À quelques jours du repêchage d’expansion dans la LNH, l’un des plus spectaculaires scénarios concernant le Canadien semble s’être concrétisé.

Selon le réseau TSN, Carey Price aurait renoncé à la clause de non-mouvement prévue à son contrat, ce qui signifie qu’il sera disponible pour que la nouvelle équipe du Kraken de Seattle l’ajoute à sa formation lors du repêchage d’expansion mercredi soir.

Toutes les équipes de la LNH – à l’exception des Knights de Vegas, exemptés du processus – avaient jusqu’à 17 h samedi pour remettre la liste des joueurs qu’elles désiraient protéger en vue de ce repêchage. Chacune d’elles ne pouvait protéger qu’un gardien de but, ainsi que trois défenseurs et sept attaquants, ou encore huit patineurs, toutes positions confondues. Au moins un gardien devait par contre être rendu disponible. Les listes seront rendues publiques ce dimanche.

Craignant de perdre Jake Allen sans rien obtenir en retour, le directeur du CH, Marc Bergevin, aurait tenté d’échanger son gardien auxiliaire au cours des derniers jours, ont rapporté différents médias. N’ayant pu conclure une transaction avant l’heure limite de 15 h prévue pour les mouvements de personnel, Bergevin a abattu une autre carte, inattendue, celle-là.

Afin d’inscrire le nom de Jake Allen à la liste de protection du CH, le DG en a écarté celui de Carey Price, faisant le pari que le Kraken ne le choisirait pas, vu son gargantuesque contrat.

Gardien de but le mieux payé du circuit, Price doit encore empocher une moyenne de 10,5 millions de dollars au cours des cinq prochaines saisons. Comme son contrat est assorti d’une clause de non-mouvement, une modalité encore plus stricte qu’une clause de non-échange, il a dû donner son accord avant que soit mise en marche cette procédure administrative.

C’est le journaliste Pierre LeBrun, de TSN, qui a confirmé cette information par le truchement de son compte Twitter, quelques minutes après que Frank Seravalli, informateur pour le site DailyFaceoff, eut indiqué que ce scénario avait fait l’objet d’une discussion entre le camp de Price et la direction du Canadien. Les demandes de confirmation de La Presse formulées au Canadien et à l’agent de Price sont restées sans réponse.

Partira ? Partira pas ?

Nombreux sont les partisans, et même certains membres des médias, qui voient depuis longtemps une association naturelle entre Price et la nouvelle équipe de Seattle.

La femme du gardien, Angela, est originaire de l’État de Washington. Lui-même est originaire du nord-ouest du continent – Anahim Lake, en Colombie-Britannique. Et amorcer sa formation de zéro fait du Kraken l’une des rares formations aptes à absorber son salaire.

Sélectionner Carey Price permettrait par ailleurs au Kraken d’entrer dans la LNH en frappant un coup de circuit, un peu comme l’avaient fait les Knights de Vegas avec Marc-André Fleury en 2017. Le Québécois, alors âgé de 33 ans, comme Price aujourd’hui, était illico devenu le visage de la franchise.

L’on peut toutefois douter de la plausibilité que la direction du Kraken pose ce geste pour deux raisons. La première, évidente, est d’ordre financier. Un salaire comme celui de Price, pour n’importe quelle équipe de la LNH, est susceptible de devenir un handicap dès le premier jour de la saison. Sans hausse prévisible du plafond salarial au cours des prochaines années, il s’agirait d’un lourd fardeau à porter pour une jeune organisation, à plus forte raison si les premières saisons du club ne sont pas gagnantes. Et il faudrait que Price lève de nouveau sa clause de non-mouvement pour que le Kraken refile son contrat à une autre équipe, et encore qu’une autre équipe veuille l’absorber.

Price doit en outre empocher, en septembre prochain, un boni de 11 millions. Il s’agit d’une somme considérable à payer rubis sur l’ongle avant même que le Kraken ait disputé son match inaugural.

Par contre, les propriétaires du Kraken, à commencer par le milliardaire David Bonderman, de la société d’investissement TPG Capital, et le producteur hollywoodien Jerry Bruckheimer, ont les poches profondes et le sens du spectacle. Ils viennent de payer 650 millions à la LNH en droits d’entrée pour leur franchise : quelques millions de plus pour un joueur de concession ne feront pas la différence.

La deuxième raison qui rend ce dénouement difficile à imaginer, c’est la démesure du pari de Marc Bergevin. On pourrait imaginer que le DG du Canadien a déjà une entente avec Ron Francis, son homologue à Seattle. Rien n’est moins sûr. Selon ce qu’avait révélé le journaliste Darren Dreger, de TSN, au cours de la dernière semaine, un pacte entre le Tricolore et le Kraken concernant Jake Allen était impossible, car pour « ignorer » Allen, on demandait un espoir de haut profil en plus d’un choix élevé au repêchage.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Jake Allen

Pour garder un gardien qui n’a coûté qu’un choix de troisième tour l’automne dernier, le jeu n’en valait pas la chandelle. De fait, quand bien même une entente concernerait cette fois Price, il n’en demeure pas moins qu’au bout du compte, cette manœuvre servirait à garder intact le duo Price-Allen.

Conséquences

Les conséquences d’un départ de Carey Price, sans rien obtenir en retour, sont incalculables. Jake Allen, sans rien lui enlever, n’a pas été gardien partant au cours des deux dernières années. Celui qui deviendrait son adjoint, Cayden Primeau, a disputé en tout 6 matchs dans la LNH.

Mais surtout, il s’agirait d’une rupture sans précédent avec les habitudes de Bergevin. Ce dernier a la réputation de « gagner » ses transactions ; celle, sauf exception, d’obtenir pour ses joueurs un retour égal ou supérieur à leur valeur.

Quelques semaines après avoir vu son équipe participer à une première finale de la Coupe Stanley en 28 ans, Bergevin regarderait partir, les bras ballants, celui qui a transporté le club jusque-là ? Au risque de se répéter : ce n’est pas impossible, mais cela demeure invraisemblable.

Il faudrait donc que Ron Francis soit dans le coup. Mais s’il ne voulait pas faire de fleur au Tricolore pour épargner Allen, pourquoi le ferait-il avec Price ? D’autres joueurs gagnant de très hauts salaires seront disponibles pour le Kraken. Jeff Skinner, P.K. Subban, Matt Duchene, Ryan Johansen, Jakub Voracek, Vladimir Tarasenko… Tous sont de bons joueurs, mais aucun ne vient de jouer en finale. Et, surtout, aucun n’a l’étoffe de Carey Price.

Avec l’élimination de son club, on aurait pu croire que Marc Bergevin avait fini de jouer d’audace. Apparemment, il ne faisait que commencer.