(Lachenaie) Le calme après la tempête. Après le tourbillon médiatique entourant sa présence au camp d’entraînement des Olympiques de Gatineau, la vie d’Ève Gascon revient tranquillement à la normale.

Remarquez que sa « normale » n’est pas comparable à celle du hockeyeur typique. La gardienne s’aligne maintenant pour les Patriotes du cégep de Saint-Laurent, où elle est la première femme à jouer en première division du circuit collégial.

Et c’est en raison de son statut de pionnière qu’on l’a croisée jeudi dernier, en lever de rideau de la saison de la ligue M18 AAA. Elle y était pour rencontrer les joueurs du Phénix du Collège Esther-Blondin – son ancienne équipe – et des Cantonniers de Magog, en plus de participer aux cérémonies d’avant-match.

C’est justement ce passage dans ce qui était naguère la ligue midget AAA qui lui a permis d’être prête pour le défi d’un camp d’entraînement dans la LHJMQ.

« Ça m’a permis de me faire connaître, rappelle la gardienne de 18 ans, en entrevue avec La Presse. Ça m’a permis de me développer autant sur la glace que hors glace. Sur la glace, j’ai gagné de la vitesse, de la confiance. Hors glace, je me suis dégênée, je me suis fait des amis pour la vie. C’était vraiment un beau passage. »

Gascon est repartie de Gatineau la tête haute, et il faudra maintenant voir si elle aura droit à un rappel quand les gardiens Rémi Poirier et Émerik Despatie partiront en camp d’entraînement de la LNH.

PHOTO ÉTIENNE RANGER, ARCHIVES LE DROIT

La gardienne Ève Gascon au camp d’entraînement des Olympiques de Gatineau

Deux semaines après avoir été retranchée du camp des Olympiques, la jeune femme est davantage en mesure de prendre un pas de recul et d’évaluer ce qu’elle a accompli par sa simple présence au camp de la LHJMQ.

« Au début, quand tu es dedans, tu ne remarques pas vraiment, admet-elle. Mais ensuite, j’ai vu des articles. Je suis quelqu’un qui regarde un peu les commentaires, et les commentaires positifs, ça fait chaud au cœur. Et d’autres commentaires, il ne faut pas que je me fie à ça ! Je pense que ça a fait quelque chose de gros et je le réalise, je suis fière.

« Ça a bien été au camp, je sais que je mérite ma place là-bas, que ce n’était pas juste un coup de publicité. J’étais contente que ça aille bien pour prouver que les filles peuvent jouer, et que ce n’est pas parce que tu es une fille que tu ne peux pas compétitionner contre des gars. »

C’était important de faire un bon camp, pas juste pour moi, mais pour les filles plus jeunes. J’ai un rôle à jouer. On est dans une période où c’est important pour le hockey féminin de se prouver, de créer une ligue.

Ève Gascon

Seulement trois femmes ont disputé des matchs dans l’un ou l’autre des trois circuits juniors canadiens : Manon Rhéaume, Charline Labonté et Shannon Szabados. Si Gascon est rappelée pour les matchs préparatoires des Olympiques, elle fera un pas de plus dans cette direction.

Cégep, université, et ensuite ?

Mais la prochaine étape de Gascon, à moyen terme, est d’entrer à l’Université du Minnesota à Duluth à l’automne 2023. Elle souhaite d’abord décrocher son diplôme d’études collégiales en sciences humaines ; elle a étudié à temps plein en 2020-2021, puisqu’il n’y a pas eu de saison, mais continuera à temps partiel, sur deux ans.

« Si je veux de bonnes notes et performer au hockey, c’était mieux que je suive quatre cours par session », souligne-t-elle.

Un stage universitaire de quatre ans la mènera donc en 2027. Vient ensuite le questionnement qui est le drame du hockey féminin depuis quelques années : qu’est-ce qui viendra après, si elle veut jouer au hockey ?

Lors de notre rencontre, la controversée NWHL, désormais l’unique ligue féminine dite professionnelle, venait d’annoncer qu’elle devenait la Premier Hockey Federation (PHF), avec l’intention d’avoir une équipe à Montréal en 2023.

On ignore encore si la relance de la ligue, après une année gâchée par la pandémie, sera un succès, et si elle fera l’unanimité par les meilleures joueuses, ce qui n’était pas le cas sous l’ancien régime.

Tout ça a beau être loin pour Gascon, elle se réjouit néanmoins que l’implantation d’une réelle ligue féminine professionnelle demeure un enjeu.

« Il me reste encore plusieurs années de hockey, mais les filles de la génération actuelle sont un peu dans le vide, rappelle-t-elle. Celles qui sont avec Hockey Canada sont chanceuses, elles peuvent s’entraîner et jouer.

« Mais ce n’est pas tout le monde qui est avec Hockey Canada. Les autres n’ont rien, elles s’entraînent le soir et elles doivent travailler le jour. Ce n’est pas idéal. Pour que le calibre augmente, les filles doivent s’entraîner, faire ça de leur vie. C’est dur de s’entraîner quand tu as ta journée dans le corps et que tu n’as pas toujours la tête au hockey. »

Même si elle n’a que 18 ans, même si elle est à des années du fait de devoir composer avec de tels enjeux, Gascon est déjà bien lucide face aux défis de son sport.

Marc-André Dumont aidera les entraîneurs

On parle souvent des joueurs, mais la ligue M18 AAA du Québec vise aussi la formation des entraîneurs. Le circuit a donc créé le poste de directeur de développement hockey, poste qui a été confié à Marc-André Dumont. Ancien entraîneur-chef des Screaming Eagles du Cap-Breton (2012-2019) et des Foreurs de Val-d’Or (2009-2012) dans la LHJMQ, Dumont agira principalement comme mentor des entraîneurs du circuit. Des exemples d’aide qu’il peut offrir ? « Tout ce qui est lié au travail d’un entraîneur : le contenu d’une semaine d’entraînement dans un contexte précis, valider des éléments d’enseignement d’un système de jeu. Quel rôle puis-je donner à mes adjoints ? Comment gérer un groupe de leadership ? », énumère-t-il. Dumont rappelle qu’André Tourigny, Guy Boucher et Mario Duhamel, entre autres, sont passés par le midget AAA avant de gravir les échelons jusqu’à la LNH.

Guillaume Lefrançois, La Presse