Au cours de sa carrière de 250 matchs dans la Ligue nationale, Mathieu Darche n’a pu goûter au délice de soulever la Coupe Stanley au bout de ses bras. En tant que dirigeant, toutefois, il n’aura pas mis trop de temps à le faire.

En avril 2019, Julien BriseBois a offert à Mathieu Darche l’occasion d’être directeur des opérations hockey avec le Lightning de Tampa Bay. « Je ne pouvais pas laisser passer ça », avait affirmé Darche en entrevue avec La Presse à l’époque. Deux ans et deux conquêtes de la Coupe Stanley plus tard, force est d’admettre qu’il avait raison.

« Je suis arrivé à la bonne place au bon moment avec une super organisation », soutient humblement le natif de Montréal.

L’équipe venait de gagner 62 matchs quand je suis arrivé, donc oui, il y a un peu de chance là-dedans, mais aussi, on a fait des sacrifices comme famille. J’ai déménagé deux garçons qui avaient 14 et 16 ans [à l’époque].

Mathieu Darche

Ces derniers, aujourd’hui âgés de 16 et 18 ans, ont pu assister à la finale et célébrer la victoire en bonne et due forme avec papa et les joueurs du Lightning au cours de la dernière semaine. Des souvenirs qui auront de quoi les faire sourire pour de nombreuses années.

« Mes gars sont rendus à un âge où ils ont tripé. Mon plus vieux a fait des shotguns dans la chambre avec Pat Maroon. Il en a fait un autre sur le bateau », raconte le père de famille.

Cette finale était particulière pour Mathieu Darche, alors que le Lightning affrontait l’équipe de sa ville natale, pour laquelle il a d’ailleurs évolué pendant trois saisons de 2009 à 2012.

« C’est sûr que c’était différent, mais peu importe contre qui tu joues, tu veux gagner. Contre le Canadien, je voulais m’assurer de ne pas me faire achaler [par mes amis] toute l’année parce qu’ils nous avaient battus, donc je voulais absolument gagner ! », lance-t-il à la blague.

Du pain sur la planche

Au moment de s’entretenir avec La Presse, mercredi, Mathieu Darche ne se trouvait ni sur un bateau ni sur une plage en Floride. Il était dans son bureau, là où il a passé toutes ses journées depuis la victoire du Lightning. Parce qu’une fois la Coupe soulevée, le travail recommence. Ou plutôt, il continue.

Avec le repêchage d’expansion, le repêchage d’entrée, puis l’ouverture du marché des joueurs autonomes, les prochaines semaines s’annoncent mouvementées. Et le Lightning n’entend pas s’arrêter maintenant.

« Toutes les décisions qu’on prend, c’est pour gagner une autre Coupe, affirme Darche. Ce sont les attentes de l’organisation. »

On a encore une bonne équipe. Il va y avoir des joueurs différents, oui, mais on considère qu’on va encore être une équipe qui peut se battre pour la Coupe Stanley. C’est notre seul but.

Mathieu Darche

Ça a le mérite d’être clair.

Les Islanders de New York sont la dernière équipe à avoir réussi l’exploit de remporter la Coupe trois fois de suite – et même quatre –, de 1980 à 1983.

« Les gars savent quelles sont les attentes de l’organisation et ils aimeraient faire quelque chose de spécial, en avoir trois en ligne. Ils sont motivés par ça. Quand tu goûtes à la victoire, tu veux y goûter toutes les années. »

Avec des amis… partisans du CH

La Coupe Stanley passera de nombreux jours au Québec au cours des prochaines semaines puisque, faut-il le rappeler, pas moins de 12 membres de l’organisation sont natifs de la province. L’an dernier, les restrictions liées à la pandémie avaient forcé Mathieu Darche à célébrer la victoire à Tampa.

« C’était avec quelques amis, mes gars, Julien [BriseBois] qui est venu souper et Vincent Lecavalier qui est venu faire un tour. C’était très tranquille. Mais là, je vais pouvoir faire ça avec mes amis [québécois]. »

Amis qui, évoque-t-il, sont pour la plupart des partisans du Tricolore !

« Ils sont contents pour moi et je comprends qu’ils soient déçus. Ce n’est pas parce que je travaille pour le Lightning qu’ils sont obligés de laisser tomber le Canadien. Celui-ci a eu un parcours exceptionnel en séries, ce qu’il a fait est merveilleux. »

Malheureusement… En fait, heureusement, c’est nous qui avons eu le dessus, mais ils [les joueurs du CH] ont eu tout un parcours aussi.

Mathieu Darche

Mises au point

Plusieurs évènements ont attisé la grogne des partisans montréalais pendant et après la série finale face au Lightning. Mathieu Darche a accepté de revenir sur ceux-ci, à commencer par la fameuse question des 18 millions au-dessus du plafond salarial, dont on a tant parlé. À ce sujet, l’homme de 44 ans est catégorique : « Pour avoir triché, il faut que tu aies violé une règle et il n’y a aucune règle qui a été violée. »

« Il n’y a pas un athlète qui accepterait de se faire dire : « T’es prêt à jouer, mais attends pour qu’on fasse ça. » C’est un non-sens, c’est complètement ridicule. Dans ce 18 millions, il y a un Marian Gaborik et un Anders Nilsson qui n’ont jamais mis les pieds à Tampa. Ils ne nous ont pas aidés à gagner des matchs. »

Le bras droit de BriseBois assure que le Lightning a simplement été chanceux dans sa malchance, alors que Nikita Kucherov a mis quatre mois et demi plutôt que cinq à six mois pour se rétablir. « Il a tellement travaillé fort pour pouvoir revenir au jeu », dit-il.

PHOTO PHELAN EBENHACK, ASSOCIATED PRESS

Nikita Kucherov

Puis, il y a les commentaires de ce même Kucherov, survenus en conférence de presse après la victoire ultime. Il avait notamment lancé quelques pointes aux partisans du Tricolore.

Il s’est laissé aller. Le monde a passé l’année à dire qu’il faisait exprès, qu’il n’était pas blessé, qu’il ne jouait pas […] Quand le monde ne voit pas les efforts que tu mets pour revenir […] Pour moi, c’est une tempête dans un verre d’eau, il faut passer par-dessus.

Mathieu Darche, à propos de Nikita Kucherov

Et finalement, il y a cette photo de Patrick Maroon avec dans ses mains la Coupe Stanley endommagée, qui a fait le tour de la planète hockey. L’explication : les joueurs ont voulu montrer la Coupe une nouvelle fois aux milliers de partisans réunis à l’extérieur malgré la pluie qui s’abattait sur Tampa. Maroon a perdu pied et la Coupe a touché au sol.

« Il n’y a personne qui a fait un Tom Brady de lui-même et a lancé la Coupe à un autre, assure Darche. C’est littéralement un accident. Ce n’est pas la première fois qu’il arrive quelque chose à la Coupe. On dirait que le monde cherche des bibittes. »

L’ancien attaquant a donné ces mêmes explications mercredi, dans une autre entrevue médiatique. Depuis, les commentaires irrespectueux se multiplient sur son compte Twitter. « Il y en a qui m’ont écrit que je défendais nos petits trous de cul », dit-il.

Mais « ce n’est rien comparé à ce que nos joueurs ont reçu pendant les séries », laisse-t-il entendre.