont mis la clé sous la porte quelques mois plus tôt. Un jeune entraîneur-chef du nom de Jean-François Houle est donc disponible. Le 1er août, l’Armada officialise son embauche.

Raphaël Pouliot se souvient de cette transition un peu chaotique. Celui qui est aujourd’hui dépisteur pour les Golden Knights était alors attaquant pour le Junior, puis l’Armada.

« Il n’a pas eu beaucoup de temps en arrivant, donc le système était simple, raconte Pouliot. Il avait son système en zone défensive, mais offensivement, tant que tu te repliais, il nous laissait être créatifs.

« Avant, une entrée de zone, il fallait que ce soit de telle façon. Nous, on avait quatre trios, c’était quatre entrées de zone différentes. Mon père [Mario Pouliot] coachait à Baie-Comeau dans ce temps-là, et m’avait dit : “J’ai étudié toutes vos entrées de zone, je ne trouve pas de tendance !” »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-François Houle était âgé de 36 ans lorsqu’il a pris les commandes de l’Armada de Blainville-Boisbriand, à l’été 2011.

L’Armada conclut cette saison 2011-2012 avec une fiche de 40-22-6. C’était pourtant un club que l’on croyait en début de cycle, puisqu’il avait perdu l’année précédente bon nombre de joueurs devenus professionnels.

Il n’avait eu aucun temps pour se préparer, tout le monde nous voyait finir 17es sur 17 équipes, et on a fini 1ers de notre division. Mais il avait réussi à mettre tout le monde à l’aise.

Raphaël Pouliot

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Mettre tout le monde « à l’aise », voilà une habitude qu’il cultive depuis longtemps.

Fils de Réjean Houle, né en plein milieu de la carrière de joueur de son père, il a connu les vestiaires de hockey – celui du Canadien, rien de moins – à un jeune âge.

À l’Université Clarkson au milieu des années 1990, c’était son tour d’en faire baver à ses coéquipiers, comme tout bon joueur de hockey sait le faire. Ses mauvais coups sur le campus étaient notoires. Un de ses classiques : pendant une tempête de neige, il avait enseveli la Corolla de son coéquipier Todd White.

« C’était de la neige vraiment collante, se souvient l’agent de joueurs Philippe Lecavalier, qui a porté les couleurs de Clarkson pendant quatre ans avec Houle. Mais on n’avait pas prévu qu’il ferait très froid dans la nuit ! Le lendemain, Todd a manqué son cours du matin parce qu’il essayait de dégeler son auto. Il était en furie contre moi, il pensait que c’était mon idée ! »

Lecavalier a habité un an avec Houle. « Je n’étais pas capable de supporter la saleté. Et JF le savait, admet le grand frère de Vincent Lecavalier. Une fois, pendant un party à notre appartement, il lance un bout de viande hachée au plafond, qui colle là. Il me dit : “Phil, il va falloir que tu l’enlèves, c’est toi qui ne seras pas capable de vivre avec ça.” Je ne pouvais pas lui donner raison, alors j’ai enduré le morceau de viande au plafond pendant un bon mois et demi ! À la fin, c’était épouvantable, c’était rendu noir ! »

Gerry Fleming est lui aussi bien au fait de la réputation de Houle. Ce Montréalais, ancien espoir du Canadien, a eu Houle comme coéquipier à Fredericton dans la Ligue américaine (LAH) en 1997-1998, comme capitaine (Fleming était entraîneur-chef) à Tallahassee dans la Ligue de la côte Est en 2000-2001 et comme entraîneur adjoint à Bakersfield (LAH) de 2015 à 2018.

« Si tu avais le malheur de lui tourner le dos, il y avait du tabasco dans ton café ! », se souvient Fleming, au bout du fil.

Au-delà des blagues, Fleming voyait bien qu’il avait un meneur d’hommes entre les mains.

Je l’ai nommé capitaine en raison de sa façon de jouer. Il inspirait les autres, c’était le ciment de notre équipe, un gars facile d’approche.

Gerry Fleming, ancien entraîneur de Jean-François Houle

Lecavalier acquiesce. « Il a toujours été un leader hors pair. J’ai joué avec et contre lui, atome et pee-wee. Il a toujours été un rassembleur. Il organisait des choses, tout le monde gravitait autour de lui parce qu’il était toujours de bonne humeur. Même s’il n’est pas super grand, il allait à la guerre, il frappait, il bloquait des tirs. »

Houle était aussi le genre d’attaquant sur qui Fleming pouvait compter pour toute situation.

« Je l’ai même utilisé comme défenseur… Dès qu’on avait une punition, des rappels ou des blessés, on était dans le pétrin. Il était ce genre de joueur pour nous dépanner, parce qu’il connaissait le hockey, il a baigné dans le hockey toute sa vie », soutient Fleming.

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Houle a 36 ans quand il prend les commandes de l’Armada. Il est lui-même jeune pour son poste, et se tourne justement vers les jeunes de son équipe.

« J’ai eu un rôle quand même important, se souvient l’attaquant Christopher Clapperton, qui a joué trois saisons sous les ordres de Houle à Boisbriand. Cédric [Paquette] et moi sommes arrivés, on était deux inconnus au camp. Finalement, on a commencé ensemble dans le deuxième trio. Il nous a mis en confiance en partant. »

Les canulars faisaient encore partie de son arsenal. L’humoriste Maxim Martin en a même été victime. Il avait suivi l’Armada le temps d’un voyage, pour un tournage. Martin avait lui-même piégé les joueurs en leur faisant le coup du seau d’eau sur la porte. Plus tard au cours du voyage, Martin est revenu à l’hôtel pour retrouver sa chambre sens dessus dessous, le matelas dans la baignoire, les ampoules dévissées. L’auteur du mauvais coup : l’entraîneur-chef lui-même. Difficile de ne pas y voir un coach qui défend ses joueurs.

« Je me rappelle une fois, raconte Pouliot. On avait gagné nos trois premiers matchs de la saison, mais on avait perdu six matchs d’affilée ensuite. On partait dans les Maritimes contre les trois meilleures équipes de la ligue. On avait un entraînement, et dans ce temps-là, dans ces circonstances, ç’aurait été juste du patinage sans rondelle. JF a laissé présager ça, mais après cinq minutes, il a changé ça en tournoi de quatre contre quatre. Et on a eu un bon voyage. Je ne sais pas si c’était le tournant, mais ça a eu de l’effet. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-François Houle (à droite) a dirigé l’Armada de Blainville-Boisbriand pendant trois saisons (de 2011 à 2014) aux côtés de Joël Bouchard (à gauche), à qui il succédera près de 10 ans plus tard, à la barre du Rocket de Laval.

« Quand tu arrives à l’aréna et que le coach te dit : “Salut, comment ça va ?”, c’est déjà gros, parce que j’ai eu des coachs qui passaient à côté de toi sans te parler ! », ajoute Clapperton.

À son premier point de presse au camp des recrues, Houle a d’ailleurs mentionné que les entraîneurs avaient pris leur souper en se mêlant aux joueurs, mercredi, plutôt que de manger entre eux. « J’essaie de connaître les joueurs le plus possible. On parle ici et là, j’ai fait mes recherches, on essaie de parler en patinant, quand on les croise dans un corridor », a-t-il décrit.

Si tu apprends à connaître un joueur en tant que personne, il va t’en donner encore plus.

Jean-François Houle

Le parcours à Boisbriand n’a pas été qu’un conte de fées, remarquez. Lors des séries 2013, il a dû gérer l’explosif dossier Stefan Matteau. Fraîchement renvoyé des Devils du New Jersey à l’Armada, en mars, l’ancien choix de 1er tour réagit mal à un retour dans les autocars aux quatre coins du Québec, au point d’avoir l’air de s’en ficher. La situation éclate en plein milieu de la demi-finale de la Coupe du Président, qui oppose l’Armada au Drakkar. Matteau est cloué au banc après une pénalité jugée inutile par ses supérieurs, mais il réplique à son coach en plein milieu du match, au banc.

Le geste d’insubordination ne passera pas, tant auprès de la direction de l’équipe qu’auprès d’autres joueurs. Matteau fera le trajet de Baie-Comeau à Boisbriand au fond de l’autocar des fans qui avait suivi l’équipe ce jour-là.

Des années plus tard, revoici Houle dans le siège d’entraîneur-chef. De Ryan Poehling à Jesse Ylonen, en passant par Rafaël Harvey-Pinard et Gianni Fairbrother, il n’a pas de futures vedettes parmi son bassin d’espoirs, mais ce sont assurément des joueurs avec assez d’outils pour rêver à la LNH. On verra quel impact il aura.