Il y a de ces duos qui marquent l’imaginaire. Pensez à Berrof et Chartier dans 19-2, à Lloyd et Harry dans La cloche et l’idiot, à Gloria et Stéphane en musique.

À Toronto, le tandem qui marque l’imaginaire, c’est bien sûr Auston Matthews et Mitch Marner. Or, peu de gens nous auraient crus si on avait osé affirmer que les Maple Leafs mèneraient cette série 3-2, malgré un seul but de Matthews et aucun de Mitch Marner. Sans John Tavares, en plus.

Les optimistes diront que les Leafs font ainsi une belle démonstration de profondeur. On savait déjà que William Nylander pouvait être dangereux dans le deuxième trio, mais c’était moins clair pour Alex Kerfoot, Alex Galchenyuk, Jason Spezza et Jake Muzzin, au nombre des acteurs de soutien qui ont animé l’attaque jusqu’ici.

Mais ce sont surtout les pessimistes que l’on entendait en visioconférence, vendredi.

Matthews a inscrit 41 buts en 52 matchs cette saison. À ce rythme, il devrait déjà en totaliser quatre, et non pas un seul. C’est d’autant plus vrai que Matthews compte 25 tirs au but, un volume suffisant pour inscrire quatre buts.

Matthews et Marner ne sont pas éteints offensivement, par contre. Ils totalisent tous les deux quatre points, et ont obtenu moult chances de marquer de qualité. Selon Natural Stat Trick, Matthews en a obtenu neuf et Marner, six. Le meneur chez les Leafs ? Leur ailier gauche, Zach Hyman, avec 12. C’est d’ailleurs lui qui a amorcé le réveil des Ontariens avec son but jeudi.

C’était une partie du plaidoyer de Sheldon Keefe vendredi midi, avant le départ pour Montréal. « Il faut essayer de générer encore plus de menaces. C’est un défi, a reconnu l’entraîneur-chef des Maple Leafs. Ensuite, leur gardien a son mot à dire et ça a été un facteur important. Hyman a eu une échappée. Marner a été seul plusieurs fois. Ils ont produit un très gros but pour nous redonner vie [jeudi]. »

Keefe a aussi souligné que ce trio a été chiche défensivement. Toujours selon Natural Stat Trick, les Leafs ont l’avantage 3-0 aux buts marqués quand leur premier trio est sur la patinoire à 5 contre 5. Aux chances de marquer, c’est 20-6.

« On a tendance à regarder la production et c’est compréhensible. Mais si tu marques 5-6 buts et que t’en accordes 5-6, tu n’aides pas vraiment ton équipe, a rappelé Keefe. Ces gars-là n’ont pas donné grand-chose à l’adversaire, même s’ils ont eu des confrontations difficiles, même s’ils ont pris plusieurs mises au jeu en zone défensive, ce que bien des premiers trios ne font pas. » À ce sujet, le trio de Matthews a pris 27 mises au jeu en zone défensive, contre 37 en zone offensive.

« Ils ont la bonne approche, ils savent qu’on les soutient, a ajouté Spezza, qui faisait autrefois partie de l’élite offensive de la LNH. Je sais que les gens veulent voir de bons chiffres offensifs, mais ils jouent très bien depuis le début de la série. »

« Comme un septième match »

De son côté, Zach Bogosian a martelé l’idée que les Leafs approcheront le match de samedi comme s’il s’agissait d’un septième match.

« On sait qu’ils nous livreront leur meilleur effort d’ici la fin de la série. On doit jouer le match 6 comme si c’était un match 7 », a expliqué le gros défenseur.

Et en termes concrets, ça veut dire quoi, jouer comme dans un septième match ? « Jouer avec l’énergie du désespoir. Ça doit être notre meilleur match », a sèchement répondu Bogosian.

« Être aussi désespérés qu’eux, a ajouté Spezza. Ils savent que s’ils perdent, c’est fini. »

Si on se fie aux expériences récentes, il y a toutefois un autre thème récurrent dans de tels matchs. L’an dernier, avec le Lightning, Bogosian a vécu deux situations identiques à celle de ce printemps. Contre les Islanders et contre les Stars, Tampa menait 3-1 dans la série avant de perdre le cinquième match. Les Floridiens ont ensuite fermé les livres avec des victoires de 2-1 et de 2-0 dans les matchs no 6.

De son côté, le Tricolore a également vécu ce scénario ces dernières années. L’an dernier contre les Flyers, en 2015 contre le Lightning et en 2014 contre les Rangers, le CH s’est retrouvé en retard 1-3 et a repoussé l’élimination en remportant le cinquième match. En 2017, contre les Rangers, c’était 2-2, et les New-Yorkais avaient remporté les matchs 5 et 6.

Voici les résultats de ces sixièmes matchs.

2020 contre les Flyers : 3-2

2017 contre les Rangers : 3-1

2015 contre le Lightning : 4-1

2014 contre les Rangers : 1-0

Bref, un total de quatre buts en quatre matchs, du jeu fermé à souhait. En 2014 et en 2015, l’équipe n’avait pas même atteint la marque des 20 tirs. C’est peut-être aussi ça, un septième match…

Et comme ce fut le cas en 2015 et en 2017, la difficulté du Canadien à générer de l’attaque hantait continuellement cette équipe. Les quatre buts de jeudi n’auront-ils été qu’une illusion ? Réponse samedi soir.