(Las Vegas) « Il paraîtrait bien dans un chandail des Golden Knights ! »

La boutade est venue d’un collègue sur la passerelle. Elle faisait évidemment référence à Nick Suzuki, repêché par Vegas en 2017, refilé au Canadien l’été suivant afin de sortir Max Pacioretty d’une situation inconfortable à Montréal.

Vous vous souvenez de ces années à souffrir en voyant John LeClair torturer le Canadien. Dites-vous que bien des partisans des Golden Knights ont dû ressentir la même chose, mardi, en voyant leur ancien espoir connaître un autre fort match, dans un triomphe de 4-1 du Tricolore.

Pour résumer la soirée de Suzuki :

– Une aide sur le but d’Eric Staal. Il était sur la patinoire depuis une minute, mais a conservé la rondelle pendant que le Canadien apportait un changement. Sur ce jeu, son intelligence – sa qualité première – est ressortie. « J’avais de la vitesse, je voyais que j’avais attiré deux gars, donc je me suis dit que si je me retournais, j’aurais un coéquipier démarqué. Staal est arrivé. »

– Une autre aide sur le but de Cole Caufield. Cette fois, il s’est appliqué à suivre Mark Stone, lui a fait perdre la rondelle, permettant un surnombre.

– Un but dans un filet désert, pour une récolte de trois points dans le match, et de cinq dans cette série contre Vegas.

– Tout ça malgré le fait qu’il a de nouveau été frappé solidement, cette fois par Alec Martinez en troisième période.

« Ils sont robustes contre Nick, comme nous on le serait contre leurs bons jeunes, a noté Luke Richardson. Mais Nick est fort. Tout le monde le voit comme un fabricant de jeu habile, ce qu’il est, mais il est très compétitif. Il est gros, plus gros que ce qu’on pense, et il peut absorber des coups. C’est bien qu’il puisse ajouter ça à sa vision et ses mains. »

« Il est super compétitif, a ajouté Staal. Il a les habiletés et l’intelligence. Mais ça prend un côté compétitif de plus pour pouvoir faire une différence. »

Des compliments et des « fist bumps »

Évidemment, quand une équipe a remporté 10 de ses 12 derniers matchs, à ce temps-ci de l’année, les manifestations d’amour sont partout. En avant-midi, Phillip Danault faisait un « fist bump » à Cole Caufield après que le jeune ailier droit eut complimenté le centre québécois en visioconférence.

Après le match, c’était au tour de Jesperi Kotkaniemi de cogner les jointures de Suzuki. « Il joue du bon hockey, a dit Suzuki au sujet de Kotkaniemi. Il était un peu déçu de ne pas être dans la formation au premier match des séries contre Toronto, mais il a très bien géré ça. Je suis content qu’il soit récompensé. »

C’était en effet une grande soirée pour les quatre centres du Canadien. Suzuki, Kotkaniemi et Staal ont marqué, tandis que Danault a fait son travail efficacement, comme à l’habitude, même si les résultats offensifs n’y sont pas.

« L’an dernier, tout le monde disait qu’on manquait d’expérience au centre, a rappelé Richardson. Ils sont plus vieux d’un an, et l’expérience acquise dans la bulle [lors des séries de 2020] paraît. Ils ont gagné une courte série et ont ensuite été compétitifs contre Philadelphie. »

Ils sont jeunes, ils sont habitués à gagner aux autres niveaux et ils ont le feu en eux.

Luke Richardson

En écoutant ce festival de compliments, il était difficile de ne pas avoir une pensée pour Marc Bergevin. Plus tôt mardi, on a appris que Bergevin avait été coiffé par Lou Lamoriello pour le titre de directeur général de l’année dans la Ligue nationale.

Depuis le début des séries, pourtant, il paraît un génie en raison de ses acquisitions des derniers mois, de Corey Perry à Tyler Toffoli, en passant par Staal et Josh Anderson. Ces ajouts à eux seuls auraient pu lui valoir le titre.

Cela dit, la ligne de centre fait aussi partie des réussites de Bergevin. Cette ligne de centre a été le caillou dans son soulier depuis le jour 1 de son mandat. Il croyait avoir trouvé une solution en sélectionnant Alex Galchenyuk à son premier repêchage ; on sait tous comment cette histoire s’est finie.

Après la catastrophique saison 2017-2018, sa ligne de centre était en lambeaux, avec Danault – acquis deux ans plus tôt – comme seule source d’espoir. Puis, en quelques mois, il a repêché Kotkaniemi et obtenu Suzuki dans une transaction. On pourrait ajouter Jake Evans, un projet à long terme, qui amorçait sa carrière professionnelle.

Le travail de Suzuki et Danault a été maintes fois vanté. Kotkaniemi ne connaît pas des séries parfaites, mais il compte toujours bien cinq buts ! Et Staal, acquis en fin de saison, complète bien le groupe.

Alors non, Bergevin n’est peut-être pas le DG de l’année. Mais c’est son équipe qui est à une victoire de la finale de la Coupe Stanley.

En hausse : Joel Edmundson

Une autre forte performance dans l’ombre pour le grand numéro 44. Il a été le joueur le plus utilisé de son camp (25 minutes), a effectué de grosses présences en infériorité numérique et continue à barrer la route de ses rivaux en zone neutre ou à la ligne bleue.

En baisse : Erik Gustafsson

Encore injuste de choisir un candidat ici. Luke Richardson lui a fait une fleur en vantant son jeu, mais il reste qu’il n’a pas touché la patinoire dans les 25 dernières minutes du match.

Le chiffre du match : 10 258

Le Canadien aura jeudi la chance de se qualifier pour la finale de la Coupe Stanley, une première en 10 258 jours. La dernière fois, c’était le 24 mai 1993, ce qui était en fait le deuxième essai du Tricolore, puisque l’équipe venait de rater la chance de balayer les Islanders de New York.

Dans le détail

PHOTO STEPHEN R. SYLVANIE, USA TODAY SPORTS

Mark Stone et Nick Suzuki

De mal en pis pour Stone

Mark Stone et Phillip Danault ont en commun d’avoir été parmi les candidats au trophée Selke cette année. Stone a fini 3e, Danault, 6e. Ils ont aussi de n’avoir aucun point après cinq matchs dans cette série. Sauf qu’en attendant de générer de l’attaque, Danault évite les bourdes monumentales, comme le font justement les bons attaquants défensifs. Max Pacioretty a certes marqué sur une mise au jeu qu’il a perdue en zone défensive, mais même les meilleurs centres perdent 40 % de leurs mises au jeu… Ça arrive. En revanche, Stone s’est montré trop gourmand en zone neutre pendant une infériorité numérique et a fini par perdre la rondelle aux mains de Nick Suzuki. Un repli mou et quelques secondes plus tard, Cole Caufield marquait pour donner une avance de 3-0 aux Montréalais. Stone a finalement été sur la patinoire pour trois buts du Tricolore dans ce match…

28 en 28

« Je n’aime pas dire qu’on est parfaits en milieu de série. » On n’accusera pas Phillip Danault de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! Le Québécois faisait ici référence au désavantage numérique du CH, qui n’a en effet rien donné aux Golden Knights après cinq matchs. Mais au-delà de la série, la séquence d’invincibilité des Montréalais est impressionnante : voilà 12 matchs qu’ils n’ont rien accordé à court d’un homme, séquence pendant laquelle ils ont écoulé 28 pénalités. En fait, lors du dernier but accordé (Joe Thornton le 25 mai), la région de Montréal était en zone rouge, Mark Scheifele n’avait pas particulièrement d’ennemis dans la métropole, et Danault pouvait manger sa pizza d’après-match en paix. Mardi, les Golden Knights ont raté leurs deux occasions, et encore une fois, le travail des Paul Byron, Joel Armia et Artturi Lehkonen en pression a porté ses fruits. « On a encore du travail à faire, mais on va vers le haut. Carey est incroyable, c’est ce qui nous aide le plus. Tout le monde travaille ensemble. Dès qu’il y a une rondelle libre, on la harponne », a décrit Danault.

Tout ça pour ça

L’arbitrage de Chris Lee et de Dan O’Rourke a été largement critiqué depuis le début de cette série Canadien-Golden Knights. C’était cette fois le tour de Kelly Sutherland et d’Eric Furlatt d’officier la rencontre. Leur soirée n’a pas été entachée par des pénalités flagrantes ratées, mais il y a eu une situation bien particulière en deuxième période. Alex Pietrangelo a atteint Jesperi Kotkaniemi au visage, lui infligeant au passage une coupure. Sur le coup, les arbitres n’ont pas décerné de pénalité. Après conciliabule, ils ont chassé Pietrangelo pour quatre minutes, avant de se raviser après reprise vidéo, sous prétexte que le défenseur a atteint son rival sur le mouvement naturel de son bâton après un tir. C’était effectivement la bonne décision, puisque le règlement prévoit en effet qu’un joueur n’est pas chassé dans cette situation. Là où c’est intéressant, c’est que si Kotkaniemi n’avait pas saigné, les arbitres n’auraient pas eu accès à la reprise. Pour les infractions de bâton élevé, ils peuvent en effet seulement aller à la reprise si c’est une pénalité de quatre minutes qui est à l’enjeu. Bref, la décision d’origine (pas de pénalité) était la bonne, mais le processus pour y arriver a été laborieux.

Ils ont dit

PHOTO JOHN LOCHER, ASSOCIATED PRESS

Marc-André Fleury, Cole Caufield et Shea Theodore

Des éloges pour Caufield

En séries, il y a toujours des guerres de mots. Cole est un gars qui a du plaisir, il a beaucoup d’énergie. Je l’ai regardé au Mondial junior, au Wisconsin. Quand il marque, on dirait toujours que c’est son premier but et quand quelqu’un fait un gros jeu, il saute partout. Il s’est fait dire toute sa vie qu’il était trop petit. Je pense que personne ne va le déranger.

Luke Richardson, au sujet de la réponse de Cole Caufield aux propos de Robin Lehner

Il a des tonnes de confiance en lui. Il sait qu’il est un marqueur. Je ne sais pas s’ils essaient de rentrer dans sa tête, mais il va tirer dès qu’il a une chance. Sa confiance va en grandissant, et c’est plaisant de le voir jouer.

Nick Suzuki, à propos de Cole Caufield

Je suis très, très impressionné, comme depuis le début des séries. Ce sont des compétiteurs qui travaillent à chaque présence. C’est en séries que les légendes naissent. Il en reste une à gagner, et on veut la gagner à la maison.

Phillip Danault, au sujet des centres

Se retrouver en retard tôt dans la rencontre contre cette équipe n’est pas une formule pour le succès.

Peter DeBoer, entraîneur-chef des Golden Knights

Ils ont fermé le centre et la zone neutre. On doit faire du meilleur travail en entrée de zone. Notre échec-avant est l’un des meilleurs de la ligue quand il fonctionne. [Les défenseurs du CH] brisent beaucoup de jeux, alors on doit envoyer des rondelles derrière eux.

Brayden McNabb

Propos recueillis par Guillaume Lefrançois et Simon-Olivier Lorange, La Presse