(Las Vegas, Nevada) La pancarte à l’accueil donne le ton.

« En raison de récentes attaques planifiées contre la communauté LGBTQ+, tous les sacs sont susceptibles d’être fouillés par la sécurité. »

Bienvenue à The Center, un lieu de rassemblement, d’éducation et de soins de santé pour la communauté LGBTQ+ de Las Vegas.

Notre sac n’a finalement pas été fouillé, mais n’empêche : l’avertissement à l’entrée donne une idée du courage dont a fait preuve Carl Nassib, des Raiders de Las Vegas, en affirmant publiquement son homosexualité. Même s’il l’a fait en tant que représentant d’une ville en apparence ouverte d’esprit.

« Las Vegas et le Nevada sont des endroits très accueillants pour la communauté LGBTQ. Mais ça ne change rien au fait qu’il est dans la NFL et que ce ne sera pas un parcours facile », prévient John Waldron.

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John Waldron, directeur de The Center, un lieu de rassemblement, d’éducation et de soins de santé pour la communauté LGBTQ+ de Las Vegas

Je suis sûr qu’il aura plein de soutien de ses coéquipiers. Mais il y a aussi des joueurs qui le traiteront différemment. Qu’il soit à Las Vegas, à Oakland ou ailleurs, ça prend beaucoup de courage pour faire ce qu’il a fait.

John Waldron, directeur de The Center, un lieu de rassemblement, d’éducation et de soins de santé pour la communauté LGBTQ+ de Las Vegas

Waldron, le directeur de l’endroit, a un mardi occupé. « J’ai donné des entrevues aux stations locales de télévision, aux journaux d’ici », souligne-t-il, lors d’une rencontre dans sa salle de conférence.

Il demeure à Vegas depuis 44 ans, après avoir grandi à Long Island, en banlieue de New York. Il connaît bien sa ville d’adoption, et c’est bien tant mieux, car il faut avoir vécu longtemps ici pour bien saisir l’esprit qui y règne !

Quand on y vient pour le travail ou en vacances, quand on est cantonnés aux hauts lieux touristiques que sont la Strip et ses hôtels, difficile de mettre le doigt sur l’esprit qui anime ce champignon qui a poussé dans le désert. Les personnes qu’on y croise viennent majoritairement d’ailleurs au pays, et carrément d’autres pays en des temps plus normaux.

Ajoutons que Vegas est un exemple parfait d’étalement urbain, ce qui ne favorise pas une exploration de ses différents quartiers et de leur esprit. Ça, et les températures de plus de 40 °C depuis une semaine…

« Culturellement, on ne se considère pas comme le Sud. On est le Sud-Ouest et il y a une distinction à faire, prévient Waldron. Mais l’État du Nevada, historiquement, a toujours eu des idées libertariennes, où on laisse les gens vivre. Aujourd’hui, nous sommes surtout un État bleu, et le parti démocrate soutient naturellement la culture LGBTQ. Et la communauté de Las Vegas a toujours encouragé l’inclusion. »

Les récents résultats électoraux lui donnent raison. À la présidentielle, le candidat démocrate l’a emporté à six des huit dernières élections, et lors des quatre dernières. En 2020, Joe Biden a reçu 50,1 % des voix, contre 47,7 % pour Donald Trump. Dans le comté de Clark, qui abrite Las Vegas, l’écart était plus prononcé : 53,7 % pour Biden, contre 44,3 % pour son rival.

Le Nevada a donc beau être peinturé en bleu, ça n’empêche pas que la communauté LGBTQ+ est une cible potentielle, d’où l’avertissement à l’entrée.

« On a eu des menaces de temps en temps. Même si la communauté est très accueillante, il y a toujours des gens qui nous veulent du mal. On se sent très en sécurité ici, mais quelqu’un a déjà tenté d’incendier l’édifice. Un autre a fait des graffitis qui disaient “fag” sur notre porte d’entrée. »

Pendant que l’on prend une photo de John Waldron dans son centre, Sumra Bartlett nous apostrophe. Cette artiste, de passage à The Center, n’est pas fan de football, mais elle est bien au fait de l’histoire de Carl Nassib.

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Sumra Bartlett, artiste

« Vegas est la meilleure place pour sortir du placard, car c’est très accueillant », croit la dame qui dit avoir vécu « en Angleterre, en Oklahoma, au Texas, en Californie et en Géorgie ».

Elle-même engagée pour défendre la communauté musulmane, elle s’est toujours sentie accueillie dans la métropole du Nevada, et croit que Nassib sera applaudi par les partisans des Raiders.

« S’il était au Texas, ils le mettraient dehors, croit-elle. Le climat politique est plus détendu ici. Au Texas, les gens protestent contre le contrôle des armes à feu ou en faveur de la peine de mort ! S’il avait fait sa sortie à Dallas, il n’aurait pas le même soutien qu’il reçoit ici. »