Après avoir repêché Logan Mailloux, reconnu coupable quelques mois plus tôt d’un crime sexuel commis en Suède, le Canadien de Montréal avait tenté de faire amende honorable. Geoff Molson, propriétaire et président du club, avait alors promis que son organisation jouerait « un rôle » face à l’« enjeu majeur de société » que soulevaient les actes de son nouveau joueur.

À cet égard, le CH tient promesse. Geneviève Paquette, vice-présidente, engagement communautaire et directrice générale de la Fondation des Canadiens pour l’enfance, a annoncé mercredi matin qu’une somme de 1 million de dollars serait investie dans un plan de sensibilisation aux dangers des cyberviolences sexuelles, qui s’adressera à la fois au public et aux membres de l’organisation.

Par contre, le nom de Mailloux a été complètement effacé de la stratégie de communication entourant ce plan.

Pourtant, de l’aveu même de Mme Paquette, c’est le tollé entourant l’arrivée de Mailloux chez le Canadien qui a donné naissance au « plan d’action Respect et consentement » que déploie aujourd’hui l’organisation. La vice-présidente s’est défendue d’« escamoter le sujet », souhaitant plutôt « agir pour le futur » et faire « des gestes pour éventuellement changer la culture [du] sport ».

En novembre 2020, le défenseur ontarien a photographié sa partenaire sexuelle sans son consentement, puis a distribué le cliché à ses coéquipiers. La justice suédoise l’a reconnu coupable de diffamation et de publication d’une « photographie offensante » et lui a imposé une amende de 2000 $.

Sa sélection au premier tour du repêchage 2021 par le Tricolore a provoqué une vague de protestations dans la province, au point où des commanditaires de longue date ont menacé d’abandonner le club. Geoff Molson a alors déploré une erreur de jugement de son personnel hockey, dont il prenait la responsabilité.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE LA LIGUE DE HOCKEY DE L’ONTARIO

Logan Mailloux

Mailloux, a rappelé Mme Paquette, est « présentement accompagné » par des membres du service hockey du Canadien et des Knights de London, son club junior. Il ne pourra toutefois pas disputer de matchs en 2021 dans la Ligue junior de l’Ontario, qui l’a suspendu jusqu’à nouvel ordre en raison de ses actions passées. Son cas sera réévalué au début de la nouvelle année.

Elle-même « surprise » par la décision du CH de repêcher Mailloux en juillet dernier, Mme Paquette affirme avoir rapidement voulu tirer du « positif » de la situation, et ce, même si la décision en question était, selon elle, mauvaise. « On ne reste pas là et juste regarder [la situation] dégénérer, a-t-elle précisé. On l’affronte et on trouve une solution. »

1 million

Avec son plan d’action, le Canadien désire s’adresser à la fois à ses employés et à la population générale, avec un accent avoué vers le jeune public. L’entreprise a dégagé une somme « de départ » de 1 million pour y arriver.

À l’intérieur du Groupe CH, des formations en matière de respect et de consentement et sur les dangers de la cyberviolence sont déjà amorcées auprès de l’« ensemble des employés », ce qui inclut les joueurs et le personnel d’encadrement. Mme Paquette affirme s’être déjà entretenue avec les jeunes joueurs qui sont débarqués à Montréal au cours des derniers jours en vue du camp des recrues qui s’ébranle ce mercredi.

On souhaite en outre augmenter l’embauche de femmes au sein du service hockey. Aucune action concrète n’a toutefois été annoncée en ce sens.

À l’externe, une « initiative de sensibilisation et d’éducation » destinée aux jeunes, principalement ceux du début du secondaire, est en cours d’élaboration. On ciblera également les hockeyeurs et hockeyeuses de la province ainsi que leurs entraîneurs afin que le Canadien devienne « un allié » sur « cet enjeu social important ». Un soutien financier sera aussi offert à des organismes qui travaillent déjà à combattre les cyberviolences sexuelles.

Un comité consultatif de 11 personnes a participé à la création du plan d’action. Constitué majoritairement de femmes, le comité regroupe cinq membres du Canadien ou du Groupe CH, mais également des représentants de la société civile – fondation Marie-Vincent, mouvement Québec contre les violences sexuelles et Sport’Aide – ainsi qu’un analyste-conseil en intervention policière jeunesse.

Logan Mailloux, par contre, ne sera pas mis à contribution pour l’instant, car il a été déterminé qu’il n’est pas suffisamment avancé dans son cheminement personnel – l’équipe insiste sur le terme anglais « journey », ou « parcours ».

Implication floue

Le « parcours » que suit Mailloux ainsi que l’implication réelle du CH dans celui-ci ne sont pas totalement clairs.

Le soir même du repêchage, le directeur général Marc Bergevin avait lu une déclaration écrite dans laquelle le Canadien prenait « l’engagement d’accompagner Logan dans son cheminement, de lui fournir les outils pour lui permettre de prendre de la maturité et l’aide nécessaire pour le guider dans sa démarche ».

Deux mois plus tard, le rôle effectif du CH auprès du jeune homme demeure flou. Directeur du développement des joueurs du club, Rob Ramage a indiqué en point de presse que son bras droit Francis Bouillon et lui-même étaient en communication avec le défenseur. Mailloux se soumet en outre à une thérapie et poursuit son « éducation » sur le respect, le consentement et les conséquences des cyberviolences sexuelles – une démarche déjà amorcée au moment du repêchage, par ailleurs.

Rob Ramage a vanté la « structure » mise en place par les Knights de London et leur propriétaire Mark Hunter. « Faites-moi confiance, il réalise chaque jour ce qu’il a fait », a assuré Ramage, qui a ajouté que Mailloux « purgeait sa peine » en étant privé de jouer au hockey cet automne. En plus de la suspension dont le défenseur fait l’objet en Ontario, le Canadien a en outre décidé de ne pas l’inviter ni au camp des recrues ni au camp d’entraînement du club.